Le projet de poulailler moderne devant fournir de la viande pour l’alimentation des pensionnaires est resté à l’étape de fondations après le décès du fondateur.

Jadis fleuron du football burkinabè, le Centre de formation de football Naba Kango fondé en 2001 à Ouahigouya par le grand passionné de la discipline, Noufou Ouédraogo, est aujourd’hui dans un état préoccupant. La formation est à l’arrêt depuis quelques années. Au milieu d’installations désormais très dégradées, les seuls signes d’activités sont ceux du club AS ECO qui continue de s’y entrainer.

En cet après-midi ensoleillé du mois d’octobre 2025, un léger vent de fin de saison pluvieuse souffle sur la ville de Ouahigouya. Dans la vaste cour du Centre de formation Naba Kango au secteur 1, quelques moutons broutent l’herbe défraichie. A quelques pas, à gauche de l’entrée principale, un groupuscule de six personnes devise autour d’une théière. Il est 14h passées et rien ne laisse entrevoir à ce moment précis la vocation première de ce lieu qui est la formation en football. Du groupe des hommes, Soumaïla Ouédraogo, la cinquantaine, vient à notre rencontre.

C’est un employé des lieux. Après quelques coups de fil passés à sa hiérarchie et des clés récupérés, c’est parti pour une visite guidée du site en sa compagnie. C’est le secrétariat

Abdoul Kadré Bancé, directeur régional chargé des sports du Yaadga : « nous allons étudier la question avec les différents acteurs pour voir dans quelle mesure un partenariat est possible ».

qui s’ouvre en premier. Une pièce d’une vingtaine de mètres carrés. Sur les murs lézardés par endroits de traces séchées de termites, plusieurs photographies d’équipes et de personnalités en compagnie du fondateur Noufou Ouédraogo. Dans une armoire à trophées, sept coupes et des attestations sont perceptibles à travers la vitre.

A côté, sur une table, un ordinateur. Le reste de la surface du local est occupé par une motocyclette usagée sur laquelle sont déposés des équipements d’entrainement, dont une partie est entassée à même le sol. Le dénominateur commun à tous ces
« occupants » de la pièce, c’est l’importante couche de poussière ocre qui les recouvre. Comme le secrétariat, la salle de musculation ne l’est plus que de nom. La totalité des appareils d’exercice est hors d’usage. « Rien ne fonctionne correctement ici », s’indique Soumaïla Ouédraogo. Les différents outils sont en pièces détachées.

Il faut de l’imagination et quelques commentaires suivis de simulations du guide pour savoir à quoi servait tel ou tel objet. A en juger par la poussière des lieux et les feuilles mortes de gazon qui jonchent le sol, il y a longtemps que la salle a servi à autre chose qu’à entreposer le matériel d’entretien de la pelouse. Une pelouse qui a connu des jours meilleurs. Le gazon est difficilement distinguable de l’herbe sauvage en phase d’assèchement aux abords du terrain.

« C’est le problème d’eau qui n’est plus disponible comme avant. Avec la saison pluvieuse c’était mieux, mais actuellement c’est un peu difficile », explique M. Ouédraogo dont la tâche principale est l’entretien du gazon. Et pour cause, le forage utilisé fonctionne grâce à l’électricité de la SONABEL, mais faute de moyens pour honorer les factures, son utilisation a été arrêtée. Des plaques solaires sont annoncées comme alternative mais elles se font toujours attendre.

Selon Ibrahima Ouédraogo, fils du fondateur, il est envisagé une reprise des recrutements cette fin d’année.

Le rationnement se fait désormais par le robinet à l’aide d’un tuyau d’arrosage. Une situation qui a sans doute favorisé l’apparition de fourmilières à certains endroits du terrain. La cuisine et le réfectoire ne sont pas épargnés par le délabrement qui a cours dans les autres compartiments. Le plafond endommagé par les termites est en partie effondré sur des restes d’aliments pour bétail.

« Comme pour le moment il n’y a pas d’activités en ces endroits c’est ce qui explique l’état des installations. Lorsque nous allons nous apprêter à les utiliser, nous remettrons tout cela en ordre », relativise notre interlocuteur. Le bâtiment R+1 abritant les dortoirs et la salle de réunion parait vide de loin. Si c’est bien le cas au niveau supérieur, les dortoirs du rez-de-chaussée sont bien occupés. Deux salles abritent une bonne partie de l’effectif du l’AS ECO, le club issu du centre et qui évolue en D2.

Sur des matelas disposés sur des lits en deux rangées, plusieurs joueurs sont en pleine sieste. Les pièces sont dotées de brasseurs mais leurs commandes murales sont arrachées intentionnellement. « C’est problème de courant », répond Soumaïla Ouédraogo, le sourire au coin, à la question de savoir pourquoi cela. C’est-à-dire que ne pouvant pas supporter le coût des factures d’électricité qu’une utilisation des brasseurs pourrait engendrer, il a été décidé d’enlever les commandes pour empêcher leur utilisation.

