Dr Sougrinoma Issouf Abel SAWADOGO, hépato-gastroentérologue : « Sensibiliser les patients de l’hépatite B sous traitement à bien respecter les prescriptions et les suivis »

Les hépatites virales sont des inflammations du foie provoquées par un virus. On décrit habituellement 5 virus hépatotropes c’est-à-dire qui affectent principalement le foie : ce sont les virus de l’hépatite A (VHA), B (VHB), C (VHC), Delta (VHD) et E (VHE). Le Dr Sougrinoma Issouf Abel SAWADOGO hépato-gastroentérologue au Centre hospitalier universitaire Yalgado OUEDRAOGO de Ouagadougou donne plus de précisions sur cette maladie.

Sidwaya (S.) : Qu’est-ce que l’hépatite B ?
Sougrinoma Issouf Abel SAWADOGO (SIAS) : L’hépatite B est une inflammation du foie provoquée par une infection par le virus de l’hépatite B.

S. : Quels sont les modes de transmission les plus courants de
l’hépatite B au Burkina Faso ? Existe-t-il des facteurs de risque spécifiques à notre contexte ?
S.I.A.S. : Les modes de transmission les plus courants au Burkina Faso sont : la transmission verticale de la mère à l’enfant qui est la principale cause et qui se fait par passage transplacentaire ou au moment de l’accouchement par contamination par le sang, la transmission sexuelle à travers le sperme ou les sécrétions vaginales et enfin la transmission sanguine par la transfusion sanguine ou de produits sanguins, l’utilisation de matériel médical contaminé lors des soins, l’usage de drogue injectable, le tatouage, le piercing, partage de rasoir, …

S. : Quels sont les statistiques ?
S.I.A.S. : Dans le monde en 2022, l’OMS estimait que 254 millions de personnes étaient porteuses de l’hépatite B avec 1,2 millions de nouvelles infections. Le nombre de décès par hépatite virale était estimé à 1,3 million dont 83% liés à l’hépatite B. Au Burkina les dernières estimations en population générale remontent à 2010 et on avait environ 9,1% de la population qui était contaminée. En 2013, la prévalence chez les donneurs de sang était de 10%.

S. : L’hépatite B est-elle une maladie fréquente ?
S.I.A.S. : Oui c’est une pathologie fréquente en témoignent les statistiques. Au Burkina malgré l’absence de statistiques nationales récentes, elle constitue un des principaux motifs de consultation en hépato-gastroentérologie.

S. : Quels sont les symptômes typiques de l’hépatite B chez les patients à un stade précoce et avancé ?
S.I.A.S. : Il n’y’a pas de symptôme typique de l’hépatite B. La plupart des personnes n’ont aucun symptôme lorsqu’elles viennent d’être infectées. Les symptômes peuvent être observés chez 20 à 50 % des adultes, mais ils sont rares chez les nourrissons et les enfants. Au stade non compliqué, on peut avoir la phase d’hépatite aigüe qui se décline en phase pré ictérique et en phase ictérique dont les principaux symptômes sont : fièvre, fatigue, douleurs articulaires, douleurs abdominales, perte d’appétit, nausées et vomissements, urine foncée, selles pâles, ictère.
A la phase d’hépatite chronique non compliquée, l’infection est dans la majorité des cas asymptomatique, mais lorsqu’elle est symptomatique, la fatigue est le symptôme le plus souvent observé.
Au stade avancé, c’est-à-dire la phase de survenue des complications (cirrhose, cancer du foie), on a les symptômes en lien avec ces pathologies : gros foie, douleurs abdominales, augmentation du volume de l’abdomen avec présence de liquide (ascite), œdèmes de membres inférieurs, vomissement de sang, amaigrissement, ictère, …

S. : Comment évolue l’hépatite B ?
S.I.A.S. : Une fois contaminé, la durée d’incubation varie de 1 à 3 mois. Elle est en moyenne de 10 semaines.
Elle peut se manifester par une hépatite aigüe qui est généralement asymptomatique chez la plupart (60%) des sujets contaminés. Elle est plus fréquemment symptomatique (nausées, asthénie, anorexie, fièvre arthralgies et ictère) chez les adolescents ou les jeunes adultes. On note une perturbation du bilan hépatique avec une augmentation de l’activité sérique de l’Alanine aminotransférase (ALAT) qui peut être supérieure à 10 fois la Limite supérieure de la normale (LSN). On assiste généralement à une guérison spontanée dans 90 à 95% des cas.
A défaut de guérison spontanée, on a un passage à la chronicité qui est défini par la persistance plus de 6 mois de l’antigène HBs qui est le marqueur de
la présence du virus dans l’organisme.
Le passage à la chronicité est de 5-10% des cas des infections à l’âge adulte, mais beaucoup plus fréquente chez les enfants infectés tôt dans la vie (jusqu’à 90 % chez les nouveaux-nés infectés à la naissance) ou chez les immunodéprimés (hémodialysés, transplantés et autres patients sous immunosuppresseurs, patients infectés par le VIH…).
En cas de chronicité, environ 20% de ces patients vont développer une cirrhose et par la suite certains de ces patients développeront un cancer du foie.

S. : Quelles peuvent être les complications de la maladie ?
S.I.A.S. : La complication de l’hépatite B au cours de la phase aigüe est surtout l’hépatite fulminante dont la mortalité globale en l’absence de transplantation hépatique est d’environ 80%. Les complications au cours de la phase chronique sont la cirrhose et le carcinome hépatocellulaire (cancer du foie).

