Journée internationale des musées: « Les musées ont un rôle central dans ce combat identitaire », Sabari Christian Dao, directeur général du Musée national

Le directeur général du Musée national, Sabari Christian Dao : « le musée, c’est une école, un média, un laboratoire. Il offre les ressources culturelles nécessaires à l’élaboration des politiques publiques actuelles ».

A l’occasion de la Journée internationale des musées célébrée chaque 18 mai, Sidwaya a rencontré Sabari Christian Dao, conservateur et directeur général du Musée national du Burkina Faso. Président du comité national burkinabè de l’ICOM, il revient sur la portée de cette journée pour les professionnels du secteur, les activités prévues à Saponé, l’impact du Mois du patrimoine sur la fréquentation des musées et le rôle fondamental de ces institutions dans la refondation nationale et la résilience face à la crise sécuritaire.

Sidwaya (S) : Le 18 mai marque la Journée internationale des musées. Que représente cette journée pour les acteurs du domaine ?

Sabari Christian Dao (S.C.D.) : Le 18 mai est en effet une date marquante, consacrée à la célébration des professionnels des musées et des institutions muséales. Cette journée est une initiative du Conseil international des musées (ICOM), avec le soutien de l’UNESCO. Aujourd’hui, c’est un événement incontournable, car il symbolise ce moment unique où le monde entier rend hommage aux musées. Par l’intermédiaire de l’ICOM, tous les musées du monde s’impliquent dans la commémoration de cette journée. L’édition de 2025 nous offre une nouvelle opportunité d’organiser diverses activités pour honorer nos institutions muséales. A l’échelle mondiale, la célébration se déroule sur le thème de “L’avenir des musées dans des communautés en perpétuelle évolution”.

S : Sur le plan mondial, cette journée est célébrée sur le thème : « L’avenir des musées dans des communautés en perpétuelle évolution ». Sous quel signe est-elle placée au Burkina Faso ?

S.C.D. : Au Burkina Faso, la Journée internationale des musées (JIM) s’inscrit dans le cadre du Mois du patrimoine burkinabè, avec pour thème : “Patrimoine culturel et développement économique”. Ce thème est en parfaite cohérence avec celui de la Journée internationale des musées. Il s’agit de placer la célébration sous le signe du développement socio-économique. Au niveau de l’ICOM, il est question des communautés, et sur le plan national, nous insistons sur l’impact économique. C’est l’occasion de placer les musées au cœur du développement du Burkina. Nous abordons des questions telles que : comment les communautés peuvent-elles participer à la gestion des musées, de la conception à l’exploitation ? Comment les activités muséales peuvent-elles contribuer efficacement au développement national ? Autant de réflexions que cette journée nous invite à approfondir.
Nous disposons au Burkina Faso d’un comité national du Conseil international des musées. Cette organisation existe dans plus d’une centaine de pays, et le pays des hommes intègres possède également son comité national. Ce comité, en collaboration avec le ministère de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme organise la célébration de la JIM avec l’ensemble des musées et des professionnels du secteur. J’ai actuellement l’honneur de présider ce comité national. Nous nous préparons activement pour une célébration à la hauteur de l’événement. Cette année, nous avons choisi de célébrer la journée à Saponé, le 18 mai.

S : Quelles sont les activités au programme de l’édition 2025 de la journée internationale des musées au Burkina Faso ?

S.C.D. : La Journée internationale des musées, cette année, coïncide avec la clôture officielle du Mois du patrimoine. Les festivités auront lieu à Saponé. Au programme, plusieurs activités, notamment l’animation d’un panel de discussion.
Ce panel rassemblera des experts qui partageront leurs expériences autour du thème de l’édition 2025. Ensuite, une visite de sites est prévue à Saponé, notamment celle du musée ethnographique local. Nous aurons également un moment d’échanges avec les artisans qui fabriquent le célèbre chapeau de Saponé.
Enfin, un repas communautaire viendra clore ces moments de partage. Il s’agit là d’un programme bien structuré qui permettra une célébration significative de la JIM cette année.

S : Cette Journée marque la fin du Mois du patrimoine burkinabè (du 18 avril au 18 mai). Quel est l’impact de ce mois sur la fréquentation des musées burkinabè de façon générale ?

S.C.D. : Nous, personnels de musée, considérons l’institution de ce Mois du patrimoine comme une véritable bénédiction, tant pour les musées que pour les autres sites touristiques du Burkina Faso. Bien que nous n’en soyons qu’à la IIIe édition, les résultats sont déjà visibles. Prenons l’exemple du Musée national : ce mois a permis une meilleure appropriation du patrimoine culturel par les Burkinabè.
Depuis le début du mois, nous constatons une nette augmentation de la fréquentation. Les visites ont été multipliées par deux, voire par trois. Cette dynamique est favorisée par une communication intense autour de l’événement, qui attire un large public sur les différents sites. Nous exprimons notre joie et notre fierté de voir les Burkinabè affluer en masse vers leur patrimoine.

