Il y a un quart de siècle, le paysage médiatique burkinabè a vu naître un nouveau-né qui allait marquer le paysage médiatique : Fruit d’une vision audacieuse et d’une passion sans bornes, ce journal, lancé par le directeur général de Sidwaya de l’époque, Michel Ouédraogo, a su tracer son chemin, se forger une identité propre et s’imposer comme un acteur incontournable de la promotion du sport national. Retour sur une aventure humaine et journalistique exceptionnelle, racontée par les premiers rédacteurs du journal.

Au tournant des années 2000, le Burkina Faso connaissait un boom de la presse sportive. De nombreux titres privés voyaient le jour, mais leur durée de vie était souvent éphémère. C’est dans ce contexte que le directeur général de Sidwaya de l’époque, Michel Ouédraogo, lui-même ancien footballeur de l’Etoile Filante de Ouagadougou, a eu l’idée de créer une publication spécialisée, exclusivement consacrée au sport. Barthélémy Kaboré, l’un des premiers rédacteurs, explique l’une des raisons ayant conduit à la création de Sidwaya Sport : « Le quotidien qui est un journal d’information générale ne permet pas de traiter chaque fois en temps réel les informations sportives. Quand l’actualité politique et sociale est bien fournie, c’est à peine si on pouvait avoir une page de sport dans le quotidien ». L’objectif était alors clair : offrir une tribune dédiée, en temps réel, à l’actualité sportive, et donner au sport burkinabè la visibilité qu’il mérite. Le choix de lancer ce journal au sein d’une entreprise étatique comme Sidwaya n’était pas anodin. Jérémy Nion, un autre membre de la première heure, le souligne si bien. « Seul l’Etat pouvait garantir à un journal de sport un avenir meilleur », indique-t-il Ce soutien institutionnel, combiné à la vision de Michel Ouédraogo, a permis de poser les bases d’une aventure qui allait durer. Les débuts ne furent pourtant pas un long fleuve tranquille. Le personnel était restreint, l’équipe de rédaction se composait de journalistes passionnés, mais peu nombreux. « Nous relevions d’un desk simple, donc nous n’étions pas en nombre suffisant pour faire un journal. Il a été nécessaire de débaucher un des correcteurs, Barthélémy Kaboré, un footballeur de son quartier, un autre, François Kaboré qui n’avait pas totalement fini son cursus à l’ISTIC, mais qui venait épauler », se remémore Marcel Bélem, le premier rédacteur en chef de Sidwaya Sport. Malgré ce manque de moyens humains, c’est la passion et la complicité qui ont fait la différence. « On a trimé dur, mais on a réussi. C’était une famille. Même en cas de bisbilles, ça n’allait pas loin », précise Marcel Bélem. Cette solidarité a été le ciment de l’équipe et la force motrice du journal. Les premiers numéros ont été le fruit d’une effervescence créative. Chacun a été invité à proposer des rubriques. Marcel Bélem se souvient d’une anecdote amusante : « Parmi les premiers numéros, un coïncidait avec les finales du basketball. Moi qui étais du milieu, j’ai rempli le journal avec le basket. Michel Ouédraogo n’a pas du tout apprécié cela ». Ces moments de tension témoignent de la vie intense qui animait la rédaction.

Le courage de la plume et les combats du quotidien

Sidwaya Sport a rapidement acquis une réputation de journal sans concession. L’équipe, jeune et pleine d’audace, n’hésitait pas à « porter la plume dans la plaie » pour dénoncer ce qui n’allait pas. Jérémy Nion se souvient de plusieurs épisodes marquants. L’un d’eux concerne la Fédération burkinabè de football (FBF) et l’annonce de la venue de l’entraîneur argentin Oscar Fulloné. « Bien que internet ne fût pas développé à l’époque, j’ai pu fouiller et trouver que le messie promis n’allait pas venir car il était au même moment en discussion avec le Wac du Maroc », souligne-t-il La réaction de la fédération fut cinglante, qualifiant Sidwaya Sport de journal « bon pour emballer des croissants ». L’histoire, cependant, a donné raison au journal. Un autre épisode illustre la détermination de l’équipe. Lors de la CAN 2004 en Tunisie, la FBF refusait que Jérémy Nion fasse partie du voyage. Michel Ouédraogo a alors pris le parti de son journaliste, déclarant : « Sois c’est Nion soit Sidwaya ne sera pas de la CAN » . La FBF a finalement cédé. Ces anecdotes témoignent du soutien indéfectible du directeur général et du caractère combatif de la rédaction. La vocation du journal était d’être un bihebdomadaire, paraissant les mardis et vendredis. Ce rythme de parution était « un travail de titan », selon Barthélémy Kaboré. Les contraintes d’impression et le manque de personnel ont finalement obligé le journal à passer à une parution hebdomadaire. Même avec cette adaptation, le journal a su garder sa vivacité. Il est devenu un quotidien à part entière lors d’événements majeurs comme la CAN junior 2003 et lors de certains Tour du Faso, prouvant ainsi sa capacité à répondre à l’actualité brûlante. Au fil des années, Sidwaya Sport a su s’imposer comme une référence, un « outil au service du sport burkinabè ». Il a été un tremplin pour de nombreux journalistes, dont certains ont été récompensés par des prix Galian (Jérémy Nion) pour leurs articles, un fait rare dans un milieu où le sport est parfois moins valorisé que d’autres genres journalistiques.

Une référence qui peut encore grandir

Cependant, le chemin est encore long pour que le journal puisse s’enraciner dans le paysage médiatique burkinabè. François Kaboré, un autre ancien de l’équipe, plaide pour une couverture plus large des activités dans les provinces. « Hormis les infos sur les professionnels à l’extérieur, le tout est misé sur Ouagadougou », poursuit-il. Il y a, selon lui, de nombreux sportifs à valoriser en dehors de la capitale. Jérémy Nion, quant à lui, estime que le journal doit se moderniser pour faire face aux défis de l’ère numérique. Il propose de rendre le journal « entièrement en couleur et imprimé sur du papier glacé », d’étendre sa distribution à l’étranger, de former les journalistes aux nouvelles technologies et de « rénover le contenu du sport pour le rendre plus attrayant ». Il regrette également le manque d’initiatives annexes, comme la création d’événements qui mettraient en lumière le travail du journal et ses acteurs. Sidwaya Sport a démontré sa résilience et sa capacité à durer là où d’autres titres ont échoué. Son succès est le résultat d’un mélange de passion, de courage et de vision. Aujourd’hui, le journal a un rôle majeur à jouer dans l’évolution du sport burkinabè. Il ne s’agit plus seulement de couvrir l’actualité, mais de se réinventer, de s’ouvrir à de nouveaux horizons et de continuer à promouvoir le sport avec l’enthousiasme des débuts. L’héritage est immense et le défi de le faire fructifier n’est pas moins important. Le bébé de Michel Ouédraogo est devenu un adulte solide, mais, il a besoin de nouvelles ailes pour voler encore plus haut, estiment en somme ces anciens de la rédaction.

Pengdwendé Achille OUEDRAOGO

Laisser un commentaire