S. : Comment peux-ton prévenir les complications de l’hépatite B ?
S.I.A.S. : On peut les prévenir en se faisant dépister tôt et en ayant une prise en charge adéquate. La meilleure des préventions demeurant la vaccination pour ne pas avoir la maladie.

S. : Comment se fait le diagnostic de l’hépatite B et quelles sont les étapes à suivre après la confirmation du diagnostic ?
S.I.A.S. : Le diagnostic de l’hépatite B se fait par un test sérologique qui retrouve la présence de l’’antigène HBs dans le sang du patient.
Ce dépistage peut se faire de façon volontaire, ou lors d’une pathologie ou au moment des complications. Une fois le diagnostic fait, le patient doit consulter un médecin qui va faire le bilan complémentaire nécessaire pour la suite de la conduite à tenir.

S. : Quels sont les traitements disponibles pour les patients atteints d’hépatite B au Burkina Faso, et quelles sont les chances de guérison ?
S.I.A.S. : Les traitements disponibles sont le Ténofovir et l’Entécavir. Mais ce qu’il faut savoir c’est que ce ne sont pas tous les patients porteurs de l’hépatite B qui sont mis sous traitement. Il existe des critères de mise sous traitement. Pour ceux qui remplissent les conditions pour être mis sous traitement, l’objectif du traitement est de freiner la réplication du virus, mais n’offre pas une guérison complète, celle-ci n’intervenant que dans le cadre d’une guérison spontanée.

S. : Les patients associent souvent les traitements des tradipratriciens avec les traitements médicaux. Ces traitements peuvent-ils guérir l’hépatite ?
S.I.A.S. : Oui on voit des patients qui les associent pensant avoir une grande efficacité, d’autres arrêtent le traitement prescrit pour le traitement des tradipraticiens et il y’a ceux qui ne remplissent pas les critères mais qui cherchent coûte que coûte à avoir un traitement pour se débarrasser de la maladie. Ceci est dangereux pour ceux qui associent les traitements parce qu’on ne connait pas les interactions médicamenteuses qui peuvent survenir.
Aussi il y’a beaucoup d’arnaqueurs surtout au niveau des réseaux sociaux qui arrivent à berner les patients en leur promettant une guérison complète en 3 mois ou 45 jours, mais qui au bout du compte leur revendent des compléments alimentaires au mieux des cas et au pire des produits nocifs pour le foie et qui altèrent les fonctions hépatiques et augmentent souvent les charges virales des patients quand on les revoit.

S. : Quel est l’état actuel de la vaccination contre l’hépatite B au Burkina Faso ? Est-elle suffisamment accessible à la population, et quels groupes sont les plus concernés ?
S.I.A.S. : Actuellement on a une vaccination de tout nouveau-né dès la naissance dans le cadre du PEV ce qui va permettre de réduire au maximum la contamination mère-enfant qui est la principale voie de contamination dans notre pays. Ceci permettra à long terme de réduire la prévalence de l’hépatite B.
Le vaccin contre l’hépatite B est disponible et efficace pour ceux qui n’ont pas reçu le vaccin (qui est inclus dans le PEV depuis 2006).
Les groupes concernés sont surtout tous les nouveau-nés, le personnel de santé (vaccination obligatoire), les membres de la famille du sujet porteur de l’AgHBs, les sujets ayant des partenaires sexuels multiples, les malades consultants pour les maladies sexuellement transmissibles, les hémodialysés, les drépanocytaires, les thalassémies, patients sous traitement immunosuppresseur et toute personne non immunisée.

S. : Comment gérez-vous les patients qui souffrent d’hépatite B chronique ? Existe-t-il des mesures spécifiques pour éviter la progression de la maladie ?
S.I.A.S. : Il faut un soutien psychosocial pour ces patients. Il faut d’abord pouvoir leur faire accepter de vivre avec ce mal, qui il faut le dire peut-être latent sans symptôme et ne crée aucun problème aupatient. Il peut vivre comme toute personne bien portante. Il faut sensibiliser les patients sous traitement à bien respecter les prescriptions et les suivis.
Du fait que la plupart des patients n’ont pas de symptôme, certains à un moment arrêtent le traitement car pour eux ils ne sont pas malades, d’autres disparaissent parce que les bilans répétitifs les épuisent financièrement.
Parfois ce sont les problèmes de couple sérodiscordant où on s’accuse mutuellement d’infidélité alors que souvent ce n’est pas par la voie sexuelle
que les personnes se sont contaminées, …
Pour éviter la progression de la maladie, c’est essentiellement traiter les patients qui sont éligibles au traitement ce qui permet de limiter la progression vers les complications.

S. : Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez dans la prise en charge des patients atteints d’hépatite B au Burkina Faso ?
S.I.A.S. : Les principales difficultés sont d’abord d’ordre financier. Les différents examens sont à la charge du patient et assez coûteux et en plus ces examens sont à répéter tous les six mois à 1 an en fonction des bilans. Ensuite c’est la durée pour disposer des résultats de la charge qui varie de deux semaines à un mois.
Il y’a également les ruptures de médicament (le Ténofovir) au niveau de la CAMEG, la compliance des patients au traitement.
La prise en charge adéquate des complications est souvent limitée par l’absence de plateau technique et de personnel qualifié pour la prise en charge de ces complications notamment en cas de rupture de varices œsophagiennes dans les cas de cirrhose, les traitements des petits cancers toujours accessibles au traitement.

Interview réalisée par : Wamini Micheline
OUEDRAOGO

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