
Jadis reconnue ville du vélo de part de le passé, Bobo-Dioulasso ne l’est plus. Et pour cause, le cyclisme vit depuis quelques années des moments difficiles au point que les clubs de la ville sont absents aux grands rendez-vous. Les raisons avancées de cette agonie sont, entre autres, le manque d’accompagnement et de compétitions.
Depuis la victoire de Paul Daumont à l’arrivée du grand prix cycliste du CNOSB, le 8 novembre 2020 à Koudougou, aucun cycliste de la ville de Bobo-Dioulasso ne s’est plus illustré dans une compétition majeure. Pourtant elle était reconnue ville de vélo de par le passé grâce à ses grands champions. Kouka Zabré dit Longman, Souleymane Belem, Sié Kambou ou encore Lassina Traoré ont animé le cyclisme burkinabè dans les années 80. L’actuel Directeur technique national (DTN) de la Fédération burkinabè de cyclisme (FBC) s’en souvient toujours.
« Bobo-Dioulasso était une ville du vélo, une cité du cyclisme, à l’instar d’ailleurs même d’autres disciplines. Elle a organisé ses premières compétitions dans les années 1954. Sya a fait de grands champions. Elle a également connu des dirigeants en l’occurrence Olé Kam, Lassina Traoré, Evariste Youl qui étaient des passionnés de vélo. Ils ont animé la discipline dans la capitale économique.


Bobo-Dioulasso faisait la fierté du cyclisme au Burkina Faso », reconnait Martin Sawadogo. Et Dominique Ilboudo dit « la mémoire » du cyclisme burkinabè de présiser que les coureurs bobolais étaient combatifs et très techniques. Ils étaient forts et au-dessus des autres. « Ils ont dominé le cyclisme burkinabè de 1980 à 2000 a-t-il dit ». Mais aujourd’hui tous ces succès se conjuguent au passé. La ville qui se faisait envier est en déperdition. Bobo- Dioulasso peine à s’illustrer dans les grands rendez-vous de cyclisme. Et les raisons sont diverses. Pour Abdoulaye Coulibaly, président du club Sya Yèrè, le manque d’accompagnement est à l’origine des moments difficiles que traverse le cyclisme à Bobo-Dioulasso.
« A Bobo-Dioulasso la majeure partie des clubs étaient sponsorisés par des sociétés. Par exemple l’AS SIFA étaient sponsorisé par la SIFA, Rail sprint par la RAN qui est devenue par la suite SITARAIL. Depuis la fermeture de la SIFA, l’AS SIFA ne sait plus à quel saint se vouer. Rail sprint ne bénéficie plus du soutien de la SITARAIL. Les autres clubs qui arrivaient à tenir grâce à certais mécènes ne bénéficient plus du soutien », justifie-t-il. Avant d’affirmer : « Cette malheureuse situation que vivent les clubs à Bobo-Dioulasso est en train de tuer à petit feu la petite reine à Sya ».
Le cyclisme à Bobo manque de tout
Si le président du club Sya Yèrè s’est limité au manque d’accompagnement, la
1re responsable de la Ligue de cyclisme des Hauts-Bassins et ancienne présidente
du club Wassadji, va encore plus loin. Selon Djelika Traoré, le cyclisme à Bobo-Dioulasso manque de tout. « Le cyclisme à Bobo-Dioulasso traverse une période difficile. Nous manquons pratiquement de tout à savoir les coureurs, du matériel et des compétitions. Nous avons six clubs masculins et un féminin. Nous essayons tant bien que mal de participer aux courses nationales.

