Bénin : un air de décrispation

La rencontre entre le président béninois, Patrice Talon et son prédécesseur, Yayi Boni, semble porter ses fruits sur le tard. Lors de leur entrevue qui a eu lieu en septembre 2021, Yayi Boni avait formulé un certain nombre de revendications, notamment la libération des prisonniers politiques. Elles sont en train d’être prises en compte ces derniers temps. En effet, la Cour de répression des infractions économiques et du terro-risme a ordonné, le mardi 14 juin 2022, la « libération provisoire » de 17 détenus sous mandat de dépôt pour « atteinte à la sureté de l’Etat ».

Des militaires et un membre du parti de l’opposant Sébastien Adjavon sont les heureux élus de cet air de décrispation qui est en train de souffler au pays de Béhanzin. Même si deux grandes figures de l’opposition, Reckya Madougou et le professeur Joël Aivo demeurent encore dans les geôles, la libération des 17 personnes est déjà le signe que les lignes sont en train de bouger en faveur d’un apaisement de l’atmosphère sociopolitique au Bénin. Un fléchissement du camp présidentiel qui est inhérent aux différentes initiatives portées par l’Eglise, la société civile et l’opposition en faveur d’une décongestion de l’ambiance politique qui, il faut le dire, a été étouffante depuis un bon moment.

La décision de la Cour de répression des infractions économiques et du terro-risme ouvre les perspectives d’une reprise du débat démocratique dans un contexte de pluralité. Si le président Talon est dans une dynamique de permettre à l’ensemble des acteurs politiques de reprendre leur place sur l’échiquier politique béninois, il devra se résoudre à accorder sa grâce aux deux figures de l’opposition que sont Mme Madougou et M. Aivo. Dans le même élan, il devra créer les conditions d’un retour des exilés politiques si tant sa volonté est de rassembler tous les Béninois par-delà leurs obédiences politiques autour des défis actuels du pays. Les élections législatives non inclusives de 2019 ont écarté bon nombre de partis politiques de l’espace public, toute chose qui a amené certains à taxer Patrice Talon d’antidémo-crate.

Il est temps de renverser la tendance, puisque l’on suppose que cette traversée du désert a quelque peu étouffé pour toujours les appétits de certains aventuriers qui s’étaient hasardés sur le champ politique. Seuls ceux qui sont véritablement attachés à un idéal politique ont dû survivre à cette disette. Au moment où il exécute son deuxième mandat à la tête du pays et probablement le dernier, Patrice Talon a la lourde responsabilité de rassembler tous ses concitoyens autour de l’unité nationale. C’est à son honneur de laisser un Bénin où toutes les sensibilités politiques pourront s’exprimer librement. Cette parenthèse de détente qui vient s’ouvrir devra offrir la chance à d’autres leaders politiques privés de liberté. Il ne devrait pas y avoir de souci s’il y a une volonté réelle d’ouvrir une nouvelle page en faveur de l’expression démocratique au quartier latin de l’Afrique de l’Ouest.

Karim BADOLO

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