Recrutement spécial de gendarmes auxiliaires : « Ce personnel sera consacré à des missions particulières », lieutenant-colonel William Combary

Le lieutenant-colonel William Aristide Combary : « nous avons besoin en ce moment d’un personnel d’exécution bien étoffé ».

Le directeur de l’organisation et de l’emploi de la Gendarmerie nationale, le lieutenant-colonel William Aristide Combary apporte, dans cette interview accordée à Sidwaya, des éléments d’information sur le recrutement de gendarmes auxiliaires pour la défense et la sécurisation du territoire.

Sidwaya (S) : La Gendarmerie nationale vient de lancer des recrutements. Pourquoi ce concours et quelle est sa particularité ?

William Aristide Combary (W.A.C.): Avec la situation sécuritaire actuelle, nous avons un déficit en termes d’effectifs opérationnels. Pour cela, nous avons lancé un recrutement, mais jusqu’à présent, nous ne sommes pas encore parvenus à avoir le nombre de personnel nécessaire pour faire face à l’insécurité.

Au lieu d’attendre que le recrutement normal intervienne, alors que nous avons un besoin en personnel d’exécution, nous avons donc opté de faire un recrutement spécial. C’est pour cela que nous sommes revenus au niveau BEPC avec une durée de formation de cinq mois contrairement à celui du niveau baccalauréat qui est de deux ans. Si nous devons attendre deux ans pour faire sortir des combattants, cela va être un peu compliqué. Si vous avez remarqué, l’armée aussi est en train de faire un recrutement massif.

Et ce, dans le même souci de renforcer ses positions. En réalité, lorsque nous analysons les opérations qui sont effectuées actuellement sur le théâtre national, nous voyons que pour avoir une solution pérenne, il faut un bon maillage du terrain avec la mobilité des entités qui sont sur le théâtre des opérations. Mais pour avoir ce maillage, il faut des effectifs. C’est pour cela que l’armée de terre a commencé à renforcer ses effectifs.

Or, nous ne pouvons pas renforcer nos effectifs en nous basant uniquement sur les recrutements ordinaires qui concernent les élèves sous-officiers. Comme les statuts de la gendarmerie ne nous permettent pas certaines opérations de recrutement, nous avons demandé à ce que le ministre de la Défense lève un contingent exceptionnel des militaires du rang qui sera mis à la disposition de la gendarmerie.

C’est dans ce sens que nous avons obtenu le recrutement de cette première vague de 1 500. Et il y aura une deuxième vague du même effectif. A terme, cela va nous permettre de garder nos hommes dans les départements. La gendarmerie est d’essence départementale, donc cela permettra aux gendarmes de rester au plus près des communautés pour assurer leur sécurité.

S : Le niveau de recrutement à la Gendarmerie nationale était, depuis quelque temps, le baccalauréat. Pourquoi ce recrutement niveau BEPC ?

W.A.C. : Parce qu’actuellement, nous tenons de nombreuses positions et parfois nous rencontrons des difficultés de ressources humaines. Effectivement, c’est parce que nous sommes au niveau baccalauréat que nous ne pouvons pas écourter la durée de formation des élèves sous-officiers qui est de deux ans, alors qu’il y a un impératif. C’est pour cela qu’on est revenu à un recrutement niveau BEPC. Ce qui va nous permettre de former des hommes rapidement et les avoir directement sur le terrain.

Ce sont des militaires du rang de la gendarmerie que nous recrutons. C’est la formule légale qui a été trouvée et qui nous permet de faire une levée de contingent exceptionnel au profit de la gendarmerie en attendant de réviser nos textes. Car il nous faut densifier nos positions. Ce personnel d’exécution n’a pas besoin d’être entièrement formé pendant deux ans. Il sera consacré à des missions particulières. Aussi, nous sommes en train de revoir notre statut pour les intégrer et ils auront leur statut qui sera adapté sûrement aux militaires du rang des armées de terre.

S : Pourquoi l’appellation gendarme auxiliaire ?

W.A .C.: Ils sont auxiliaires parce que le gendarme avec le recrutement niveau baccalauréat sort directement en qualité d’agent police judiciaire. Mais ceux-là vont sortir comme des agents de la force publique parce que lors de la formation, ils vont apprendre les matières militaires (armement, tir, combat, tactique…). Mais en police judiciaire, ils ne vont pas aller trop en profondeur. Même pour les employer lors des enquêtes, ils prendront part en tant que témoins, sinon ils ne peuvent pas poser d’acte de police judiciaire.

