Encore les mêmes vœux … !

Ouf ! Si l’on pouvait un tant soit peu arrêter le temps et souffler un coup, juste un bol d’air avant de renouer avec le temps, l’impitoyable temps. Si l’on pouvait tout effacer pour réécrire l’histoire et redessiner un autre monde. Si seulement l’on pouvait passer par un vœu pour avoir ce que l’on veut. Hélas, nous sommes prisonniers d’un temps qui n’existe peut-être même pas mais qui nous traque au pas jusqu’à trépas. Nous sommes gravés dans le marbre d’un destin indélébile peint en noir et blanc dans un univers où les couleurs sont irréelles. Nous ne sommes que du feu de paille qui s’embrase dans l’œil du cyclone sans laisser de cendre.

Nous ne sommes que de périssables éphémères aux ailes de feuilles volantes qui jouent au téméraire autour de la flamme qui crame. Et dire qu’en douze mois ou en 365 jours nous sommes assez dupes pour croire que le temps peut nous corriger et nous renouveler. C’est à se demander si le tic-tac des horloges suffit vraiment pour créer le déclic tant attendu et faire marcher ce qui était en panne. C’est à pouffer de rire que de voir toutes cette fascination frénétique à célébrer l’insaisissable et l’invisible temps et à lui confier même nos rêves et illusions. Pourtant, le temps se moque des discours creux aux envolées lyriques ; des vœux pieux sans pieu. Même la poésie n’a pas suffisamment de vers et de rimes pour charmer le temps à coup de vent, c’est une hérésie !

Le temps n’exauce pas la complaisance ; il donne une chance à l’action et au mouvement. Mais il n’y a point d’action sans volonté, sans détermination. Le temps n’est pas un vaste fourre-tout de prières paresseuses sur fond de jérémiades puériles ; c’est un grand espace virtuel dans lequel de pragmatiques volontaires se mesurent pour dépasser les contretemps et se surpasser. Alors pourquoi tant de verbiage, de formules toutes faites, parfois de flagorneries qui frisent la niaiserie.

Encore une année de plus dans la vie des pauvres survivants d’un monde qui s’effondre. Encore un an de plus dans l’existence vacante d’une humanité pleine d’égoïstes et chargée d’arrogance, cruelle et impitoyable. Un an de plus à ignorer qu’on ne change pas le monde avec de veules souhaits stériles. Un an encore à endurer peut-être, un an à subir et à supporter peut-être. Mais touchons du bois si nous avons encore la foi. Et parlant justement de foi, il y en a qui pensent qu’il suffit de se souhaiter la santé sans prendre soin de soi pour être sain et sauf. Il y a ceux qui souhaiteront la prospérité comme si en dehors des cantines de rapines l’abondance s’acquérait sans effort.

Et ces rêveurs de premier degré qui vous souhaiteront le bonheur sans savoir ce que c’est que le bonheur. Le comble est qu’il y a des gens qui pensent qu’il suffit de changer d’année pour changer le cours de l’histoire et des choses. Comme si par enchantement, Dieu était plus clément en fin d’année. Chaque année on se souhaite la prospérité mais les ressources du pays restent détenues par une poignée d’insatiables privilégiés peu généreux et sans scrupules. On se souhaite la santé, mais à quoi bon, si l’on ne peut pas honorer la facture d’une ordonnance à trois chiffres ?

A quoi bon, quand le plus urgent est le patient qui a de l’argent ? A quoi serviront vos vœux de santé dans un pays où le système de santé est un grabataire sous oxygène ? On se souhaitera la paix, mais au fond, il y a toujours quelqu’un que l’on déteste à mort et que l’on tue tous les jours dans nos pensées et nos prières. Par ces temps qui courent, on se souhaite même la réconciliation nationale, sans nous dire avec qui, pourquoi et comment ? C’est trop facile !

Non, vos vœux sonnent faux, faute de réalisme et de sincérité. Vos vœux ne sont que de fausses promesses faites à Dieu ou à des divinités auxquelles vous ne croyiez même pas. Si Dieu lui-même était un passif faiseur de vœu, il n’aurait pas créé ce monde. Dommage que depuis des lustres, nous sommes dans cette dynamique de facilité au point que même le voleur souhaite la prospérité en pensant à ses butins. Ainsi, le méchant meurtrier souhaitera le bonheur à tous ceux qui lui sont chers avant d’aller verser subrepticement la goutte mortelle de poison sans antidote dans le verre du semblable malaimé. Ainsi, le mari ou la femme infidèle promettra son cœur pour ensuite aller offrir sa chair au bon faiseur de rêve plus excitant.

Finalement, les vrais meilleurs vœux sont ceux que l’on adresse avec le cœur à soi-même en termes de remise en cause, d’engagements positifs personnels, d’auto-amélioration sans complaisance. Parce que de la gangue au lingot d’or ou d’acier fin et pur…

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