En attendant le retour de Laurent Gbagbo

L’ex-président ivoirien, Laurent Gbagbo, sera-t-il bientôt de retour dans son pays ? A tout le moins, c’est ce qu’a annoncé hier mardi, le secrétaire général du Front populaire ivoirien (FPI) « pro-Gbagbo», Assoa Adou, aux cadres du parti réunis à Abidjan. « A la mi-mars de cette année, il sera ici avec nous », a-t-il précisé, accusant au passage le gouvernement ivoirien de faire traîner les choses. Objet de négociations depuis plusieurs mois entre le gouvernement et les partisans du «Woody de Mama », le retour de Laurent Gbagbo s’annonce de plus en plus inéluctable, si l’on se rappelle qu’en décembre déjà, l’ancien président avait reçu ses passeports diplomatique et ordinaire. Sauf que pour éviter d’aller trop vite en besogne, le gouvernement attend que l’option d’un procès en appel soit totalement écartée par la CPI (probablement courant mars) pour donner le « feu vert » à son retour au pays.
Que ce soit maintenant ou un peu plus tard, ce retour au bercail constitue un véritable dilemme pour le pouvoir ivoirien. En effet, cette venue de Laurent Gbagbo serait salutaire pour le processus de réconciliation nationale que l’actuel locataire du Palais de Cocody, Alassane Ouattara, a inscrit en première page de son troisième mandat. En tous les cas, la nomination du seul candidat à avoir affronté Alassane Ouattara dans les urnes lors de la présidentielle de 2020, Kouadio Konan Bertin, comme ministre de la Réconciliation nationale, est un signal fort de sa volonté de réconcilier les Ivoiriens avec eux-mêmes. Acteur-clé de la politique ivoirienne, au même titre que Ouattara et Henry Konan Bédié, Laurent Gbagbo pourrait ainsi être la troisième pièce du puzzle qu’il faut au processus de réconciliation nationale pour entamer sa marche.
A l’opposé, la réconciliation tant recherchée au bord de la Lagune Ebrié pourrait prendre un coup si, à sa descente d’avion, Gbagbo se voit brandir sa condamnation en 2018, à 20 ans de prison, pour des faits de braquage de l’Agence nationale de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pendant la crise postélectorale ivoirienne. C’est dire donc que son arrestation risque de braquer les positions et du coup, crisper les tensions, surtout que déjà, l’opposition fait de la libération des « détenus politiques » une condition à son retour autour de la table des discussions.
En un mot comme en mille, la balle est dans le camp de Alassane Ouattara qui doit savoir manœuvrer, si tant est que la réconciliation nationale lui tient à cœur. Faire table rase du passé, ou du moins s’en inspirer, pour construire l’avenir est la marque des grands. Il est temps que les ténors de la politique ivoirienne fassent fi de leurs égos pour donner une chance au pays d’entamer véritablement son développement, sans embuche au grand bonheur des Ivoiriens qui n’ont que trop souffert des crises de tous genres, depuis la mort du père de la Nation, Houphouët Boigny en 1993.

Jean-Marie TOE

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