L’orpaillage sur les périmètres des sociétés minières devient de plus en plus récurrent et préoccupant. Dans cet entretien, Bassory Traoré, Vice Président de la commission responsabilité sociale et environnementale de la Chambre des mines du Burkina (CMB) revient, entre autres, sur l’ampleur du phénomène, son impact négatif sur l’exploitation minière industrielle, la cohabitation paisible avec les riverains. Il invite également les différentes parties à une synergie d’actions pour venir à bout du phénomène.
Sidwya (S) : L’un des problèmes auquel le secteur minier industriel burkinabè fait face est l’irruption ou l’intervention des orpailleurs dans les périmètres sur lesquels les sociétés minières détiennent des titres miniers. Quelle est l’ampleur du phénomène ?
Bassory Traoré (B.T.) : Le phénomène est très récurrent de nos jours. La presque totalité des sociétés minières vivent cette situation à des degrés différents. L’activité d’orpaillage s’est beaucoup développée sur les permis d’exploration et d’exploitation au cours des 10 dernières années. Elle se caractérise par l’utilisation anarchique des espaces, les conditions de travail extrêmement dangereuses des orpailleurs et l’impact négatif considérable sur l’environnement. Les orpail- leurs peuvent parfois se retrouver sur les permis d’exploitation. Les déloger devient conflictuel et entraine souvent des dégradations de biens et parfois des pertes en vies humaines. Deux types d’orpaillage sont pratiqués sur les périmètres appartenant aux sociétés minières. L’orpaillage de surface qui est pratiqué surtout par les femmes et les enfants. Ce type d’orpaillage consiste au balayage des sols afin de récupérer l’or fin se trouvant dans le sable et le gravier. Il y a aussi les fouilles du sol qui peuvent souvent aller à plus d’un mètre de profondeur. Il n’est pas localisé et se pratique un peu partout sur les espaces non encore occupés par les activités de la mine. L’impact causé par ce type d’orpaillage sur l’environnement est très important et se solde par la destruction du couvert végétal rendant impossible toute activité agricole, et la destruction massive des arbres. Mais son impact sur les réserves de la mine est non significatif. L’orpaillage de galeries est pratiqué presque partout sur les permis appartenant aux compagnies minières. Ce type d’orpaillage consiste à creuser des galeries dans le sol pouvant aller à plus de 100m de profondeur. Il est essentiellement pratiqué par les hommes. Il implique aussi l’utilisation d’explosifs, d’engins motorisés comme les moulins pour le broyage du minerai, les groupes électrogènes munis de pompes immergées pour le pompage de l’eau d’exhaure, les broyeurs laveurs pour l’extraction de l’or. Des excursions spontanées des orpailleurs se font aussi souvent à des endroits dans ou autour de certains permis d’exploitation. L’orpaillage de galeries est également très développé dans certaines régions. Il est aussi associé à l’installation des villages d’orpailleurs avec des effets sociaux et environnementaux non négligeables. Son impact sur l’environnement et les réserves est très important dans la mesure où les moyens utilisés par les orpailleurs sont de plus en plus sophistiqués.
S : Qu’est-ce qui explique le développement de ce phénomène ?
B. T. : Le phénomène s’explique par plusieurs facteurs. Il y a notamment l’absence de dispositifs étatiques de sécurisation des périmètres industriels, l’inorganisation de l’exploitation artisanale, la pauvreté, le chômage, la dégradation et la rareté des terres agricoles qui poussent les orpailleurs à user de moyens et produits non règlementaires afin d’extraire l’or.
S : Face à cette situation, les sociétés minières ne se sentent-elles pas délaissées par les pouvoirs publics censés leur assurer une jouissance paisible de leurs titres miniers ?
B. T. : L’Etat fournit des efforts en vue de résoudre cette situation qui est très préoccupante pour les sociétés minières. En effet, si l’environnement immédiat de l’exploitation minière industrielle est sujet à des préjudices, ses opérations peuvent prendre un coup. Le secteur minier industriel de façon particulière et l’Etat en général, ont tout à gagner si l’orpaillage était organisé de façon professionnelle. Il arrive des fois où les actions entreprises par l’Etat et ses partenaires ne portent pas les résultats escomptés. Toutefois, ensemble avec les autres sociétés, sous la bannière de la Chambre des mines, nous essayons de collaborer avec l’administration afin de définir des pistes de solutions favorables à tous. Quoi que l’on dise, l’orpaillage est une activité qui génère beaucoup de revenus et l’Etat gagnerait à œuvrer de sorte qu’il soit fait dans le respect du code minier.
S : Cette situation est-elle de nature à entamer la crédibilité du gouvernement vis-à-vis des investisseurs miniers ?
B. T. : L’Etat abat un travail remarquable même si des efforts doivent être encore faits. Outre la question de l’orpaillage, l’Etat intervient dans plusieurs autres sphères afin de définir et appliquer une règlementation qui est à la fois favorable au développement endogène et demeure ultimement attractive pour les investisseurs. Le potentiel minier du Burkina Faso commande que les règlementations en vigueur facilitent son essor. C’est un jeu dans lequel tous les participants doivent jouer leur rôle et en sortir gagnants.
S : Quelles sont les conséquences du phénomène sur les sociétés minières ?
B. T. : Si l’orpaillage est faiblement organisé, cela peut avoir des répercussions sévères sur l’exploitation minière industrielle. Nous pouvons prendre en référence, les pertes de ressources identifiées et non identifiées, la pollution des sites sous la responsabilité des mines, le risque d’incidents avec les services de sécurité de la mine. S’il advenait un incident majeur avec la mine, les populations riveraines peuvent entrer en colère et cela peut conduire à des protestations qui auront des effets allant jusqu’à la vandalisation des biens de l’entreprise minière. En outre, la production peut se ralentir affectant ainsi la croissance de l’entreprise.
S : Quelles solutions pour mettre définitivement fin à ces agissements des orpailleurs sur les sites légalement détenus par les sociétés minières ?
B. T. : De nombreuses situations peuvent se résoudre à travers un dialogue franc et inclusif. Cependant, le dialogue seul ne suffit pas. Il faudra en plus mener une campagne effective et constante de sensibilisation des orpailleurs. Cela permettra d’assainir les interactions entre les deux groupes. Il faut aussi intégrer la composante sécuritaire en procédant à une protection efficace des périmètres industriels, afin d’éviter ou réduire les infiltrations illégales d’orpailleurs sur les sites miniers, qui peuvent conduire à des pertes de vies humaines comme le récent évènement malheureux de septembre 2021 où 8 orpailleurs ont perdu la vie par manque d’air, après s’être infiltrés clandestinement dans les anciennes galeries d’une compagnie de la place.
Il faudra en substance, appliquer de façon rigoureuse le code minier à travers une organisation et un encadrement de l’activité d’orpaillage qui tiennent compte des droits des sociétés minières à disposer sereinement des permis à elles octroyés par l’Etat.
S : Avez-vous un message particulier à adresser aux acteurs concernés ?
B. T. : Nous voulons appeler au respect des droits des mines à disposer sereinement des permis à elles octroyés par l’administration publique et nous interpellons l’Etat à une meilleure organisation et à la professionnalisation de l’artisanat minier. Le potentiel du Burkina est immense et nous gagnerons à en faire une exploitation optimale qui puisse générer des recettes pour l’Etat et améliorer les conditions de vie des populations.
Interview réalisée
par Mahamadi SEBOGO