
Discret derrière ses écrans d’ordinateurs, son rôle est capital dans le dénouement d’une course cycliste. Depuis plus de trois décennies, Joachim Nikiéma vit sa passion pour l’électronique et particulièrement pour l’image, en grande partie grâce à la photo-finish. Il a fini par en devenir un expert dont la renommée fait écho au-delà de la terre des Hommes intègres.
C’est une référence de la photo-finish dans la sous-région ouest-africaine, voire au-delà. Ce
système de repérage de la position des coureurs sur la ligne d’arrivée. « Cela consiste à
placer une caméra spéciale perpendiculairement à la ligne d’arrivée pour enregistrer sur des ordinateurs uniquement ce qui traverse la ligne, à raison de plusieurs milliers d’images par seconde c’est comme un scanner », explique Joachim Nikiéma. C’est en cyclisme, que cet arbitre ultime des arrivées serrées dans les compétitions de course quand l’œil humain ne suffit plus à départager les concurrents, s’est fait un nom.
Son savoir-faire riche de plus de 30 ans d’expérience lui vaut de nombreuses sollicitations aussi bien au Burkina Faso qu’à l’international. La dernière en date a été pour le Tour cycliste international du Togo (16 au 24 mai 2025). Avant cette compétition le technicien burkinabè était pour les premiers mois de l’année sur le Tour de Mauritanie (janvier) et celui du Mali (avril). Avant le COVID-19, confie le spécialiste, il était à une moyenne de plus de dix sorties à l’international pour ses services.

En plus du Mali, le Togo, la Côte d’Ivoire, la Guinée et la Mauritanie en Afrique de
l’ouest, le Congo en Afrique centrale et le Burundi dans la partie orientale du continent
bénéficient de l’expertise de Joachim Nikiéma pour des tours inscrits au calendrier de
l’Union cycliste internationale (UCI). « J’ai classé aussi le Tour du Cameroun à un moment
donné, celui du Bénin jusqu’à il y a quatre ans. Il y a eu également celui de Madagascar qui
n’existe plus et le Tour de la CEDEAO qui s’est aussi arrêté », ajoute-t-il. Passionné de l’image et en général de la technologie, Joachim Nikiéma a fait du chemin depuis le Juvénal Saint Camille à Ouagadougou où jeune collégien d’alors, il était l’opérateur-projectionniste de l’école lors des séances de projection de films.
Devenu par la suite professeur d’éducation permanente au début des années 80, il a touché à plusieurs métiers et exercé de nombreuses fonctions au haut niveau de l’administration publique, mais s’est toujours arrangé pour vivre sa passion. En effet, de ses obligations pour le compte du volet jeunesse au ministère de la Jeunesse et des sports devenu ministère des sports et des Loisirs, Joachim Nikiéma a été affecté à la radio nationale sous la révolution de 1985 à 1987.
Il a été renvoyé au département chargé des sports comme attaché de presse après la révolution où il s’occupe du journal sportif imprimé de l’époque dénommé Nouveau Stade et ce jusqu’en 1991. Après cela, il suit des formations en production audiovisuelle au pays et au Japon avant de revenir pour occuper le poste de directeur de la communication de 2002 à 2016.Après quoi, il a rejoint le palais des sports d’où il est admis à la retraite en 2020 après avoir reçu les distinctions d’Officier de l’Ordre de la jeunesse et des sports et d’Officier de l’Ordre national.
Son histoire avec la photo dans le cyclisme, elle, débute en 1988 alors qu’il était en service
au ministère chargé des Sports. « Avec un aîné Moyembo Lankoandé, réalisateur, nous
avons décidé de créer un service audiovisuel. Ceci parce que nous avions remarqué qu’à
chaque fois qu’il y avait une course cycliste sur l’avenue de la Présidence, au centre-ville, elle se terminait en bagarres. L’on en vient aux mains et on se trimbale à la télévision nationale pour visionner les images, ce qui ne mettait pas toujours fin aux disputes après », relate-il.
Avec deux caméras VHS, son collègue et lui parviennent à convaincre le président de la
Fédération de cyclisme de les laisser faire des prises de vue des arrivées sous des angles
différents pour départager les athlètes. Les résultats après quelques courses sont
satisfaisants et la technique est adoptée. Elle est utilisée pour les courses au Faso jusqu’en
2001 où Amaury Sport Organisation (ASO), une entreprise organisatrice d’événements
sportifs internationaux de premier plan dont le Tour de France est venu en appui à la
fédération pour l’organisation du Tour du Faso.
