Des millions de Burkinabè entament en ce début de semaine, le jeûne de Ramadan, l’un des cinq piliers de l’islam. Mais quelle est la signification de ce moment important de la religion musulmane ? Quel doit être l’attitude du fidèle musulman ? Quelles sont les règles du jeûne ? Imam à l’Association des élèves étudiants musulmans au Burkina Faso (AEEMB) et du Centre d’études, de recherches et de formation islamique (CERFI), par ailleurs personne de ressource de la Fédération des associations islamiques du Burkina Faso (FAIB), Nouhoun Bakayogo nous donne des réponses.
Sidwaya (S.) : Pouvez-vous nous rappeler l’importance du Ramadan pour les fidèles musulmans ?
Le Ramadan est un mois particulier parce que tout dans le Ramadan en réalité est une bénédiction pour les musulmans en ce sens que le prophète de l’islam, Mohammed a dit que le mois du Ramadan, ces jours sont les meilleurs des jours, ces nuits sont les meilleures des nuits, ces heures sont les meilleures des heures, ces moments sont les meilleurs des moments parce qu’en fait, chaque action que les musulmans font pendant ce Ramadan a une bénédiction. C’est la foi d’abord qui détermine tout en la matière. Lorsque le musulman a la foi et qu’il jeûne, Dieu seul connaît la valeur de ce jeûne. Car, Dieu dit à travers un des propos du prophète que le jeûne est un secret entre lui et le jeûneur et que c’est lui seul qui connaît la valeur du jeûne du jeûneur. Au-delà, Dieu a placé en ce mois, un jour particulier qu’on appelle Laïl Latoul Qadr ou la nuit de la destinée. Décrivant ce jour, cette nuit-là, Dieu va dire dans la sourate 97 que la nuit de la destinée, la nuit d’Al-Qadr est mieux que 1000 mois. Une seule nuit est mieux que 1000 mois. 1000 mois, c’est l’équivalent de 83 ans, 4 mois. Donc, si une seule nuit dans ce mois vaut 84 ans d’adoration, que vaut finalement les 30 nuits du mois du Ramadan. Donc, c’est vraiment très important aux yeux des musulmans.
- : Et sous quel signe la communauté musulmane du Burkina place-t-elle le Ramadan 2024 ?
N.B. : Ramadan de 2024 se passe dans un contexte où le Burkina a besoin plus que jamais de paix et de cohésion sociale. Alors que l’islam est une religion qui est réaliste. C’est-à-dire que l’islam, ce n’est pas des imaginations pour des possibilités pour l’être humain, mais c’est quelqu’un qui permet à l’être humain de gérer sa réalité au quotidien. Ramadan venant dans un contexte où les musulmans vivant dans un pays qui a besoin de paix et de cohésion sociale, il va s’en dire que le Ramadan 2024 soit sous l’insigne de la paix et de la cohésion sociale qu’on recherche tous.
S : Durant ce mois de jeûne, quelle doit être l’attitude du fidèle musulman ?
N.B. : Le Ramadan est une école d’éducation du musulman qui lui apprend d’abord à être en bonne connexion avec Dieu pour mieux vivre avec ses concitoyens. Le fait de s’abstenir de manger, de boire et d’avoir des rapports conjugaux, tout ce qui est illicite à la matière justement pour le temps normal, alors il le fait pour plaire à Dieu. Il se retient pour Dieu et de la même façon qu’il se retient pour Dieu dans ce qui est même illicite, du coup, tout ce qui est illicite, en réalité, le musulman s’en éloigne. Il doit s’éloigner des propos malveillants, éviter des regards qui ne sont pas bienveillants, des gestes qui ne sont pas les bienvenus, de fréquenter des endroits qui ne sont pas les mieux indiqués pour un pieux. Car la finalité du jeûne, c’est d’avoir un degré supérieur de piété, d’attachement à Dieu, de croyance.
- : Quelles sont les obligations du fidèle pendant ce mois ?
N.B. : La première obligation du musulman, est d’abord qu’il jeûne, chaque jour, depuis l’aube jusqu’au coucher du soleil. Il doit cesser de manger, de boire et d’avoir des rapports conjugaux avec son épouse légale ou son époux légal, depuis l’aube jusqu’au coucher du soleil. Il doit aussi observer toutes les cinq prières quotidiennes. Parce que c’est cela l’obligation. Mieux, il va également faire acte de charité. L’aumône légale est une obligation en temps prescrit ainsi que la charité pendant le mois de Ramadan a une grande importance. Il doit faire tout ce qui peut le mettre en meilleure connexion avec Dieu, c’est-à-dire des invocations, des évocations, des bonnes paroles, la lecture du Coran, l’apprentissage de l’islam à fond.
- : Quels sont les actes à proscrire et ceux à multiplier par le fidèle musulman ?