Le cri du cœur des responsables

Yacouba Kalil Diarra, issu de la dernière promotion espère que la situation va vite s’améliorer.

Ces pensionnaires de fortune sont depuis quelques années les seuls animateurs du centre. En effet, depuis le décès du fondateur, le 23 octobre 2022, le Centre de formation de football Naba Kango, vivier de talents depuis plus de deux décennies vit des moments difficiles. « Ce qui a beaucoup changé c’est qu’en tant qu’amoureux du football, le papa dépensait vraiment sans compter pour cela et par rapport à sa vision. Aujourd’hui faute d’avoir les mêmes facilités, nous sommes obligés de réadapter cette vision car le football est aujourd’hui un business. Les installations ont pris un coup de vieux, mais nous ne baissons pas les bras pour autant car, le papa aurait voulu que nous perpétuions son œuvre c’est pour cela d’ailleurs qu’il a demandé à être enterré ici », confie Ibrahima Ouédraogo, un des fils du fondateur.

La formation y est arrêtée quelques mois après la disparition du promoteur et ce, jusqu’à nos jours. « Nous avions une promotion grandissante et après le décès du fondateur il fallait prendre une décision et nous avons décidé de faire monter ces joueurs avec AS ECO pour la compétition et ce sont eux qui ont animé le club ces trois dernières années », relate Ibrahima Ouédraogo. L’effectif des travailleurs a été réduit au maximum et ne compte plus qu’un concierge, le vigile et les membres de l’encadrement technique de l’AS ECO. Yacouba Kalil Diarra est de la dernière promotion des pensionnaires.

En attendant d’avoir une opportunité comme son coéquipier de promotion, Apollinaire Bougma, qui a intégré l’Académie de Manchester City, c’est à l’AS ECO qu’il évolue depuis lors au poste de latéral droit. « Après le décès du papa il y a eu une baisse en termes de soutien pour nous. Les membres de la famille font des efforts ainsi que certaines bonnes volontés mais il nous manque toujours beaucoup de choses et ce n’est pas facile », témoigne-t-il. Noufou Ouédraogo, lui, a été de la promotion de 2009 à 2012 avant de jouer pour le club du centre entre 2013 et 2021. Il est actuellement le 3e assistant au coach. «

Le forage attend toujours des plaques solaires pour fournir l’eau nécessaire
à l’entretien…

Au début c’était bon il y avait beaucoup de sponsors et chaque année nous recevions du matériel de la part de partenaires. Mais actuellement ce n’est plus le cas. Depuis le décès du fondateur nous n’en avons plus reçu », regrette-t-il. Joueurs et responsables en appellent désormais à des partenariats pour espérer redonner un nouveau souffle au centre. « Mon appel c’est d’abord à l’endroit des anciens pensionnaires peu importe leur domaine d’activités actuellement pour qu’ils reviennent comme certains anciens qui sont revenus dans l’encadrement. Tout n’est pas une question d’argent. L’appui peut prendre plusieurs formes.

Aux autorités si elles décident de faire quelque chose pour nous, nous en serons heureux et c’est le même message aux anciens collaborateurs du papa », lance Ibrahima Ouédraogo. Du côté des autorités régionales en charge du sport, la situation est vécue avec un pincement au cœur au regard de la contribution du centre au développement du football

Le matériel de la salle de musculation est hors d’usage depuis un bon bout
de temps.

national. « La politique nationale actuelle en matière de sport a pris à bras le corps la question de la relève sportive d’où la création de centres et des compétitions dans ce sens. L’Etat accompagne déjà des initiatives privées qui s’inscrivent dans la même dynamique, ce qui veut dire qu’un partenariat avec Naba Kango n’est pas impossible », affirme le directeur régional chargé des sports du Yaadga, Abdoul Kadré Bancé.

Le centre Naba Kango a formé plusieurs générations de joueurs. Des noms comme Rachid Coulibaly, Victor Nikiéma, Fadil Ido, Zidane Zoungrana, Oumarou Sané se sont illustrés avec le groupe des Etalons cadets de 2009. Zaniou Sana, meilleur buteur de la CAN U17 (Rwanda 2011), Abidine Rachid Sana, ex-capitaine de l’ASAY, actuellement sociétaire de l’AS Douanes ou plus récemment Apollinaire Bougma sont également
des produits qui ont fait et continuent de faire la fierté du centre de Ouahigouya. Vivement donc que la bonne thérapie soit trouvée pour sortir le Centre Naba Kango de sa longue agonie.

Voro KORAHIRE

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