Province du Nahouri: des actions qui brisent les barrières entre civils et militaires

Le « cross de la cohésion » est l’une des activités en commun entre FDS et civils qui renforce leurs liens.

La province du Nahouri, dans la région du Centre-Sud, est une localité caractérisée par une forte présence militaire et paramilitaire. L’Académie militaire Georges-Namoano, le Centre national d’entrainement commando (CNEC) ainsi que la Police, la Gendarmerie, les Douanes, les Eaux et forêt, la Garde de sécurité pénitentiaire et les Volontaires pour la défense de la patrie regroupent un nombre important « d’hommes de tenue » qui sont constamment en contact avec les populations civiles locales. Malgré quelques controverses, militaires, paramilitaires et civils vivent en harmonie et tissent parfois des liens solides qui font tomber certaines barrières.

Jean (nom d’emprunt), arrivé en mars 2025, à Pô, chef-lieu de la province du Nahouri, dans la région du Centre-Sud, n’avait pas encore fini de défaire ses valises que les services de sécurité ont des informations le concernant. Quelques jours après son arrivée dans la ville, son voisinage, intrigué par son comportement, a vite fait d’alerter les Forces de défense et de sécurité (FDS). Ces faits sont relatés par le commandant de
l’Académie militaire Georges Namoano (AMGN) et commandant d’armes de la place de Pô, le chef de bataillon Desmond Williams Baguera.

Le cas de Jean, comme bien d’autres, illustre la nature des relations entre les populations et FDS à Pô qui vivent en symbiose. Entre eux, les liens sont forts et la confiance règne. Dans un contexte où le pays est en proie au terrorisme depuis près d’une décennie, le vivre-ensemble, la cohésion sociale et la collaboration entre les FDS et les populations constituent un enjeu majeur.

La gouverneure du Centre-Sud, Yvette Nacoulma, ne manque pas de le relever dans ses prises de paroles, soulignant que la sécurité retrouvée depuis quelques années au Nahouri et dans toute la région du Centre-Sud, est le fruit des actions conjuguées des civils et des Forces combattantes. Dans sa déclaration à l’occasion de la cérémonie commémorative régionale du 64e anniversaire de l’indépendance du Burkina Faso, mercredi 11 décembre 2024, à Manga, elle insistait : « oui, la coproduction de la sécurité est une réalité indéniable au Centre-Sud ».

Une collaboration fort appréciée

Selon le Pô Pê, la hiérarchie militaire, les autorités et les populations s’efforcent, chacune à son niveau, à préserver la cohésion et la bonne collaboration.

Selon le commandant de l’AMGN, Desmond Williams Baguera, la cohésion et la
collaboration entre FDS et populations, dans la province du Nahouri, sont « satisfaisantes ». Pour l’officier militaire, cela s’explique surtout par le fait que les populations de la province ont conscience que le militaire est avant tout « un civil investi d’une mission particulière ». Le chef coutumier de Pô, le Pô Pê, est du même avis et reprend à son compte les propos du capitaine Thomas Sankara pour qui : « le militaire est un civil en mission et le civil est un militaire en permission ».

Selon le Pô Pê, à Pô, excepté la tenue, « tout le monde est pareil ». Le vivre-ensemble, explique-t-il, n’est pas un vain mot au niveau local. « C’est bel et bien une réalité. Cela fait tellement longtemps que nous vivons ensemble que nos relations sont devenues naturelles et aujourd’hui, nous constituons une même famille », dit-il. Plusieurs raisons, selon le chef de Pô, ont rendu cela possible. D’abord, il y a le fait que les FDS assurent la sécurité de tous, en plus du fait que sous le drapeau, on compte plusieurs filles et fils du Nahouri.

Ensuite, le Pô Pê estime que s’il y a aujourd’hui une osmose entre FDS et civils, elle est également à mettre au compte des commandements militaires qui multiplient des actions qui renforcent leurs liens. Les dons de forages à des villages, l’équipement de centres médicaux, l’installation de feux tricolores dans la ville de Pô sont des exemples de gestes qui forcent le rapprochement et brisent les barrières, soutient le chef de Pô. A propos de
ces actions, le commandant Baguera, explique qu’elles s’inscrivent dans une politique d’accompagnement des populations et le geste est devenue une coutume à chaque sortie des élèves officiers de l’AMGN.

« En prélude à ces sorties, nous essayons d’impliquer toutes les couches sociales. Nous organisons, par exemple, des sorties auprès de tous les chefs coutumiers des villages du Nahouri, des compétitions sportives avec les jeunes et des dons divers pour contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations que nos stagiaires et notre personnel côtoient au quotidien », explique-t-il.

Le « cross de la cohésion »

A l’image de l’Association des commerçants de Pô, plusieurs civils font régulièrement des dons aux FDS pour leur témoigner leur soutien.