La formation (cinq mois contre deux ans) et le niveau (BEPC contre baccalauréat) font que nous avons, pour le moment, préféré donner l’appellation de gendarme auxiliaire. On les appelle également gendarmes auxiliaires, parce que lorsque le statut va le permettre, ils vont devenir des gendarmes et vont mener leur carrière sans problème. Mais à la fin de leur contrat, pour devenir gendarme, des conditions s’imposent. Car, ce sera ceux qui se seront bien comportés de façon disciplinaire étant donné que « la discipline fait la force des armées ». C’est exactement le même contrat qu’à l’armée de terre. Après quatre ans, le chef de corps note l’intéressé et décide de l’opportunité de reconduire son contrat ou pas.

S : Quelles sont les missions et les attributions des gendarmes auxiliaires ?

W.A.C .: Le gendarme auxiliaire ou le militaire du rang, qui sera recruté et reversé pour emploi à la Gendarmerie nationale, sera chargé d’appuyer les gendarmes dans toutes les actions qu’ils vont poser en dehors des actions de police judiciaire. Ce sera des agents de la force publique. Si le gendarme se déplace, s’il a besoin d’aller circonscrire un lieu, si un dispositif est mis à l’extérieur, le gendarme auxiliaire peut y participer en tant qu’agent de la force publique.

Mais il ne peut pas aller relever des empreintes, constater des crimes, etc. En ce qui concerne la formation qui sera donnée, il s’agit de quatre mois de formation militaire et un mois de formation professionnelle. La formation professionnelle consiste à les outiller, à leur inculquer les valeurs de gendarmerie de manière à ce qu’ils ne soient pas perdus lorsqu’ils iront en brigade. Toutes les missions liées à la défense opérationnelle du territoire, c’est essentiellement ce qu’ils vont faire pour nous permettre de rester au plus près des populations et d’assurer la sécurité publique.

S : Est-ce que cette catégorie de personnel aura les mêmes avantages que le personnel actuel de la gendarmerie ?

W.A.C . : Tout à fait ! C’est un personnel à part entière des forces armées nationales. Ils seront soumis au régime du militaire du rang et tous les droits et devoirs des militaires du rang et auront tous les droits et devoirs propres à leur catégorie. Etant donné qu’ils sont reversés à la gendarmerie, ils auront droit aux avantages que les gendarmes ont lorsqu’ils sont en opération. C’est bien différent des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP).

S : Quelles sont les perspectives d’évolution de carrière des gendarmes auxiliaires ?

W.A.C. : Le statut va permettre de définir tous ces aspects. Ce statut prévoit que ceux qui ont le niveau baccalauréat, à la fin de leur premier contrat, s’ils se sont distingués par leur abnégation et ardeur au travail, soient envoyés à l’école de formation de la gendarmerie pour compléter leur formation de gendarme. Sur le terrain, ils sont soldats de 2e classe, le premier grade du militaire du rang. Mais en gendarmerie, nous allons les appeler « gendarme auxiliaire de 2e classe ».

Après une année d’exercice, les éléments exemplaires vont passer à gendarme auxiliaire de 1re classe, après un certain temps. Toujours dans la fourchette des 4 ans, ils peuvent passer au grade de brigadier qui correspond au grade de caporal dans l’armée, puis brigadier-chef qui correspond au grade de caporal-chef. Ce qui veut dire que, en attendant d’avoir un texte en bonne et due forme qui va nous permettre de les reverser dans les rangs de la gendarmerie, c’est ce schéma qui est adopté.

A la fin des 4 ans, s’il n’y a pas un texte qui nous permette de recruter des gendarmes, nous allons renouveler les contrats des gendarmes auxiliaires qui se sont bien comportés et qui ont intégré les valeurs comme l’ordre, la discipline et la loyauté, pour 4 nouvelles années. Mais, pour passer à élève sous-officier de la gendarmerie, aucune disposition n’est prise pour l’instant.

Certes, dans les échanges nous sommes convenus que ceux qui auront le niveau baccalauréat, s’ils ne sont pas nombreux, la gendarmerie s’arrangera pour voir dans quelle mesure ces derniers pourront aller directement en deuxième année à l’Ecole des sous-officiers de la gendarmerie (ENSOG) pour compléter leur formation. Pour le reste, un test élèves sous-officiers sera organisé en interne et les admis iront compléter leur formation à l’ENSOG.