N.B. : Le musulman essaie au mieux de faire tout ce qu’il plaît à Dieu. Et de la même façon, pendant le mois du Ramadan, il essaie de s’éloigner de tout ce qui ne plaît pas à Dieu. Il doit donc rejeter par exemple, les propos malveillants, le mensonge, la médisance, la calomnie, les regards indécents et même les réseaux sociaux. Il doit veiller sur sa langue, ses yeux, ses oreilles, ses membres. Il doit les retenir de tout ce qui ne plaît pas à Dieu.
- : Cette année encore de nombreux musulmans vont passer Ramadan avec le statut de déplacés, surtout avec des difficultés pour accomplir le jeûne. Comment les fidèles doivent-ils soutenir leur frère dans des conditions difficiles mais qui n’ont pas les moyens de le faire?
N.B. : Ramadan se passe dans un contexte particulier au Burkina en 2024, dans un contexte d’insécurité, de crise humanitaire où des millions de personnes qui se retrouvent être des étrangers chez eux, parce qu’étant déplacés de là où est-ce qu’ils vivaient normalement pour se retrouver finalement dépendants des autres. Et dans ce sens, effectivement, c’est une obligation pour les autres croyants de leur venir en aide. Et surtout en ce mois de Ramadan où la charité est quelque chose de très recommandé. L’exemple du prophète que l’on suit, le prophète de l’islam, il était généreux en temps ordinaire. Mais pendant Ramadan, on dit, sa générosité était comparable à la brise, qui souffle et cela touche tout. Et, comme pour inciter tout le monde à y aller, il disait, « préservez-vous du feu de l’enfer en donnant ce que vous pouvez à l’autre, ne serait-ce que la moitié d’une datte ». Dans l’autre version, il dit, « ne serait-ce que le petit morceau de bien que vous puissiez partager avec autrui, et il faut le faire pendant ce mois de Ramadan ». Cela nous oblige de penser à ces déplacés internes pendant ce mois de Ramadan. Par exemple au niveau des CERFI, nous faisons le kit ménage pour venir en aide à un ménage pendant ce mois de ramadan. On a évalué le kit minimum à 30 000 francs CFA.
- : Quelles sont les catégories de personnes qui ne sont pas astreintes au jeûne ?
N.B. : Le Seigneur qui a fait l’obligation de jeûner est un Seigneur d’abord de la miséricorde et du coup, il va nous dire ceux qui sont en situation de voyage et qui pourraient avoir des difficultés en la matière, ceux qui sont malades et qui pourraient avoir des difficultés pour jeûner, tout comme les femmes qui sont en situation d’allaitement ou qui sont enceintes ou les personnes malades qui ne peuvent pas supporter du tout la faim ou la soif. Cela peut être également le cas des vieillards qui ne peuvent pas supporter du tout la faim ou la soif. Toutes ces personnes, en réalité, elles sont dispensées des jeunes, mais avec effectivement des statuts un peu différents. Pour le voyageur, le malade curable, la femme enceinte, ils doivent rembourser les jours de jeûner manquer. Le vieillard, ou le malade chronique qui ne peut pas du tout en fait revenir à un état normal pour jeûner, alors celui-ci, il prélève ce qu’on appelle la Fidia, c’est-à-dire une compensation qui est la quantité de nourriture qui peut suffire pour nourrir un adulte par jour.
- : Qu’en est-il de certaines de nos vieilles mamans vraiment âgées qui forcent à vouloir accomplir le jeûne ?
N.B. Dieu va nous dire à la suite de la prescription du jeûne, du fait que l’obligation pour nous de jeûner, dans la sourate 2, verset 183, verset 186 de la même sourate, « Dieu aime pour vous ce qui est allégé », c’est-à-dire, « il aime pour vous ce qui est facile, on va dire, il n’aime pas pour vous, il ne veut pas vous imposer ce qui est difficile ». Donc Dieu, en réalité, nous a fait un dépôt, l’âme qui est en nous, la vie qui est en nous, c’est un dépôt de Dieu. On doit en prendre soin. Donc, on ne doit pas torturer notre âme au-delà de ce que nous pouvons supporter. Et de la même façon que c’est pour Dieu qu’on le fait, c’est pour Dieu qu’on doit bien entretenir l’âme qui est en nous. Donc, on ne doit pas faire souffrir l’âme au-delà de ce que nous pouvons supporter. Mais ce qu’elle doit faire si elle a les moyens, elle doit donner de l’aumône aux personnes nécessiteuses en compensation du nombre de jour qu’elle ne peut pas jeûner.
- : En ce mois de Ramadan, quels sont les vœux que vous formulez pour la communauté musulmane et tout le Burkina Faso ?
N.B. : En ce moment de Ramadan, mes vœux pour la communauté des musulmans, c’est des vœux d’engagement pour la cause de Dieu avec plus de foi, plus de détermination pour jeûner, pour prier, pour lire le Coran, pour invoquer abondamment le Seigneur de la terre pour notre pays. Je souhaite vraiment la paix, la sécurité, la sérénité et le vivre- ensemble dans une cohésion réelle pour tout le pays.
Interview réalisée par : Wamini Micheline OUEDRAOGO