Lutte contre la pneumonie : « Nous conseillons le port régulier du masque », Dr Soumaïla Maïga

Dr Soumaïla Maïga, pneumologue : « Se laver à l’eau chaude uniquement ne permet pas d’éviter la pneumonie ».

Sidwaya(S) : Qu’est-ce que la pneumonie ?

Soumaïla Maïga (S.M.) : La pneumonie est une maladie qui concerne les poumons. En d’autres termes, c’est une infection respiratoire aiguë affectant les poumons.

S : Quels sont les différents types de pneumonie ?

S.M. : D’abord, il y a la pneumonie due aux infections. Pour les infections, nous avons les bactéries, les virus, les parasites…comme exemples de germes, nous avons les SARS COV2 (COVID/19), le germe de la tuberculose ; mais c’est le pneumocoque qui est le plus souvent en cause. Donc, il y a beaucoup de germes qui peuvent causer une pneumonie. En dehors des infections, il y a d’autres types de pneumonie qui sont spéciaux, car même les médicaments, la poussière… peuvent donner d’autres types de pneumonie très rares que nous enregistrons dans les hôpitaux.

S : Selon l’annuaire statistique 2020 du ministère de la Santé, la pneumonie représente le premier motif d’hospitalisation dans les centres médicaux et les hôpitaux au Burkina.

S.M. : L’appareil respiratoire est après la peau, l’organe le plus exposé. Nos poumons sont exposés à tout moment. Lorsqu’on respire, les germes qui sont dans le milieu ambiant vont être inhalés, se déposer au niveau de nos bronches et dans nos alvéoles, donc au fond de nos poumons . Il y a d’autres facteurs qui rentrent en jeu, mais déjà, c’est notre habitat.

Lorsqu’on regarde l’environnement dans lequel nous vivons, nous comprenons aisément, pourquoi, il y a beaucoup de cas de pneumonie surtout chez les personnes âgées et les enfants qui sont des personnes à risque. En plus de notre environnement, nous avons d’autres facteurs tels que le tabagisme, l’alcoolisme chronique, l’orpaillage, les maladies sous-jacentes telles que le diabète, le VIH/SIDA…

S : Depuis un certain temps, nous constatons un changement de climat à travers le pays. Est-ce favorable à la contraction de la pneumonie ?

S.M. : Effectivement, nous constatons que l’harmattan a commencé et c’est très propice pour développer des affections respiratoires de façon globale, mais de façon spécifique la pneumonie. La remarque est que lorsqu’il pleut, nous n’avons pas beaucoup de cas de pneumonie. Mais en saison sèche, avec le vent qui souffle, ce dernier transporte tout. Dans la suspension poussiéreuse, nous avons des germes qui peuvent attaquer facilement les poumons.

Si, dans le milieu ambiant, nous avons des germes, nous les inhalons et ils se déposent au fond de nos bronches et nos alvéoles. Une fois déposés là-bas, ils peuvent se multiplier et donner la pneumonie. Donc, il y a un lien entre la pollution et les cas de pneumonie que nous avons.

S : Selon certains dires, se laver à l’eau chaude permet d’éviter la pneumonie. En tant que spécialiste, confirmez-vous cette assertion ?

S.M. : Non. Les études ne l’ont pas prouvé. Il n’y a pas de lien direct entre se laver à l’eau chaude et la lutte contre la pneumonie. Par contre ce qui est prouvé, c’est la prévention. Par exemple, le port du masque nous permet d’éviter la pneumonie. En effet, dans les pays où les gens portent beaucoup les masques, il y a peu de cas de pneumonie parce qu’ils n’inhalent pas ou inhalent peu de germes.

En effet, certains ne peuvent pas traverser le masque pour entrer au fond des bronches. Sinon, se laver à l’eau chaude simplement ne permet pas d’éviter la pneumonie.

S : Alors, comment prévenir la maladie ?

S.M. : Pour prévenir la maladie, il y a plusieurs méthodes. Il y a la prévention individuelle, c’est-à-dire, le port régulier du masque. C’est ce que nous conseillons le plus. Nous entendons les gens dire de mettre du beurre de karité dans les narines, c’est vrai qu’une fine couche de beurre de karité permet de retenir les germes en filtrant l’air ; mais à un moment donné, cela peut favoriser des infections de la sphère ORL.