Une renommée internationale
C’est avec cette organisation que la photo-finish, plus performante, arrive sur le Tour du
Faso. « A partir de ce moment nous avons été déconnectés », confie-t-il. Mais ses
connaissances de la photographie et de la technologie vont permettre à Joachim Nikiéma de revenir au-devant de la scène. En 2003, il est invité pour un stage de photo-finish sur le Tour de France car ASO avait accepté le transfert de compétences et cherchait quelqu’un qui s’y connaissait en photographie et en informatique. Sur la ligne d’arrivée du Tour de France, le natif de Tampouy (un quartier de Ouagadougou) va affiner ses aptitudes au contact des meilleurs.
Mais de retour au pays, il est confronté à un manque de matériel adéquat pour mettre en
application ses nouvelles connaissances. Avec une bonne dose d’abnégation cependant, il
fera avec ce qu’il a aux cotés des derniers collaborateurs de l’ASO jusqu’en 2007. A la faveur de l’organisation du championnat d’Afrique junior d’athlétisme cette année-là à
Ouagadougou, du nouveau matériel de photo-finish est acquis.
« Mais ce qui a été fourni ne répondait pas aux exigences du cyclisme car en athlétisme on
va moins vite. En 2009 lorsque les experts de l’ASO nous ont quittés en pleine édition et que nous devions tout assurer seuls, nous avons renvoyé la caméra à son constructeur pour l’adapter au cyclisme », rappelle M. Nikiéma. Depuis lors, Joachim Nikiéma n’a cessé de se mettre à jour pour honorer les sollicitations dont il fait l’objet.
Avant l’étape de la prise de vue à l’arrivée, explique le technicien, il y a un travail de préparation qui consiste en l’élaboration de la base de données avec l’ensemble des coureurs et toutes les informations possibles permettant leur identification et cela doit se faire avec rapidité, donc une bonne concentration pour éviter les erreurs et partant, les contestations. Une tâche qu’il exécute à la satisfaction à en croire les retours. « Il prend le temps de bien comprendre et faire les choses si bien qu’il maîtrise tous les rouages de l’audiovisuel, de l’infographie et de la presse.
Ce qui facilite l’exercice de son métier », indique le journaliste sportif Gustave Taro. Le
secrétaire général adjoint de la Fédération burkinabè de cyclisme et commissaire de course
élite UCI a travaillé à ses cotés sur plusieurs tours cyclistes au Burkina Faso et dans la sous- région. « C’est quelqu’un de très méthodique dans son travail. Il ne s’embrouille pas. Il maîtrise bien le travail et les règlements des courses et surtout n’arrête pas d’investir dans le matériel de travail pour être au top et présenter de bons résultats », témoigne Ousmane Kouanda. L’homme de 65 ans se distingue également par des valeurs humaines
remarquables saluées par plus d’un à l’image du président de la Fédération ivoirienne de
cyclisme, président de la confédération africaine de cyclisme, Yao Allah-Kouamé. Il reconnaît en l’homme un professionnel averti, très humble et affable qui fait son travail avec conscience.
« En tant que spécialiste de la photo-finish nous l’avons utilisé et nous
continuons de l’utiliser sur le Tour de Côte d’Ivoire. Une anecdote : une année le Tour de
Côte d’Ivoire finissait à Dabou. Et pour la dernière étape un coureur burkinabè et un ivoirien sont arrivés ensemble sur la ligne. Il était très difficile de les départager et pour ma part je croyais avoir vu l’athlète burkinabè franchir le premier la ligne, et si c’était le cas il pouvait ravir le maillot jaune du tour. Joachim Nikiéma a produit sa photo-finish et a déterminé que c’était plutôt l’Ivoirien qui avait gagné alors qu’il aurait pu jouer les faux patriotes, maquiller le résultat en faveur du Burkinabè. Il ne l’a pas fait et c’est ce professionnel accompli que je retiens de lui et que je salue », raconte le président Allah-Kouamé. Alors qu’il était le seul de ses huit frères et sœurs à se passionner pour la technologie, Joachim Nikiéma a réussi à la transmettre à sa progéniture dont un des fils est dans la sécurité informatique.
Dans le domaine de la photo-finish, il compte des disciples au Burkina qui opèrent à ses côtés parmi lesquels Sy Soungalo Traoré qui a fait sa connaissance en 2005. « C’est après plusieurs séances de suivi, et d’exercices pratiques sous sa supervision que je suis arrivé à avoir des notions et il m’a fait confiance pour me prendre comme collaborateur pour le classement photo-finish. J’espère être à la hauteur pour ne pas le décevoir », raconte-t-il. Par ailleurs enseignant vacataire à L’Institut des sciences du sport et du développement humain (ISSDH), Joachim Nikiéma travaille dans la production audiovisuelle et l’infographie. Il rêve de créer une société de gestion de compétitions sportives afin de devenir un prestataire de renom, mais surtout de former une nouvelle génération pour le remplacer.
Voro KORAHIRE
