Exploitation illégale du barrage de Gourgou : un producteur de tomates « indélicat » à la barre

La Direction régionale de l’eau et de l’assainissement de la région du Centre-Est a intenté une action judiciaire contre un exploitant du barrage de Gourgou dans la région du Centre-Est. Le jugement du dossier a eu lieu, le mardi 18 mai 2021, au Tribunal de grande instance de Tenkodogo.

Le DR de l’eau et de l’assainissement du Centre-Est, Fidèle Koama : «Dorénavant, tout usager qui entreprendra une action à l’encontre des dispositions réglementaires sera traduit en justice».

Le ministère de l’Eau et de l’Assainissement tient au respect de la réglementation en matière de gestion des ressources en eau. En plus de la sensibilisation des usagers, le département veut contraindre les exploitants indélicats à se conformer aux textes en vigueur. Dans ce sens, la Direction régionale de l’eau et de l’assainissement de la région du Centre-Est a intenté une action judiciaire contre un producteur de tomates aux abords du barrage de Gourgou dans la province du Boulgou.

Le dossier a été examiné le mardi 18 mai 2021 au Tribunal de grande instance (TGI) de Tenkodogo. Pendant deux heures d’horloge, les praticiens du droit ont passé au peigne fin les deux faits reprochés à A. K. (initiale de son nom) né en 1977 à Ziniaré. Le prévenu est poursuivi pour exercice illégal d’activité agricole et pollution d’eau du barrage de Gourgou. Concernant le premier grief, A. K. a indiqué aux juges qu’il a été autorisé par le chef coutumier de la localité à s’installer sur les berges de la retenue d’eau. Selon le procureur du Faso, Abdoul Kader Diallo près du TGI de Tenkodogo, l’argumentaire du prévenu ne peut prospérer dans la mesure où l’intéressé a été à plusieurs reprises interpellé sur le caractère illégal de son entreprise. « Le barrage est clairement délimité par une bande de servitude et aucune activité agricole n’est autorisée dans le domaine circonscrit. A. K a été d’abord été informé par le comité de gestion des usagers de l’eau du barrage du village de Gourgou puis par les services de la police de l’eau et par la direction régionale de l’eau et de l’assainissement du Centre-Est », a-t-il expliqué. Malgré tout, a relevé le procureur, A. K. s’est entêté pour produire de la tomate sur une superficie de 45 448 mètres carrés.

L’amende salée du ministère public

Le Substitut du procureur près du TGI de Tenkodogo, Roland Oulon : « la ressource en eau au Burkina doit être exploitée d’une manière conséquente ».

Pour le directeur régional de l’eau et de l’assainissement de la région du Centre-Est, Fidèle Koama, lorsque ses services compétents en la matière ont été informés de la situation, sa direction a pris le soin d’auditionner le prévenu. « Il a reconnu avoir occupé certaines localités comme le barrage de Ziga et celui de Guiti. Il a avoué avoir été interdit par les autorités de produire dans ces zones. Pour le cas de Gourgou, il était également informé que l’activité de production à l’intérieur des bandes de servitude est formellement interdite », a fait savoir le DR. Après les deux interventions A. K. a concédé avoir été tardivement informé. « La tomate était déjà au stade de floraison et j’ai voulu récolter avant d’arrêter », a-t-il laissé entendre. Cette position a été balayée du revers de la main par le Président du comité de gestion des usagers de l’eau du barrage du village de Gourgou, Alexis Séoné qui a comparu en qualité de témoin.

« A. K. a été informé qu’il n’avait pas à occuper les lieux, maisil ne nous a pas écoutés », a-t-il martelé.
Concernant la deuxième infraction, le maraîcher a reconnu avoir utilisé de l’engrais PMK14 et des produits phytosanitaires dans le périmètre. Selon M. Koama, ces substances chimiques sont très néfastes pour la qualité de l’eau du barrage exploitée par les populations et les animaux pour les besoins élémentaires. En plus, a déploré le DR, les activités menées contribuent à l’ensablement du barrage, et pourtant le coût de désensablement d’un bassin est très salé. Après moult tentatives infructueuses de se tirer d’affaire, A. K. a fini par reconnaître les faits à lui reprocher en demandant la clémence du tribunal au cas où sa culpabilité venait à être établie. Dans sa plaidoirie, au regard de l’ensemble des préjudices portés sur la retenue d’eau et de l’entêtement du prévenu a toujours exploiter le périmètre, le procureur du Faso a requis qu’il soit déclaré coupable des deux faits et en représailles condamné à payer une amende de 2 millions FCFA. L’Agence judiciaire de l’Etat, quant à elle, a réclamé la somme de 31 millions FCFA pour la restauration de l’ouvrage. Les juges du TGI de Tenkodogo, après concertation, ont décidé de mettre le jugement en délibéré pour le 1er juin 2021. En attendant le verdict, le directeur régional de l’eau s’est dit satisfait de la tenue du procès. « C’est une action judiciaire qui sert de sensibilisation pour les autres occupants des berges et des bandes de servitude des retenues d’eau au Burkina », s’est-il réjoui. De son avis, la police de l’eau installée en 2017 a, depuis cette date, mené des sensibilisations à l’effet de faire respecter les dispositions de la loi N°002-2001/AN portant loi d’orientation relative à la gestion de l’eau. Malgré les sensibilisations, a relevé M. Koama, certaines personnes ne font qu’outrepasser les mesures qui leur ont été communiquées.

Le verdict est attendu le 1er juin au TGI de Tenkodogo.

« Dorénavant, tout usager qui entreprendra une action à l’encontre des dispositions réglementaires sera traduit en justice», a-t-il prévenu. A ce propos, le TGI de Tenkodogo est disposé à jouer sa partition, a soutenu le Substitut du procureur près du TGI de Tenkodogo, Roland Oulon. « C’est une première pour notre juridiction d’engager des poursuites dans ce domaine. Pour un pays comme le nôtre où la problématique de l’eau se pose avec acquité, la ressource en eau doit être exploitée d’une manière conséquente », a justifié M. Oulon. Il a, en outre, confié que compte tenu de la particularité de la question, les services des eaux ont été encadrés pour mieux mener les enquêtes en cas de violation de la loi. « A cet effet, ils bénéficient aussi de l’appui des Officiers de police judiciaire (OPJ) que sont la police et la gendarmerie », a précisé le Substitut du procureur.

Abdoulaye BALBONE

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