Mais, ce n’est pas facile. Déjà les montures font une grande différence. Et cela est remarquable à vue d’œil », déplore-t-elle. Et d’avouer : « La Ligue de Bobo-Dioulasso avait un président en son temps, feu Lassina Traoré, un ancien champion et passionné de la discipline. Il n’hésitait pas à injecter ses moyens dans beaucoup de clubs dont l’AS SIFA d’où est venu Paul Daumont ou encore Souleymane Koné. Il a tenté de réveiller le cyclisme à Bobo-Dioulasso.
Malheureusement après son décès, la petite reine à Sya a rechuté ». Cette triste réalité de la petite reine à Sya a poussé certains dirigeants de clubs à baisser les
bras. Et c’est le cas de Ben Idriss Dembélé, président de l’AS SIFA.
« J’avais décidé d’abandonner. Je suis le seul à tout faire. Je n’ai aucun soutien.
Nous savons tous que le cyclisme demande beaucoup de moyens. Sans accompagnement, c’est très difficile. Le vélo coute très cher », laisse-t-il entendre. Qu’à cela ne tienne, beaucoup de dirigeants des clubs de Bobo-Dioulasso ont foi que la renaissance du cyclisme à Sya est encore possible s’il y a une réelle volonté. Pour le président de Sya Yère,
tous ceux qui sont à la tête des clubs de cyclisme à Bobo-Dioulasso sont des passionnés.

Mais Abdoulaye Coulibaly reconnait que la passion seule ne suffit pas et qu’il faudra donc des sponsors ou des mécènes pour redresser la barre.
« Nous devons travailler de concert à trouver des mécènes qui s’intéressent à la
discipline. Mais cette tâche n’incombe pas seulement aux clubs. C’est toute une
chaine. Elle doit commencer depuis le ministère des Sports en passant par la
Fédération jusqu’aux clubs. C’est une question de volonté et le cyclisme à
Bobo-Dioulasso a besoin de la contribution de tout le monde pour renaitre », propose-t-il.
Des cyclistes laissés à eux-mêmes
Dans la même veine, le DTN de la FBC reconnait que la volonté y est chez les
dirigeants, mais les moyens font défaut. « Pour que Bobo-Dioulasso puisse
retrouver son lustre d’antan, il faudra mener un lobbying, une volonté régionale
qui va susciter les sociétés de la ville à accompagner le vélo parce qu’il demande
beaucoup de moyens. Ce n’est pas la matière première qui manque. Beaucoup
de jeunes s’intéressent à la discipline à Sya. Il suffit juste de les encourager et
vous verrez que Bobo-Dioulasso fera encore des champions », souhaite Martin Sawadogo.
Elu en 2024 à la tête de la Ligue de cyclisme des Hauts-Bassins, Djelika Traoré et son équipe se sont donné pour mission de redynamiser le cyclisme à Bobo-Dioulasso. A peine quelques mois de fonctionnement, elle est confrontée à une situation ou beaucoup de coureurs des clubs sont laissés à eux-mêmes. « Les présidents des clubs n’arrivent plus à prendre les coureurs en charge. Nous essayons tant bien que mal de subvenir aux besoins de ces coureurs.
Nous sommes conscients que la tâche ne sera pas facile. Mais nous espérons qu’avec la contribution de tout le monde,nous allons réussir à donner un souffle nouveau à la discipline à Bobo-Dioulasso »,espère Djelika Traoré. Par manque de moyens, certains clubs ont opté pour laformation. Lors des Jeux nationaux de la Relève, organisés par le secrétariat permanent de la relève du ministère en charge des Sports, Bobo-Dioulasso s’en est bien sorti, notamment chez les filles.

Au niveau des compétitions nationales dans les petites catégories, les clubs bobolais arrivent à s’illustrer. Au dernier championnat national dans la catégorie cadette, François Sawadogo, du club Wassadji Bobo, a été champion de la saison. Pour le DTN de la FBC, ce sont des facteurs favorisants. Si les clubs de Sya réussissent à faire éclore des talents, ils n’arrivent malheureusement pas à les conserver.
C’est le cas de Paul Daumont ou encore Souleymane Koné et le dernier en date est François Sawadogo transféré à l’AJCK. Pour Djelika Traoré, c’est une triste réalité. « Nous sommes confrontés à un problème d’encadrement. Nous n’avons pas de bons entraineurs à Bobo-Dioulasso. Même pour l’entretien des vélos, nous sommes parfois obligés d’envoyer nos montures à Ouagadougou parce que nous n’avons pas de bons mécaniciens », déplore la présidente de la Ligue des Hauts Bassins
Ollo Aimé Césaire HIEN
