Niger : le prix de la loyauté

La politique a toujours été considérée sous nos tropiques comme partout ailleurs, comme l’art de la roublardise, des coups bas et de la fourberie. C’est le lieu par excellence de toutes les compromissions et de toutes les trahisons. En effet, l’histoire de la politique est malheureusement jalonnée d’épisodes sanglants et d’inimitiés funestes. Au nom d’ambitions personnelles, des amis et compagnons de lutte se sont ainsi livré des combats féroces et sans concession. Mais, le Niger voisin où s’est déroulée le vendredi 2 avril dernier l’investiture du président Mohamed Bazoum constitue, à n’en point douter, l’exception qui confirme la règle. Plus que le symbole d’une alternance politique, ce passage de témoin entre le président sortant Mahamadou Issoufou et son successeur est aussi l’illustration éloquente d’un long compagnonnage politique fait d’amitié et de confiance mutuelle.

Animés par la même fibre patriotique de servir leur pays, les deux hommes ont, à la faveur de l’avènement du multipartisme dans bon nombre de pays africains, porté, avec d’autres camarades, sur les fonts baptismaux le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya), le 22 décembre 1990. Depuis cette époque, les deux camarades politiques ont su cultiver une relation de confiance qui a permis au parti de s’implanter et d’avoir des bases solides pour conquérir le pouvoir d’Etat. A la rivalité feutrée entre leaders, ils ont su taire leur ego. Aux machinations d’adversaires politiques, ils ont su déceler ce qui les rendait les plus forts.

Aux ambitions personnelles, ils ont privilégié l’intérêt général. Mahamadou Issoufou et Mohamed Bazoum ont, sans doute, compris, dès les premières heures de leur rencontre, la nécessité d’entretenir une complicité à toute épreuve pour affronter les orages de la politique. Les 30 ans de compagnonnage politique ont été mis à profit pour construire deux ambitions sans anicroches. Le paragraphe que le président Mohamed Bazoum a consacré au chef de l’Etat sortant en dit long sur les liens qui les unissent. « Pendant les 30 ans que j’ai passés à ses côtés, à travers une relation de grande proximité, dans les épreuves comme dans les moments de calme, à l’opposition comme au pouvoir, Issoufou Mahamadou est toujours resté le même.

Pendant ces 30 années de collaboration quasi-quotidienne, je n’ai jamais perçu, même à travers un regard, si furtif soit-il, quelque chose d’un tant soit peu douteux à mon égard. Nous avons en permanence baigné dans un climat de confiance totale », a-t-il déclaré. Grâce à cette confiance, les deux personnalités ont ainsi su transcender leur ego face aux diverses épreuves. Elle a été le ciment qui a forgé les bases du PNDS-Tarayya comme l’a évoqué Mohamed Bazoum. « Nous avons en effet eu le bonheur de créer un parti autour d’une vision basée sur des principes et des valeurs solides portés par une direction profondément pénétrée par ces valeurs.

Cette foi militante propre à notre matrice idéologique et les valeurs qui lui sont consubstantielles nous a mis à l’abri des maladies qui vont par la suite miner et ravager toutes les autres formations politiques de la place », a-t-il expliqué. Cette alternance à la tête de l’Etat nigérien est également la célébration d’une amitié solide. Mieux, elle est également le témoignage que pour réussir en politique, il est nul besoin de torpiller les autres ou de marcher sur des cadavres sur la voie menant à la magistrature suprême. Il faut juste une bonne dose de loyauté et de patience. En lieu et place des rivalités stériles, Mohamed Bazoum et Mahamadou Issoufou ont su mettre en avant les qualités essentielles qui leur ont permis, chacun, d’exercer le pouvoir d’Etat. Contrairement à Tahar Ben Jelloun qui soutient que « la politique dénature et ruine l’amitié », les deux compagnons de lutte ont donné la leçon qu’une amitié bien entretenue peut servir honorablement des ambitions politiques.

Karim BADOLO

Laisser un commentaire