S : A quel autre besoin répond le recrutement exceptionnel de techniciens au compte de la Gendarmerie nationale ?

W.A.C. : Cela répond à un besoin opérationnel. Au niveau de la gendarmerie, il y a la nécessité de recruter dans certains corps de métier. Au niveau de la mécanique pour assurer la maintenance des engins, notamment les motos. Avant, seul l’escadron d’escorte disposait de motos, les autres sections n’avaient que de petites cylindrées. Aujourd’hui, nous utilisons plus les motos dans la sécurisation du territoire.

Pour renforcer le soutien logistique, il faut recruter directement des spécialistes que de prendre des gendarmes pour les spécialiser. Cette option va nous permettre d’aller vite et de gagner en temps. C’est pour cette raison que nous avons demandé au commandement de nous permettre de recruter des spécialistes. Mieux, actuellement la gendarmerie a beaucoup de détachements et ces positions ont besoin de spécialistes pour assurer le travail d’entretien et de maintenance. Car les spécialistes disponibles en ce moment sont dépassés et certains ont fait plusieurs détachements. Malgré tout, le besoin se pose avec acuité si bien que parfois cela se faire sentir.

S : Les gendarmes auxiliaires seront-ils amenés à effectuer d’autres missions que celles citées ?

W.A.C. : En dehors des missions de police judiciaire, le gendarme auxiliaire peut exécuter les missions classiques de la gendarmerie, mais encadré par un gendarme. Car il y a certains actes de police judiciaire qu’il ne peut pas accomplir au risque de frapper de nullité nos Procès-verbaux (PV). Ils ne sont pas agents de police judiciaire, donc ils ne peuvent pas poser certains actes dans ce domaine. Mais, c’est un agent de la force publique encadré par des gendarmes.

Ils ne peuvent pas agir seuls sur le terrain de façon autonome. Nous voulons densifier nos positions afin d’assurer au mieux la protection des populations. Raison pour laquelle, nous avons revu les conditions de candidature par rapport au recrutement normal. Par exemple, par rapport à l’âge, nous avons constaté qu’avec le recrutement jadis, qui consacrait les filles de 18 à 23 ans et les hommes de 20 à 25 ans, il ressort clairement qu’on passait à côté de combattants qui pouvaient donner satisfaction sur le terrain.Donc nous avons décidé de mettre la barre à la tranche d’âge comprise entre 20 et 30 ans. Au niveau de la taille également, des réajustements ont été effectués et ramenés de 1, 75 m à 1, 65 m.

S : Les filles sont-elles autorisées à prendre part au recrutement ?

W.A.C. : Non. Comme nous l’avons dit plus haut, nous voulons étoffer les rangs des combattants opérationnels. Pour cela, nous n’avons pas voulu recruter de personnel féminin parce que c’est un recrutement pour le combat et nous attendons des résultats au plus vite.

S : Quelle place occupe aujourd’hui la gendarmerie dans le dispositif opérationnel de sécurisation du territoire ?

W.A.C. : La gendarmerie joue un rôle important aux côtés des autres forces dans la sécurisation du territoire national. C’est en cela que nous avons plusieurs détachements (Arbinda, Gorgadji Solhan…). Nous participons également à la sécurisation du territoire à travers le projet Groupes d’action rapide de surveillance et d’intervention (GARSI). Dans ce volet, nous avons quatre GARSI, à savoir « Toéni », « Barani », « Mangodara » et « Gnorognoro ».

Ces combattants font bien leur travail sur le terrain. En plus de ce dispositif, il y a les escadrons de sécurisation routière et d’intervention récemment créés pour sécuriser les voies de communication d’intérêt économique majeur, notamment celles qui nous permettent de déboucher sur la mer. Il importe d’assurer la viabilité de ces voies. C’est dans ce sens que ces escadrons ont été créés. Telle est la contribution de la gendarmerie au-delà de ses missions traditionnelles.

Mais la gendarmerie n’agit pas seule. Nous sommes avec les autres forces sur le terrain. Nous sommes sous la coupe du Commandement des opérations du théâtre national (COTN) et nous sommes en étroite synergie avec le Centre intégré des opérations.

Interview réalisée par Wanlé Gérard COULIBALY

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