Janvier, c’est 30 ou 60 jours ?

Est-ce que vous savez que le mois de janvier est le plus long de l’année ? Rien ne sert de regarder votre calendrier. En fait, ce n’est pas écrit quelque part, mais c’est comme ça. Le mois de janvier est le plus long de l’année, point barre ! Mon voisin m’a interpellé ce matin sur la nonchalance de son calendrier. Pour lui, son calendrier n’est pas à jour. Il a même fait les décomptes : « le mois de janvier compte soixante jours ». Selon sa théorie, en janvier, il y a des jours invisibles, des jours cyniques et insensibles à nos peines. Pour lui, en janvier, le temps se repose et nous oublie ; la terre clopine, lentement comme si elle était essoufflée.

Tant pis si Galilée trouve qu’elle tourne pourtant. En janvier, les gens marchent sur du gravier, on crapahute entre buttes et montagnes. C’est en janvier que l’on se rend compte que Sisyphe n’est pas un mythe ; il existe, il vit en nous. Janvier est le mois le plus glissant et le plus risqué. Pour avoir l’équilibre en janvier, il faut se réveiller tôt, en décembre. Pour tenir bon en janvier, il faut avoir des griffes aux doigts et aux orteils pour savoir s’agripper et s’arc-bouter. Au loin, janvier se fait envier ; tout le monde l’attend pour savourer son premier jour ; on se goinfre en rotant en l’air ; on se saoule au point de ne pouvoir soulever le poids de sa propre langue ; on dépense sans défense sur fond de bombance ; on ne pense qu’à se remplir la panse et entrer en transe entre carence et souffrance. Vu de loin, janvier est le mois le plus envié, mais il suffit de franchir le cap du premier pour convenir avec le ciel que le premier sera le dernier.

Après l’euphorie des ripailles de la pagaille, l’enivré d’hier retrouve sa lucidité parfois avant que le mois n’ait deux chiffres. C’est en janvier que l’on compte vraiment les jours. C’est en janvier que l’on consulte le plus son calendrier. C’est même en janvier que l’on se trompe toujours de date. Il y en a qui ajoutent toujours deux ou trois jours au temps qui stagne. Parce qu’en janvier, le temps, ce n’est pas ce qui est écrit ; c’est ce que l’on vit. Le temps c’est de l’argent, mais janvier se moque de nos besoins urgents. C’est en janvier que l’on court plus que le temps. Mais c’est le temps qui nous dépasse. C’est en janvier que l’on compte mieux la nuit, les tôles de sa maison. Parce qu’en janvier, même Morphée ne dort plus ! En janvier, on calcule sans calculette, on gesticule comme des marionnettes. En pleine circulation, il y a des usagers qui font de la géométrie dans l’espace en murmurant des formules sans suite.

En janvier, les gens sont sur les nerfs ; un simple bonjour souriant peut être traité de malveillant. Le taux d’aigreur de certains dépasse le seuil de tolérance de la galère. L’allure des autres renvoie à un engin qui roule en état de réserve critique. Le mois de janvier est celui de toutes les pannes. A défaut d’un « complément » à la station-service la plus proche, l’intrépide dépourvu et sans amour fera du bouche-à-bouche avec le réservoir d’une moto inanimée qui joue au toto. C’est en janvier, que l’on joue le plus au loto et aux chevaux. Malheureusement, les bourriques courent tous loin des poteaux et les favoris font tonneau. Parfois, en janvier, c’est au pied du lit que l’on n’a pas assez de lie dans son jus pour remonter la pente des « sept merveilles ». Peu importent les rondeurs et les falaises du relief de rêve ; en janvier, le « sceptre impérial » du « mâle dominant » peut se rétrécir, pire, se ramollir face au sublime devoir conjugal qui se déballe.

En janvier, nous sommes en cavale ! Vous voyez, janvier n’est pas un mois banal ! A partir du 10 janvier, Si vous donnez des accolades à certains, vous recevrez les coups de tête d’un bélier enragé. Il vous percutera le front et les tempes pour apaiser sa migraine. Mais on n’a beau cassé le thermomètre, la fièvre montera et se portera mieux, pour le pire. Depuis que le mois de janvier a deux chiffres et que les jours sont en sit-in, certains rasent les murs en mode camouflage. Tant pis pour les créanciers qui ont cru aux évangiles des débiteurs feinteurs. En janvier, on ne paie pas de crédit et les prétextes ne manquent pas : on tue les vieux au village pour échapper aux dommages ; les plus cruels tuent leur propre père pour excuser leur impair ; on casse le pied de la tante bien portante qui « agonise à l’hôpital » pour un prêt banal de 5000 francs.

Le mois de janvier est un piège ; c’est un mois difficile. Voilà pourquoi, c’est en janvier qu’il y a les plus grandes poussées d’adrénaline. On s’énerve plus facilement en janvier, pour rien. Tous ces symptômes sont visibles chez les victimes du virus de la « janviose ». Il y en a même qui pardonnent difficilement en janvier. On divorce souvent en janvier ; on grève sans trêve en janvier ; tant pis pour le futur qui crève à l’ère des rêves. Finalement, le mois de janvier, c’est 30 ou 60 jours ?

Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr

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