Malgré le départ du président, Omar El-Béchir, poussé à la démission, jeudi dernier, par une rue en colère, après 30 ans de règne sans partage au Soudan, la mobilisation ne faiblit pas dans les rues de Khartoum.
Les manifestants, qui réclament la mise en place d’un gouvernement entièrement civil pour conduire la période transitoire, maintiennent la pression sur le Conseil militaire de transition, qui s’est emparé du pouvoir après la destitution du chef de l’Etat.
Les marches de protestations de milliers de Soudanais dans les rues de la capitale et des grandes villes du pays pour crier leur ras-le-bol ont obligé le ministre de la Défense, le général Awad Ibn Awf qui s’était autoproclamé chef de l’Etat, à démissionner du Conseil militaire après 24 heures de gestion du pouvoir. Son successeur, un autre haut gradé de l’armée soudanaise, en l’occurrence le général Abdel Fattah al-Burhane, semble être lui aussi sur la sellette, au regard de la détermination dont font montre les protestataires qui, depuis le 6 avril, campent devant le QG de l’armée à Khartoum. Les bidasses ne sont pas du tout des enfants de cœur, et cette option de l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance du mouvement de contestations, est à saluer.
Car, c’est toujours le même scenario : après avoir joué les gardes prétoriennes des présidents, pendant de longues années usant de tous les moyens pour asseoir leur pouvoir, les militaires se trouvent subitement, dit-on, du côté du peuple lorsque ce dernier décide de chasser un dirigeant dont il en a marre. Et comme l’appétit vient en mangeant, leurs promesses de gérer une transition et de remettre le pouvoir aux civils à l’issue d’une élection, ne sont jamais respectées du fait des ambitions présidentielles spontanées.
Il est temps d’en finir avec les régimes militaires qui arrivent opportunément à la tête des Etats en Afrique pour déployer les efforts afin de conserver le pouvoir au détriment de la grande masse des citoyens. Avant El-Béchir au Soudan, Abdel Aziz Bouteflika, 82 ans, « vomi » par les Algériens, a lui aussi été contraint à une sortie par la petite porte alors qu’il prétendait à un cinquième mandat dans son fauteuil roulant de malade grabataire.
Là, également, les manifestations sont toujours en cours chaque semaine pour tenter de « déraciner » le système. Le président de la deuxième Chambre, Abdelkader Bensalah, désigné chef de l’Etat par intérim, considéré comme l’homme de main de Bouteflika, a vu son autorité contestée par les frondeurs. Au point qu’ils ont remis en cause la date des élections fixée au 4 juillet 2019 par le nouveau pouvoir.
Le peuple algérien s’est senti pris en otage pendant des décennies de règne Bouteflika et il ne veut plus prêter le flanc en allant à des élections organisées par des rescapés du système déchu. Ne dit-on pas que chat échaudé craint l’eau froide ? La crise de confiance entre le pouvoir et les citoyens est une réalité en Algérie et les appréhensions des citoyens sont fondées d’autant plus que l’éviction du chef de l’Etat, considérée par ses fidèles comme une humiliation n’est pas de leur goût. Ces derniers ne peuvent donc pas garantir un scrutin libre et transparent.
Depuis quelques semaines, bon nombre de dirigeants sur le continent ont le sommeil troublé surtout ceux qui sont installés dans leurs palais depuis des décennies. Le moment est venu de tourner la page des longs règnes et les peuples se préparent à faire partir de gré ou de force leurs dirigeants qui veulent faire des palais présidentiels leurs sanctuaires. Les menaces sont sérieuses, mais nous ne voulons pas jouer les oiseaux de mauvais augure. Vivement que s’arrêtent les longs règnes !
Beyon Romain NEBIE
nbeyonromain@yahoo.fr