Une tribune stratégique

La Russie n’a pas seulement rendu hommage, le vendredi 9 mai dernier, à ses héros de 1945, pour marquer la victoire sur l’Allemagne nazie à l’issue de la deuxième Guerre mondiale (1939-1945) pour laquelle le rôle de ses troupes a été prépondérant. Elle a aussi accueilli un visage nouveau dans le cercle restreint des puissances en recomposition. En effet, la présence du Président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, à Moscou, en tant qu’invité de marque du Président russe, Vladimir Poutine, n’est pas fortuite. Un allié privilégié de la Fédération de Russie en Afrique de l’Ouest vient d’être révélé au monde. Aux côtés de l’Egyptien Abdel Fattah Al Sisi, du Vénézuélien Nicolas Maduro, du Brésilien Lula da Silva, du Chinois Xi Jinping …, le capitaine Traoré s’est affirmé sur une tribune hautement stratégique.

Derrière la solennité de la parade militaire, quelque chose de plus profond s’est joué sur l’échiquier mondial. Le Président Ibrahim Traoré ne s’est pas déplacé en figurant, ni pour tendre la sébile, mais pour « bâtir une coopération fructueuse et souveraine », a-t-il lancé, droit dans ses bottes. C’est dire que le Burkina Faso n’offre plus son dos au monde ; il propose ses bras, ses idées, ses lignes de force pour une coopération plus soucieuse de l’avenir de tous. Dans un contexte où l’Afrique rebat toutes les cartes, le président burkinabè a courageusement entrepris de nouer des alliances pragmatiques assumées avec des partenaires respectueux de nos choix, loin des sermons moralisateurs.
Ce deuxième voyage du capitaine Traoré en Russie, après le sommet Russie-Afrique de Saint Pétersbourg en 2023, ne saurait être une anecdote. Il s’inscrit dans une ligne diplomatique limpide. Le Burkina regarde aussi à l’Est pour forger les outils de sa souveraineté. Coopération militaire, transferts technologiques, projets énergétiques …, l’axe Ouaga-Moscou se consolide par des engagements concrets.
C’est une orientation majeure pour un pays comme le Burkina Faso, longtemps réduit à subir le diktat de certains de ses partenaires dits traditionnels.

Car la guerre qui lui est imposée depuis 2016 n’est pas seulement territoriale. Elle est aussi cognitive, technologique, géopolitique et la réponse ne peut être que systémique. Le terrorisme que le Président Traoré qualifie avec juste raison de « manifestation contemporaine de l’impérialisme » exige une mutation dans les relations internationales, parce que les armes de la résistance sont aussi intellectuelles, scientifiques, industrielles et diplomatiques. « L’aide que vous pouvez nous octroyer, c’est surtout le transfert de connaissances », a-t-il lancé, pour en faire l’un des piliers de la reconstruction nationale.
Cette vision en matière de coopération se débarrasse de la traditionnelle posture d’assistance de nos pays dits pauvres. Bien sûr, ce cap n’est pas sans turbulences. Il appelle endurance, cohérence et audace étant donné qu’il dérange des équilibres établis. Seulement, l’Histoire ne s’écrit jamais dans le confort. Le capitaine Ibrahim Traoré en a déjà pris la mesure : « Les obstacles sont une bonne chose, en quelque sorte, que nous devons surmonter », estime-t-il.

Kremlin et sur la Place Rouge à Moscou, l’Afrique n’a donc pas été spectatrice. Elle a parlé, proposé et choisi. Le Burkina Faso n’a pas seulement été représenté. Il s’est encore affirmé, comme au sommet Russie-Afrique de Saint Pétersbourg, où les déclarations de son président restent toujours d’actualité. Dans la dignité, le Burkina, et partant les pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) affichent leur volonté farouche d’être enfin maîtres de leur destin.
La victoire sur le nazisme, sonnant ainsi la fin de la Grande Guerre, célébrée le vendredi 9 mai dernier à Moscou, nourrit aussi l’espoir de mettre bientôt hors d’état de nuire les forces du mal au Sahel. Déjà, l’AES a eu une oreille attentive au regard des propos du président russe qui estime qu’« aujourd’hui, ce qui nous réunit, c’est la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme ». Malgré tout, la flamme de l’espoir doit être portée par les filles et fils de l’Alliance pour vaincre tout projet funeste qui freine le développement dans leurs pays.

Par Assetou BADOH

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