Confinement et résilience : Les aspects psychologiques du COVID-19

Ceci est une réflexion proposée par deux maîtres de conférence, Dr Léopold Badolo et Dr Sébastien Yougbaré, enseignants chercheurs au département de Philosophie et de Psychologie, de l’université Joseph-KI-ZERBO de Ouagadougou. Ils abordent les aspects psychologiques du COVID-19 et prodiguent quelques conseils pour faire barrière à cette pandémie.

Contexte
Les coronavirus (du latin corona) sont une famille de virus dont le nom est inspiré du fait qu’ils semblent dotés d’une couronne. Il s’agit de virus répandus qui atteignent aussi bien les oiseaux que les mammifères, et certains d’entre eux ont une transmission interhumaine. Ils constituent la troisième cause d’infection respiratoire virale, et présentent de fréquentes mutations (Raoult, 2020).
Le coronavirus chinois a fait son apparition en décembre 2019 à Wuhan où une épidémie de pneumonie a été mise en évidence. Il s’en est suivi une hystérie mondiale en dépit du fait que très rapidement on ait identifié que la mortalité était moindre que celle annoncée au départ (Raoult, op cit).
Parmi les causes de transmission, il y a celle entre les êtres humains, même si, par ailleurs, tous les humains ne transmettent pas la maladie de la même manière.
Au Burkina Faso, à la date du 12 avril 2020, la situation de la maladie à coronavirus était la suivante:
– 497 cas confirmés ;
– 161 guérisons ;
– 27 décès ;
– 309 cas sous traitement.
La présente réflexion aborde quelques aspects psychologiques liés au COVID-19 (Coronavirus desease 2019 : maladie de coronavirus de 2019) et voudrait être une contribution pour aider à passer cette étape.

Aspects psychologiques
Deux aspects essentiels sont ici abordés : le confinement et la résilience.

a. Le confinement

Le confinement se décline comme l’acte de restreindre la liberté d’une personne en obligeant cette personne à rester en un lieu donné. Il introduit dans une période de changement, avec cinq phases essentielles :

• La survie

Le fait de se rendre compte qu’on est dans cette phase d’épidémie crée de la colère, de la tristesse, une sensation de ne pas pouvoir faire face. On s’installe dans un état de déprime.
3 L’assimilation
On développe une culpabilité par rapport aux décisions prises ou non. Il y a une plus grande prise de conscience de la menace.

• La transformation

C’est le moment de l’expérimentation. On se met en mouvement, avec une nouvelle définition des priorités (participation à l’entretien de la maison, de la cour, rangement des armoires….par exemple ; cela en considération du capital temps dont on dispose et dont on ne sait ce qu’il faut en faire).

• L’engagement

C’est le moment où on prend des décisions pour aller de l’avant. C’est un moment adaptatif, constructif au cours duquel il y a un renforcement de la prise de conscience.

•L’intégration

C’est le temps de la digestion de ce qu’on a expérimenté. Cela devra rentrer dans notre nouveau mode de vie, devenir une habitude et une ligne de conduite. C’est que, d’une manière générale, les situations extrêmes, entraînent une métamorphose intérieure, un changement chez la plupart d’entre nous. Certains développent le blindage émotionnel et un repli sur soi, doublés d’un élargissement du regard sur la vie. On acquiert ainsi une autre philosophie de la vie.

b. La résilience

« La résilience est la faculté de rebondir à la suite d’un traumatisme ou d’événements de vie délétères au travers de l’activité de penser et de la sortie de l’état d’hébétement.» (Henrion-Latché & Tozzi, 2016, p. 169).
Elle peut se bâtir au travers des interactions positives, sources de liens sécurisants, dans la confrontation à la différence et la pensée de l’autre.
Le terme de résilience désigne ainsi l’aptitude à survivre à des événements particulièrement douloureux. Mais cela est plus qu’une simple capacité de résistance, c’est également une dynamique qui permet à la personne de réagir positivement, de construire une existence relativement satisfaisante (Lecomte, 1999).
Baker (2015) a développé la formule « perte, éveil et renouveau ». Elle parle de la capacité de l’individu à être émotionnellement résilient, à reprendre contact avec ses ressources intérieures ou latentes (jusqu’alors insoupçonnées).

On peut classer, schématiquement, les facteurs de protection en trois catégories (Lecomte, 2010):
– les facteurs affectifs,
– les facteurs cognitifs
– les facteurs conatifs.
Les limites de ces trois catégories ne sont pas toujours étanches. Autrement dit, ces trois facteurs sont en interaction dynamique.

