A l’occasion du 36e Tour du Faso, nous nous sommes entretenus avec Lambila Abdoulaye Ouédraogo, président du jury. Fort de son expérience de commissaire international, il revient sur son rôle essentiel, l’application des règlements de course et les défis organisationnels de cette édition.
Quel est le rôle exact du président du jury dans cette 36e édition et comment assurez-vous le respect des règles ?
D’abord, le président du jury est un officiel diplômé. Le minimum requis est d’être un commissaire national élite. Proprement dit, le rôle principal du président du jury est d’assurer la sécurité des coureurs sur l’ensemble de la course. Notre travail, ce n’est pas uniquement le classement. Il faut d’abord inspecter les lieux de logement, la qualité des repas, et surtout le tronçon qu’ils vont emprunter pour la compétition. Est-ce que la route est praticable ? J’ai l’autorité de refuser ou d’accepter une étape. Si je juge qu’une étape met en péril l’intégrité physique des athlètes, je peux dire que la voie n’est pas praticable. Pour le respect des règles, il faut une parfaite connaissance du règlement international. J’ai commencé à officier dans des courses internationales depuis 2019, notamment en Ethiopie, en Egypte, au Maroc, au Canada, en Italie, en France, en Belgique, en Turquie et en Suisse. Cette expérience me permet de bien diriger les courses conformément aux normes internationales. Sur le terrain, il faut rester calme, posé et avoir une maîtrise parfaite du règlement. Nous devons avant tout être de bons managers pour gérer au mieux les relations avec les coureurs, les directeurs sportifs, les journalistes et la caravane.

Comment le jury gère-t-il les éventuelles situations de course litigieuses comme les sprints ou les chutes ?
Actuellement, nous n’avons pas vraiment de situations litigieuses graves. Nous n’avons pas la VAR (NDLR : assistance vidéo comme au football, mais nous nous efforçons de perfectionner les courses en Afrique. Au niveau des points chauds, nous plaçons un officiel avec une caméra. A l’arrivée, nous disposons de la photo-finish. De plus, à partir des 200 derniers mètres avant l’arrivée, il y a un article dans le règlement qui interdit aux coureurs de dévier de leur couloir. Nous plaçons également des officiels qui filment cette zone. Après la course, nous visionnons les images pour observer attentivement s’il y a eu une déviation dangereuse. Si l’action est vraiment dangereuse, cela peut entraîner une disqualification. Si l’infraction est moins grave, nous pouvons infliger une pénalité, comme le retrait de points ou l’ajout de minutes au classement, avant de laisser le coureur continuer.
La première étape a été considérée comme fictive. Comment le jury a-t-il validé cette décision exceptionnelle ?
D’emblée, je dois être clair ; ce que nous avons fait n’est pas prévu par les règlements de l’Union cycliste internationale (UCI). C’est une étape organisée sous notre seule responsabilité, et non sous l’égide de l’UCI. En accord avec le Comité national d’organisation (CNO) et le ministère, nous avons jugé bon de faire une étape fictive pour permettre à l’équipe du Cameroun de rejoindre le Tour sans être pénalisée au classement général. C’est une décision que toutes les équipes ont d’ailleurs comprise et appréciée.
Comment se déroule la collaboration avec le Comité national d’organisation (CNO) ?
Le CNO est l’entité organisatrice et je lui dois le respect, tout comme il me doit le respect dans mes fonctions. En tout cas, depuis le début de la course jusqu’à la troisième étape, la collaboration a été impeccable. Il n’y a pas de souci pour le moment.
Quelles sont les mesures spécifiques que le jury met en place pour contrôler l’état du parcours et des infrastructures ?
L’état de la route, logiquement, relève de la responsabilité du comité national d’organisation. Cependant, le président du jury, surtout s’il est étranger, découvre les routes au même moment que les coureurs. C’est pourquoi l’UCI autorise les coureurs et le président du jury à interrompre une course s’ils jugent que le tronçon n’est pas bien. Les coureurs peuvent refuser de partir. A la troisième étape qui est un critérium, nous avons fait un tour de reconnaissance pour évaluer l’état du circuit avant de donner le départ. Si nous avions trouvé trop de trous, nous aurions pu décider de ne pas faire l’étape. Nous sommes très vigilants sur ce point, car l’état des voies est inclus dans nos rapports. Si une route n’est pas sécurisée, l’UCI peut retirer l’événement de son calendrier. L’UCI examine l’état des routes, l’hébergement et la sécurité de façon générale dans ses rapports.
Quelle est la politique du jury par rapport au dopage ?
Le président du jury n’a rien à voir avec la gestion du dopage. Ce n’est pas son rôle. Quand il y a une course, l’UCI désigne le président du jury et, en même temps, le président de la commission antidopage. Ce sont deux entités différentes. Chacune a ses préoccupations et ses travaux, mais elles sont totalement indépendantes.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées par le jury pour cette 36e édition et quel a été le plus grand succès jusqu’à présent selon vous ?
Les difficultés ne sont pas nombreuses par rapport à notre travail. Ce que je déplore, c’est l’état de certaines voies. De façon organisationnelle, pour les trois premières étapes, il n’y a pas eu de problème, grâce à Dieu, et tout se passe bien. Quant au succès, certaines personnes étaient pessimistes, pensant que sans l’UCI, nous n’aurions pas 12 équipes. A leur grande surprise, nous avons au moins 12 équipes cette année. Je suis très heureux que nos amis soient venus nous soutenir pour le Tour. C’est un tour d’essai. C’est à partir de cette édition que nous espérons être réinscrits une fois de plus au calendrier international probablement en 2026. Si nous continuons comme ça, nous sommes sur la bonne lancée.
Comment évaluez-vous le niveau des équipes ?
Vous voyez que ce sont des équipes qui montent, que ce soit le Bénin, le Niger, le Ghana ou le Mali. Par contre, il y a des équipes que je ne comprends pas, c’est le Cameroun et la Côte d’Ivoire qui ne semblent pas prêts pour gagner cette édition. Le maillot jaune va se discuter, selon moi, entre le Maroc et le Burkina Faso. Bien sûr, en tant que président du jury, je souhaite que le meilleur gagne. Mais en tant que Burkinabè, je pense que le Burkina Faso va remporter le Tour. La Belgique après la troisième étape risque de se focaliser sur des victoires d’étapes.
Interview réalisée par Pengdwendé Achille OUEDRAOGO







