Mali : ballon d’essai ou initiative isolée ?

Alors que le vice-président de la Transition malienne, le colonel Assimi Goïta, était en visite de terrain dans le Nord du pays, le weekend dernier, une association se réclamant proche de lui a annoncé, à Bamako la capitale, qu’il sera candidat à la présidentielle de 2022. « Assimi Goïta sera notre candidat, le candidat du peuple ! Il va gagner les élections ! », a littéralement lancé le président de l’Appel citoyen pour la réussite de la Transition, Issa Kaou Djim, aux militants rassemblés à l’occasion. Une information qui a pris plus d’un de court d’autant plus que la Charte de la Transition interdit à tout membre de se présenter à une élection.

Autant cette annonce surprend, autant elle suscite des interrogations. Le vice-président de la Transition malienne est-il au courant de cette initiative ? Est-ce un coup de militants zélés qui prêteraient des ambitions présidentielles au colonel Assimi Goita ? Est-ce un ballon d’essai de la part de l’intéressé lui-même ? Va-t-on s’attendre à une démission du vice-président pour répondre à l’appel de ses sympathisants ? Jusque-là, Assimi Goïta n’a pas encore réagi à cette sortie, mais les prochains jours nous diront davantage sur ses intentions réelles. Auteur avec d’autres officiers de l’armée malienne du coup de force qui a poussé à la démission du président sortant, Ibrahim Boubacar Keïta, en août dernier, le colonel Assimi Goïta avait pris les rênes de la junte avant que de longues négociations sous l’égide de la CEDEAO aboutissent à la mise en place d’une Transition politique. L’on se rappelle à l’époque que les militaires avaient proposé de diriger le pays pendant trois ans pour, entre autres, renforcer la sécurité, redresser l’Etat et asseoir la bonne gouvernance. Finalement, c’est un bail de 18 mois qui sera accordé à la Transition.

Que cette annonce soit motivée ou non, elle vient confirmer la volonté initiale des putschistes d’août 2020 de garder le pouvoir aussi longtemps qu’ils le voulaient. Dans sa tradition, la grande muette malienne a toujours été proche du cercle du pouvoir et a toujours fait irruption sur la scène publique pour déposer un chef d’Etat. A titre illustratif, Moussa Traoré participe au coup d’Etat du 19 novembre 1968 qui renverse le président Modiba Keïta. Il prend la tête du Comité militaire de libération nationale et devient président de la République de septembre 1969 jusqu’au 26 mars 1991. Feu Amadou Toumani Touré a mis fin au régime de Moussa Traoré en 1991 pour revenir au pouvoir à travers des élections de 2002 à 2012. A quelques jours de la fin de son second mandat, il est renversé par le capitaine Amadou Haya Sanogo qui sera contraint de remettre le pouvoir au président de l’Assemblée nationale de l’époque, Dioncounda Traoré, après 20 jours d’exercice.

Alors qu’il avait entamé son second mandat qui s’achevait en 2023, le président Ibrahim Boubacar Keita voit son pouvoir vaciller après une tenue chaotique d’élections législatives en mars 2020. Un mécontentement général s’empare du pays jusqu’à ce qu’un certain 18 août 2020 les militaires surgissent et le poussent à rendre le tablier. C’est dire combien l’armée malienne a toujours gravité autour de la sphère du pouvoir. Il ne sera pas exclu de voir le vice-président de la Transition, Assimi Goïta, démissionner pour se conformer à la charte de la Transition et présenter sa candidature pour la présidentielle s’il soutient la sortie de l’Appel citoyen pour la réussite de la Transition. A défaut, ses sympathisants s’en voudront d’avoir fait du zèle gratuit.

Karim BADOLO

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