Parce que si vous mettez du beurre de karité dans vos narines surtout en grande quantité, les germes peuvent y rester pendant longtemps, donc coloniser par exemple vos sinus et provoquer autre chose.

Premièrement, ce que nous conseillons, c’est le port régulier du masque.

Deuxièmement, ceux qui ont des pathologies chroniques telles que l’asthme, le diabète, la bronchite chronique… doivent se faire suivre.

Troisièmement, nous conseillons aux personnes âgées qui sont à risque de se faire vacciner. Puisque la pneumonie est le plus souvent liée à un germe appelé le pneumocoque et on peut faire le vaccin. Pour les tout-petits, c’est simple, dans le programme élargi de vaccination, ils sont vaccinés d’office.

Mais, il faut renouveler le vaccin au bout de trois à cinq ans. Pour les personnes âgées qui ont des maladies respiratoires chroniques telles que l’asthme, les bronchites, le diabète, il est conseillé de se vacciner régulièrement.

S : Est-ce une maladie grave ?

S.M. : Elle peut être très grave parce que cela dépend des individus. Par exemple, un sujet jeune ou adolescent qui n’a pas de comorbidités c’est-à-dire qui n’a pas une autre maladie sous-jacente par exemple, le diabète, l’asthme… qui peut compliquer son tableau, généralement la maladie est bénigne. 5 à 10 jours de traitement, la maladie passe.

Là, ce n’est pas grave. Mais, les personnes âgées et les enfants peuvent développer ce qu’on appelle les formes graves. Il y a les personnes qui sont immunodéprimées que ce soit par le VIH, le cancer, le diabète… Ces personnes courent un grand risque parce que sur le plan immunitaire, elles ne sont pas trop protégées.

Une fois qu’elles contractent le germe, ce dernier va avoir des formes graves de pneumonie, ce qui va nécessiter une hospitalisation. Mais malheureusement, lorsque vous avez certaines formes de pneumonie, vous pouvez perdre la vie. Donc, cela dépend de qui contracte la maladie. Un sujet jeune ou adulte sans vraiment des comorbidités, peut-être épargné. Mais, si la personne est âgée, facilement, cela peut évoluer vers une forme grave et entrainer son décès.

S : Comment traiter la maladie ?

S.M. : Lorsque vous avez un rhume, une toux, une fièvre, du mal à respirer, des douleurs thoraciques…, il faut aller rapidement en consultation. Dès qu’on fait les examens et on se rend compte que c’est une pneumonie, le traitement est simple. Avec la prise de quelques antibiotiques, en une semaine ou 10 jours maximum, la maladie passe. Actuellement, le traitement ne coûte pas trop cher.

Mais, si malheureusement, vous laissez la maladie s’aggraver, en ce moment, le traitement devient très coûteux parce que si, on doit vous hospitaliser, il y a ce qu’on appelle le coût direct et le coût indirect de la maladie. Puisque dans la famille, certains n’iront pas travailler, d’autres seront à vos côtés.

Et, il y aura aussi la navette pour aller acheter vos médicaments, faire vos examens… C’est le coût indirect de la maladie. Le coût direct, c’est tout ce qu’on dépensera pour payer les médicaments, hospitalisations, examens… Ce que nous conseillons, c’est que les gens viennent rapidement en consultation. Ainsi, le traitement sera en ambulatoire et généralement, le coût est à la portée de tous.

S : Quel conseil avez-vous à donner aux Burkinabè en cette période de fraicheur ?

S.M. : Je conseille aux Burkinabè de se protéger, de porter des habits amples qui permettent de lutter contre le froid. Il faut aussi protéger les tout-petits et les personnes âgées. Mais surtout porter le masque parce qu’il empêche le germe de passer et de se déposer dans nos alvéoles. Ainsi, on se protège soi-même et les autres. En portant le masque, même si vous avez le germe, cela évite de contaminer les autres aussi.

Abdel Aziz NABALOUM

emirathe@yahoo.fr

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