CDP : se raviser ou jouer les facilitateurs

Depuis plus d’un mois, des cadres et pas des moindres du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) se livrent une guerre sans merci. En toile de fond, les ambitions pour l’élection présidentielle de 2020. Un adage populaire dit que qui veut aller loin ménage sa monture et au lieu d’en faire sien, le CDP lui, démonte sa monture. Et pour cause, alors que dans les différents états-majors des partis, l’ordre est au resserrement des rangs et à la maturation des stratégies de campagne, c’est ce moment précis que l’ex-parti au pouvoir se livre à un spectacle désolant.

La situation est tellement criante, que le lavage du linge sale s’est non seulement fait sur la voie publique, mais aussi et surtout au tribunal, avec la suspension de la tenue du congrès extraordinaire du parti par décision de justice. Loin des multiples crises que le parti, a traversées, mais «gérées» à l’interne, les maux qui gangrènent actuellement l’ancien giga parti pourraient le mener à l’implosion si les protagonistes ne se ravisent pas à temps. En effet, de la crise des réformateurs en 2008 avec à leur tête Oubkiri Marc Yao, au tsunami politique soulevé par la courageuse sortie médiatique de l’ancien vice-président du parti et ambassadeur du Burkina à Vienne, Salifou Diallo en 2009, en passant par la vague de démissions de 2013 qui a abouti à la création du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) en 2014, le CDP n’est jamais tombé aussi bas.

Nul besoin de rappeler à des monuments politiques de la trempe des acteurs de l’actuelle crise, que l’union fait la force. Alors que le parti, qui était au bord de la disparition, après l’insurrection populaire de 2014, commençait à se remettre d’un désaveu populaire, le voilà s’enfonçant dans une crise profonde. Trois camps se regardent en chiens de faïence. Il s’agit d’abord de celui d’Eddie Komboïgo (EKO), de Kadré Désiré Ouédraogo (KDO) et des non-alignés (jusqu’à plus ample informé), la vieille garde, conduite par l’insubmersible Mahamadi Kouanda. Dans une récente interview, ce dernier affirmait : «Si le CDP doit éclater pour que Eddie ne soit pas candidat, il éclatera. Ma position est très claire. Je suis prêt à soutenir d’autres candidatures. J’ai ma candidate qui est Juliette Bonkoungou. Je dis au passage que je ne suis pas contre Kadré. S’il arrive à battre Juliette aux primaires, je le soutiendrai …».

Il est connu de tous que la candidature de Eddie Komboïgo, d’ailleurs rejetée à la présidentielle de 2015, a failli faire exploser le parti à l’époque, mais on était loin d’imaginer que les divergences internes couvaient à ce point. La teneur des propos, parfois des plus acerbes, témoigne à volonté que les rivalités proprement politiques sont tenaces. Propre acteur de la destruction de ses chances de retour à Kosyam en 2020, le parti de Blaise Compaoré facilite donc la tâche à ses rivaux, notamment le MPP au pouvoir. Comme quoi, la crise au sein du CDP est loin de déplaire au reste de la classe politique nationale. C’est bien dommage et même regrettable que pour des questions d’égo, les ténors ne puissent pas préserver l’intérêt du parti qui leur a donné pouvoir, honneur, notoriété, fortune et bien plus. Le CDP devait bien quand même présenter un meilleur visage, surtout qu’il sort d’une tempête qui l’avait quasiment déraciné. Le CDP devrait donc vite se raviser ou renoncer à toute ambition et de fait, jouer les facilitateurs malgré lui pour son principal vis-à-vis, le MPP.

Jean-Marie TOE

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