Le retour « obligé » de Laurent Gbagbo

Les deux pouces en l’air, en signe de victoire. Laurent Gbagbo est libre, après plus de dix ans de détention et une interminable procédure judiciaire. En effet, dans sa décision lue par le juge Chile Eboe-Osuji, hier mercredi 31 mars 2021 à la Haye, la chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) a rejeté l’appel du procureur et confirme la décision de première instance (janvier 2019) qui acquitte l’ancien président ivoirien et l’ex-chef des Jeunes patriotes, Charles Blé Goudé. Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont donc définitivement acquittés et la chambre d’appel, révoque les conditions à leur remise en liberté, demandant au greffier d’organiser leur transfèrement vers un ou des Etats de leur choix. En clair, les deux hommes sont innocentés, libres et peuvent rentrer, s’ils le désirent, en Côte d’Ivoire. Au même titre que les quelques dizaines de partisans des deux accusés rassemblés sur le parvis de la CPI, ce fut l’explosion de joie pour une partie des Ivoiriens.
De toute évidence, la question qui est sur toutes les lèvres est celle de savoir si Laurent Gbagbo pourra bientôt rentrer en Côte d’Ivoire ? Ce retour, objet de négociations depuis plusieurs mois entre le gouvernement et les partisans de l’ex-président se précise davantage étant donné qu’il a déjà reçu ses passeports diplomatique et ordinaire et que le gouvernement attendait cette décision de la CPI pour se prononcer. D’ores et déjà, le retour de l’ex chef d’Etat ivoirien se présente comme un couteau à double tranchant pour le pouvoir en place, du moins, pour le processus de réconciliation nationale qu’il a engagé. Et pour cause, la réconciliation nationale dont la Côte d’Ivoire a tant besoin ne saurait réussir sans l’un des acteurs incontournables des 30 dernières années de la vie politique du pays, en l’occurrence, Laurent Gbagbo. Peut-on parler de réconciliation nationale sans associer ce 3e pied de l’escabeau, en plus des présidents Alassane Ouattara et Henry Konan Bédié ? Les partisans du « Woody de Mama » accepteront-ils de s’asseoir à la table des forces vives de la Côte d’Ivoire alors que leur mentor, pourtant acquitté des accusations de l’une des crises majeures du pays, ère à l’étranger ?
A l’évidence, la réponse est
« non ». C’est dire qu’une réconciliation véritable entre Ivoiriens n’aura de chance d’aboutir que si tous les
« protagonistes » des différentes crises qu’a traversées le pays participent véritablement au processus. Si tant est que le président Alassane Ouattara est animé de la volonté de tourner définitivement les pages sombres de l’histoire de son pays, le retour de Laurent Gbagbo s’impose à lui. Du coup, la justice ivoirienne doit mettre entre parenthèse la condamnation du président Gbagbo à 20 ans de prison, pour le braquage de l’Agence nationale de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pendant la crise post-électorale ivoirienne.
Cela, pour éviter d’envenimer la situation si l’idée de son arrestation et de son incarcération, à son arrivée en Côte d’Ivoire traversait les esprits des autorités.
Au-delà, il s’agit bien plus du préalable de la libération des « détenus politiques » qui constitue tout l’enjeu dans le processus de réconciliation nationale aux abords de la Lagune Ebrié. Toutefois, ce retour pourrait être conditionné à un accord tacite entre Laurent Gbagbo, Henry Konan Bédié et Alassane Ouattara de prendre leurs retraites politiques respectives, pour céder la place à la jeune génération d’hommes d’Etat et de politiciens, à travers le plafonnage de l’âge des candidats à la présidentielle.

Jean-Marie TOE

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