S : Les autorités burkinabè ont engagé la refondation de la Nation basée en grande partie sur nos ressources endogènes, notamment notre histoire et notre culture. Quelle est la place des musées, lieux d’histoire par excellence dans cette dynamique ?

S.C.D. : Le musée national figure parmi les sites visités par le chef de l’Etat, ce qui a contribué à une hausse de la fréquentation. Nous sommes pleinement engagés dans cette dynamique gouvernementale qui place le patrimoine culturel au centre du développement. Le musée joue un rôle crucial, car il aide les communautés à préserver leur patrimoine, à en comprendre le sens historique et à en faire un levier de développement. Nos expositions, nos activités, contribuent à mettre en valeur ce patrimoine. Nous créons également des cadres de transmission, indispensables dans un processus de développement basé sur nos ressources propres. Aujourd’hui, les occasions d’échanges entre générations se raréfient. Les musées permettent justement cette transmission entre anciens et jeunes. C’est fondamental. Le musée, c’est une école, un média, un laboratoire. Il offre les ressources culturelles nécessaires à l’élaboration des politiques publiques actuelles.

S : Parlant du patrimoine burkinabè, combien pouvons-nous compter de musées au Burkina Faso ?

Actuellement, nous comptons environ une trentaine de musées au Burkina Faso. On distingue des musées publics, privés et communautaires. Ces derniers sont souvent le fruit d’initiatives locales, en collaboration avec les mairies. D’autres musées sont encore en projet et verront le jour progressivement.

S : Et parlant de ces différents types de musées, quels sont leurs rôles ?

S.C.D. : Les musées publics sont créés par les institutions étatiques. Parmi eux, on peut citer le Musée national, le musée de la musique Georges-Ouédraogo. Il existe aussi des musées publics spécifiques, comme le musée des Forces armées nationales ou encore le musée de la pédologie du BUMIGEB. Les musées privés, quant à eux, sont créés par des personnes physiques ou morales. Le musée de Manéga est l’un des plus grands musées privés de la sous-région. On trouve aussi le musée de l’eau, le musée de la femme, etc. Ils remplissent les mêmes missions que les musées publics, bien qu’ils soient gérés par des acteurs non étatiques. Il convient de souligner que toute institution reconnue par le ministère et dotée d’un arrêté de création voit ses collections intégrées au patrimoine de l’Etat. Le patrimoine culturel, une fois reconnu, appartient à la Nation.

S : La conservation du patrimoine culturel reste un défi majeur pour les musées et les acteurs. Qu’en est-il au Burkina Faso ?

S.C.D. : Il y a eu des périodes de dynamisme, mais aussi des moments de stagnation. Aujourd’hui, les choses évoluent positivement. Le premier bâtiment du musée date de 2004, mais le site reste encore à aménager. Le gouvernement actuel a lancé des initiatives pour améliorer les infrastructures. Nous disposons d’une réserve de plus de 14 000 objets, qu’il faut préserver quotidiennement. Cela exige un laboratoire de conservation digne de ce nom, capable de traiter des objets en bois, fer, fibres, etc. Ces équipements sont essentiels pour prolonger la vie des collections. Nous avons bon espoir qu’au fil des années, les musées burkinabè deviendront des références en Afrique de l’Ouest.

S : Le Burkina Faso traverse une crise sécuritaire depuis plusieurs années. Quels sont les défis des musées burkinabè dans ce contexte ?

S.C.D. : Les causes profondes de cette crise résident dans la perte de nos valeurs et de notre identité. Il y a eu une rupture dans la transmission de ces repères culturels. Un Burkinabè imprégné des valeurs de patriotisme, de bravoure et de solidarité ne prendra pas les armes contre son propre peuple. Il est donc urgent de replacer le patrimoine culturel au centre de notre lutte. Les jeunes doivent être formés, enracinés dans leur culture, pour prendre conscience qu’ils n’ont rien à envier aux modèles extérieurs. L’Asie nous montre que le développement peut et doit partir de soi. Les musées ont un rôle central dans ce combat identitaire, car ce sont des institutions de souveraineté culturelle.

S : Quelles sont les mesures prises pour y faire face ?

S.C.D. : Les musées doivent agir à deux niveaux : en amont et en aval. Cela passe par l’éducation, la sensibilisation. Mais, ils doivent aussi se protéger. Nous avons vu au Mali des attaques ciblant des sites culturels.

S : Le Burkina, le Mali et le Niger ont créé la Confédération des Etats du Sahel (AES). Existe-t-il des projets communs aux trois pays ?

S.C.D. : Nous sommes en train de préparer une exposition itinérante que nous avons intitulée les trésors du Sahel. C’est une exposition co-organisée par le musée national du Mali, le musée national du Niger et le musée national du Burkina Faso. Cette exposition itinérante sera présentée à Ouagadougou, à Niamey et à Bamako. Donc, ça va faire le tour des trois capitales. Je pense que c’est un dossier qui est porté par les différents ministres chargés de la Culture.

Interview réalisée par
Wamini Micheline OUEDRAOGO

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