• Les facteurs affectifs

Ils concernent essentiellement les relations chaleureuses que l’individu résilient entretient avec des proches. L’affection des proches est une ressource utile dans toutes sortes de situations extrêmes. Les relations affectives avec les proches sont au premier rang des facteurs de protection. Ainsi, les personnes retenues comme otages, sur de longues durées, déclarent avoir tenu le coup parce qu’elles savaient que leur famille les attendait et s’inquiétait de leur sort. Ces personnes soulignent que se sentir aimé par leurs proches constitue un soutien essentiel.

Selon Lecomte (2010), les liens créés (éléments princeps de tout processus de résilience) et les interactions qui en découlent transportent les fonctions de la loi (symbolique et sociale) dans une posture affective qui donne sens à l’histoire traumatique du sujet. L’individu bénéficie ainsi d’un réchauffement affectif qui redonne sens à l’état anomique. La résilience s’inscrit dans une dynamique interactive selon une incorporation de facteurs de protection qui contrebalancent les facteurs de risque internes et externes (Cyrulnik, 2002).
S’il faut garder et renforcer les liens familiaux et sociaux, il faut avoir conscience que la mauvaise gestion de ces liens peut être facteur de déconstruction. Il faudrait accepter la remise en cause des habitudes et adopter des nouveaux comportements en lien avec les exigences de la situation actuelle. Cela ne doit être interprété et compris que dans le sens strict d’une prévention du COVID-19. Le fait de ne pouvoir rendre visite à un proche malade ou de ne pas prendre part aux obsèques d’un proche décédé, en raison des contraintes liées au COVID-19, ne devrait pas être vécu sur le modèle de la culpabilité. Aussi, certains parents emportés par le COVID-19 et/ou ceux décédés pour d’autres raisons, dans le même contexte, n’ont pas bénéficié de l’accompagnement habituel en la matière. Ici aussi, il faut éviter de se culpabiliser pour ne pas s’exposer à des décompensations psychologiques ultérieures.

• Les facteurs cognitifs

Les personnes résilientes sont capables de se fixer des objectifs et d’élaborer une stratégie pour y parvenir. Leur capacité à analyser la situation dans laquelle elles se trouvent leur permet de prendre des distances d’avec une souffrance qui risquerait autrement de les submerger. Donner un sens à son existence permet à l’être humain de supporter des souffrances inévitables. C’est un encouragement à toutes les victimes du COVID-19 à rester mentalement fortes pour continuer à réfléchir sur l’avenir et pour éviter de basculer dans le désarmement psychologique.

• Les processus conatifs

Ils renvoient à la volonté, aux motivations de l’individu. Plusieurs rescapés des camps de la mort ont souligné qu’il était essentiel de conserver sa dignité morale. Bruno Bettelheim, qui a lui-même été interné, note que pour survivre, il fallait obéir à des ordres avilissants, mais ne le faire qu’en se rappelant que c’était pour rester en vie et inchangé en tant que personne.
Dans la situation actuelle de pandémie, chacun (e) devrait s’astreindre et se conformer aux mesures protectrices édictées par les instances sanitaires. Cela exige une dose de bonne volonté.

c. Quelques conseils

La conscience du caractère potentiellement traumatisant du COVID-19 pour le bien-être et la santé mentale interpelle quant aux attitudes et comportements qu’il nous faut avoir dans notre cadre de vie quotidienne. Cela peut se faire à plusieurs niveaux :

• Individuel

– Eviter la culpabilité et le pessimisme
– Maintenir une discipline de soi et se conformer sans concession aux consignes sanitaires
– Développer la conscience que l’on est responsable de sa santé et de celle des membres de sa famille, de son voisinage, de sa communauté
– Ne pas céder à l’anxiété, à l’angoisse
– Maintenir le suivi des relations sociales et professionnelles à travers les TIC

• Familial

– Partager les informations officielles sur la pandémie
– Sensibiliser, éduquer les membres de la famille par rapport à la réalité du COVID-19 et les attitudes à avoir, en adaptant le discours au niveau de compréhension de chacun (e)
– Renforcer les échanges et la communication familiale
– Cultiver la tolérance et le pardon pour réduire les mésententes et autres violences conjugales
– Développer l’entraide familiale
– Exiger de la discipline en termes de conformité aux consignes officielles

• Communautaire

– Renforcer les capacités des médias au regard de leurs rôles dans la sensibilisation des populations
– Renforcer les capacités des leaders politiques, religieux et des OSC
– Soutenir les initiatives communautaires de lutte contre le COVID-19…

Dr Léopold BADOLO
Maître de Conférences,
Département de Philosophie et de Psychologie,
Université Joseph-KI-ZERBO

Dr Sébastien YOUGBARE
Maître de Conférences,
Département de Philosophie et de Psychologie,
Université Joseph-KI-ZERBO

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