Surréaliste ! Triste ! Pathétique ! Inédit ! Les qualificatifs pleuvent encore au sujet de la scène qui s’est produite, le mercredi 6 janvier 2021, à Washington, la capitale fédérale américaine. En l’occurrence, la prise d’assaut du Capitole, siège du pouvoir législatif des États-Unis, par des militants républicains, en pleine séance de certification de la victoire du 46e président américain, le démocrate Joe Biden. Les violences, qui s’en sont suivi avec malheureusement quatre morts, ont choqué la planète, venant de la plus vieille démocratie au monde. Des voix qui comptent, en Amérique et hors de ses frontières, ont parlé d’une « agression sans précédent contre la démocratie ».
Que de désapprobations ! Quelques heures après cette intrusion digne d’un film hollywoodien, la session a repris son cours au Congrès, sous haute sécurité, pour aller à son terme. La victoire du « pauvre » Biden a été ainsi certifiée conformément aux principes démocratiques, mais l’image des Etats-Unis a pris un coup. Un gros coup. L’orage est passé certes, mais ce grave incident restera à jamais dans l’histoire de ce pays, présenté depuis 250 ans comme la référence de la démocratie. Qui, même dans ses rêves les plus fous, pouvait planifier un tel scénario au pays de l’Oncle Sam ? On savait la démocratie en peine en Afrique, continent qui s’y essaie avec des spectacles parfois désolants, mais on était loin d’imaginer que les Etats-Unis donneraient le mauvais exemple au reste de l’humanité.
Malheureusement, le monde évolue à un rythme si vertigineux, qu’une nouvelle race d’hommes politiques anticonformistes est apparue. Sont de ceux-là, le président américain sortant, Donald Trump, l’homme au cœur de ce scandale qui a secoué l’Amérique, ces dernières heures. Entré en politique dans les années 1980, ce richissime opérateur économique, qui a milité un temps au parti démocrate, est parvenu en quatre ans, à travers frasques et dérives langagières, à devenir le pire président des Etats-Unis. Il ne s’agit pas de l’aimer ou de ne pas l’aimer, mais les faits sont assez têtus pour convaincre le plus sceptique, que Trump est un accident de l’histoire.
A sa gouvernance aux antipodes de la gestion des affaires publiques, s’est ajouté son entêtement à ne pas reconnaître sa défaite à l’issue de l’élection présidentielle du 3 novembre 2020. Du jamais vu en terre américaine ! Malgré le rejet de ses multiples requêtes de recomptage des voix par les juges, le leader républicain a refusé de se plier à la volonté des urnes. Même les appréhensions de certains cadres de sa famille politique n’ont pas suffi à le ramener sur terre. Trump a constamment surfé sur la vague de la contestation, jusqu’à s’enfoncer dans l’abîme. Alors qu’il avait fait le serment de protéger, de défendre et de faire respecter la Constitution américaine, il a ramé obstinément à contre-courant, poussant ses partisans, en dernier ressort, à envahir le Capitole pour « sauver sa victoire ».
L’impertinence de Trump n’était plus un secret, mais nombre d’analystes ne pensaient pas qu’il franchirait le Rubicon, en appelant ses affidés à s’en prendre à une institution aussi prestigieuse que le Capitole. Mais ainsi est ce président imprévisible, insaisissable et intraitable ! Au lieu d’afficher la posture d’un chef d’Etat responsable, Trump a soufflé en permanence sur les braises, héritant d’une réputation de tyran, comme on en a connu à l’antiquité grecque. Il y a donc de quoi verser des larmes, quand on réalise à quel point il a ramené la démocratie américaine à un bas niveau. En plus de faire « souffrir » sa chère patrie en prenant des mesures aussi controversés que préjudiciables, Trump a malmené le processus de transition devant conduire à l’investiture de Biden, le 20 janvier prochain, ce qui ne s’était jamais produit dans ce pays.
Tôt ou tard, il devra s’expliquer devant l’histoire, dont il n’a manifestement pas contribué à écrire les plus belles pages. S’il n’a pas fait l’objet d’impeachment, procédure complexe visant à démettre de ses fonctions un président américain en exercice pour « trahison, corruption ou autres crimes et délits graves », comme ses prédécesseurs, Andrew Johnson en 1868, Richard Nixon en 1974 et Bill Clinton en 1998, le milliardaire-politicien pourrait rendre des comptes à la justice, après son départ du pouvoir. La perte de son immunité pourrait ouvrir la voie à des poursuites à son encontre. Déjà, Trump est au centre de plusieurs affaires civiles et pénales, liées à sa gestion du pouvoir, notamment des entraves à la justice, à son comportement envers plusieurs femmes ou à ses activités financières « pas très catholiques ». En tous les cas, nul n’échappe à son destin.
Kader Patrick KARANTAO