Une présidentielle sans enjeu

Les Equato-Guinéens étaient aux urnes, le dimanche 20 novembre 2022, pour des élections générales. Celles-ci consacrent la remise en jeu du fauteuil présidentiel et le renouvellement des députés et des sénateurs. Malgré quelques dysfonctionnements, le vote s’est déroulé dans le calme, dans près de 3 000 bureaux répartis à travers le pays. Le scrutin présidentiel ne retient plus l’attention dans ce pays pétrolier d’Afrique centrale, dirigé d’une main de fer, par Theodoro Obiang Nguema Mbasogo, depuis 43 ans. L’ancien pensionnaire de l’Académie générale militaire de Saragosse en Espagne, qui a accédé au pouvoir en 1979 à la suite d’un coup d’Etat est candidat à sa propre succession pour un 6e mandat. Cet octogénaire, perçu comme un dictateur était opposé à deux autres candidats, Andrès Esono Ondo de la Convergence pour la démocratie sociale (CPDS), seul parti d’opposition en activité, et Buenaventura Monsuy Asumu du Parti de la coalition sociale démocrate (PCSD). Cet allié du parti au pouvoir, le PDGE, dans les scrutins législatifs et municipaux, est un habitué de la course, pour avoir perdu aux scrutins présidentiels de 2002, 2009 et 2016. Si on ne peut pas dire qu’ils font de la figuration, au risque de les froisser, les deux challengers du chef de l’Etat équato-guinéen ne sont pas du genre à le faire trembler.

Il y a bien longtemps que Theodoro Obiang Nguema qui règne en maitre absolu sur son pays a écrasé la concurrence par la peur ou la force. Personne en Guinée-Equatoriale n’ose le défier en réalité. Les opposants et défenseurs des droits de l’Homme en prison ou en exil, ou du moins ceux qui sont encore vie, peuvent en témoigner. Le président équato-guinéen est sans pitié avec ses adversaires. Tous ceux qui ne partagent pas sa vision ou n’apprécient pas sa gouvernance ont des gros soucis. Les droits de l’Homme sont régulièrement violés en Guinée-Equatoriale, où la terreur prévaut. Un semblant de démocratie y existe. C’est une démocrature, comme le disent les experts. Le saupoudrage est exploité à fond avec des mesures trompe-l’œil comme la loi interdisant la torture adoptée en 2006, sans jamais être appliquée pour autant. Theodoro Obiang Nguema a travaillé depuis toutes ces décennies à asseoir et à renforcer son pouvoir avec les privilèges qui vont avec, que de changer véritablement le sort de ses compatriotes. La majorité des 1,4 million d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale. Le clan présidentiel, très affairiste, baigne dans le luxe, tandis qu’une frange non négligeable d’Equato-Guinéens mange la vache enragée.

En dépit de ce sombre tableau, Theodoro Obiang Nguema est sur un boulevard, la présidentielle du 20 novembre n’étant qu’une simple formalité, dans un pays où tout est verrouillé. A moins d’un coup de théâtre, sa victoire sera annoncée en fin de semaine par la Commission électorale et validée ensuite par le Conseil constitutionnel. Le chef de l’Etat équato-guinéen restera encore au pouvoir pendant 7 ans, la durée légale du mandat. Son parti gardera également et cela ne fait l’ombre d’aucun doute, la main sur les deux chambres du Parlement. Theodoro Obiang Nguema n’a plus rien à apporter à son pays, au regard de sa longévité au pouvoir, mais il reste aux affaires. N’en déplaise à ses détracteurs. Ainsi va la démocratie sur le continent…

Kader Patrick KARANTAO

Laisser un commentaire