Une autre initiative tout aussi efficace pour la promotion de la cohésion entre civils et
militaires est le sport. Notamment le « cross de la cohésion » qui se tient chaque mois, à
travers les artères de la ville de Pô. Les séances regroupent les éléments de tous les corps
militaires et paramilitaires auxquels se joignent les civils, y compris les autorités administratives locales. Selon l’ancien haut-commissaire du Nahouri, Auguste Kinda, cette activité sportive procure aux participants un bien-être corporel et mental, mais bien plus encore sur le plan social, car ajoute-il, le « cross de la cohésion » contribue à faire tomber le voile de la peur du « corps habillé ».

Dans la même logique, son successeur, Sié Aristide Mohammed Kam, qui a pris fonction le 27 février 2025, soutient que la participation aux séances du « cross de la cohésion » finit par convaincre le participant qu’il ne devrait avoir aucune barrière entre militaires et civils. « C’est vraiment une belle trouvaille qui permet de garantir la cohésion non seulement entre frères d’armes mais aussi entre les hommes de tenue et les civils », confie-t-il. Ce facteur rassembleur du sport est bien cerné par le chef du bureau des douanes de Dakola, Hamadou Koutou qui, lui aussi, a opté d’en faire un tremplin pour renforcer les liens entre la Douane et ses collaborateurs civils. Ils tiennent des séances hebdomadaires de match de football qui ont, selon le chef du bureau des douanes de Dakola, un bon impact sur les relations entre douaniers, transitaires et populations locales.

Des initiatives civiles aussi

Les militaires ne sont cependant pas les seuls à développer des initiatives qui nourrissent positivement les relations avec leurs vis-à-vis. De leur côté, les civils aussi ne manquent pas d’en faire pareil. Le commandant Baguera note à titre d’exemple les dons en numéraire ou en nature comme du carburant, des équipements, des vivres qui sont régulièrement offerts aux FDS. En novembre 2023, l’Association des commerçants de Pô a offert des vivres et des bons de carburant, le tout d’une valeur d’environ 600 000 F CFA aux Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) de la commune de Pô.

Le commandant de l’AMGN, le chef de bataillon Desmond Williams Baguera, se dit satisfait des rapports entre civils et FDS, au Nahouri.

Un « petit geste » au regard du sacrifice que consentent les VDP au quotidien, dit le président de l’Association, Ibrahim Aoué Pouabizana, avant d’ajouter que l’objectif était de « témoigner le soutien des commerçants et de la population en général, aux VDP et FDS ». Pour le commandant Baguera, d’autres gestes tout aussi « significatifs » pour les militaires sont les élans de réconfort, d’aide et de compréhension dont font montre des habitants de plusieurs villages du Nahouri régulièrement fréquentés par les stagiaires de l’AMGN. « Dans le parcours de formation de nos stagiaires, il arrive souvent quelques petits incidents dans des villages traversés mais que les populations ont toujours pris à leur compte.

Et ce qui nous remonte comme explication, c’est qu’ils disent comprendre que ces actes sont dénués d’intentions malsaines et aussi parce qu’ils souhaitent éviter que la hiérarchie inflige des sanctions aux éléments incriminés », raconte le commandant Baguera. Il a renchéri que de plus, plusieurs ménages dans les villages sont devenus familiers des stagiaires au point que, durant leur parcours de formation, quand ils arrivent chez eux, ils leur offrent de quoi boire et manger. C’est aussi en guise de reconnaissance et de remerciement envers les populations de tous ces gestes de générosité à l’égard des militaires que le commandement militaire, à chaque sortie de promotion, a décidé de leur faire divers dons, soutient le commandant de l’AMGN.

Dupliquer l’exemple du Nahouri

Le haut-commissaire du Nahouri, Sié Aristide Mohammed Kam, souhaite que l’exemple de la cohésion entre civils et militaires dans sa province soit dupliqué partout au Burkina.

Toutefois, les relations entre civils et militaires au Nahouri ne sont pas toujours un long fleuve tranquille. Leur coexistence est quelques fois marquée d’accrochages entre individus. En octobre 2021, par exemple, des militaires ont eu des altercations avec des civils à Pô, à cause d’une histoire de mœurs impliquant l’un d’entre eux. Il s’en est suivi une réaction populaire ayant conduit à la paralysie momentanée de la route nationale 5 reliant la ville de Pô à la frontière du Ghana.

Des incidents semblables se comptent dans la longue histoire commune des populations du Nahouri et des militaires, selon le Pô Pê. Fort heureusement, quand ils ont lieu, la hiérarchie militaire et les autorités gouvernementales ont toujours apporté la réponse appropriée, selon le chef de Pô. ­­­« Il faut ajouter que les populations aussi ont toujours fait preuve de compréhension et de pardon. Ce qui fait qu’on les oublie rapidement et on continue de vivre ensemble comme si de rien n’était », note le Pô Pê. Pour le haut-commissaire de la province, Sié Aristide Mohammed Kam, la cohésion et le vivre-ensemble sont une réalité au niveau local. « Je souhaite que l’exemple du Nahouri soit dupliqué partout ailleurs au Burkina Faso », appelle-t-il de ses vœux.

Mamady ZANGO
mzango18@gmail.com

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