La 55e session ordinaire de la conférence des chefs d’Etat de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a décidé d’«une approche graduée» pour l’adoption d’une monnaie commune au 15 pays de l’institution, l’Eco, d’ici l’année prochaine. A l’image du débat actuel sur l’abandon ou non du Franc CFA, l’adoption d’une monnaie de la CEDEAO a été la décision la plus médiatique, commentée avant même d’être actée par les chefs d’Etat réunis en l’absence d’un des poids lourds de la zone UEMOA, le président sénégalais, Macky Sall. En soit, l’adoption d’une devise unique est le curseur d’une intégration économique, car facteur potentiel d’accélération des autres formes d’intégration (politique, institutionnelle, sociale, culturelle…).
Pourquoi ne pas y croire au moment où la question de la création de cette monnaie unique, dont le projet est vieux comme l’organe lui-même, connaît enfin des avancées notables. Annoncée en 2000 pour 2009 dans un premier temps, la mise en place de la monnaie commune CEDEAO qui a fini par devenir un mirage, a été reportée pour 2015, au regard de certains obstacles préalables à surmonter au sein de l’UEMOA d’une part, et d’autre part, dans la Zone monétaire ouest africaine (ZMAO) regroupant les pays ayant leurs propres banques centrales comme le Nigeria et le Ghana. Cette fois semble être la bonne, même si la décision fait sourire certains spécialistes et de nombreux «Saints Thomas». Ceux-ci ne promettent pas moins à la future monnaie commune CEDEAO que le destin du Franc malien (1962-1984) créé en droite ligne de l’affirmation de l’indépendance du pays, c’est-à-dire non convertibilité, menace permanente de dévaluation, taux d’inflation hors norme. Le principal argument des «Ecopessimistes» semble être les difficultés objectives qu’ont les pays de l’UEMOA à faire respecter les huit critères de convergences (taux d’inflation moyen annuel, ratio dette intérieure-dette extérieure sur PIB nominal, non accumulation d’arriérés internes et externes et le fameux ratio masse salariale sur ressources propres qui ne devrait pas excéder 35% …) dans la zone franc et le géant Nigérian qui formalise la 2e zone monétaire avec les autres pays anglophones de l’espace CEDEAO.
Qu’à cela ne tienne, il y a fort à parier que toutes ces contraintes et hypothèses ont été prises en compte dans l’élaboration des documents de base de la décision des chefs d’Etat. Du reste, le débat sur les critères de convergence devrait substantiellement évoluer car, dans une zone monétaire comme celle de la CEDEAO, basée non pas sur «l’import-export» mais sur le commerce intra zone essentiellement, ces critères, tels qu’ils sont édictés, ne devraient plus être prééminents. Une raison de plus pour accréditer la soudaine décision des dirigeants de l’Afrique de l’Ouest qui, du coup, abordent le débat sur le F CFA par le bon bout. En effet, décider de ne rien décider dans le projet de monnaie CEDEAO reviendrait à cautionner un scenario.
Au gré des contingences diverses, les pays pourraient individuellement être amenés à rallier une zone monétaire préalablement rejetée, avec les clauses les plus instables, prêtes à voler en éclats à la moindre contrariété. En tous les cas, la CEDEAO semble avoir amorcé la dernière ligne droite et plus rien ne devra pouvoir l’arrêter, pourvu que l’ensemble des pays concernés continuent de parler le même langage. C’est le souhait pour le bonheur des 335 millions d’hommes et de femmes de la communauté.
Par Mahamadi TIEGNA
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