Justice climatique en Afrique: l’appel à un financement de l’agroécologie

Pour ces organisations de la société civile, le moment est venu d’institutionnaliser et de financer l’agroécologie comme voie vers la résilience climatique, la souveraineté alimentaire et la justice en Afrique.

Les organisations de la société civile africaine membres de l’Alliance pour la souveraineté en Afrique (AFSA) ont animé une conférence de presse, le mercredi 10 septembre 2025, à Addis-Abeba, en marche du 2e sommet africain sur le climat. Elles ont lancé un vibrant appel à une transition juste et à une justice climatique fondée sur la souveraineté alimentaire et énergétique et l’agroécologie, comme solution africaine au changement climatique.

Les organisations de la société civile membres de l’Alliance pour la souveraineté en Afrique (AFSA) ont été on ne peut plus claires : la solution de l’Afrique face au changement climatique réside dans l’agroécologie. En marge du 2e sommet africain sur le climat, elles ont réaffirmé cette position et appelé solennellement les dirigeants du continent à inscrire l’agroécologie dans les priorités de l’action climat du continent, au cours d’une conférence de presse qu’elles ont animée, le mercredi 10 septembre 2025,
à Addis-Abeba, en Ethiopie.

La représentant de l’Association pour la biodiversité et la biosécurité (BIBA) du Kenya, Anne Maina, est revenue sur les avantages et les raisons qui militent pour l’adoption de cette forme d’agriculture durable pour le continent. « L’agroécologie offre non seulement une voie technique pour l’adaptation au changement climatique et l’atténuation de ses effets, mais aussi un mouvement social et politique visant à reprendre le contrôle des semences, des terres, des marchés, de l’énergie et des systèmes alimentaires »,
a-t-elle indiqué.

Mieux, elle a constamment démontré son efficacité à restaurer les écosystèmes, régénérer les sols, améliorer le bien-être animal et la biodiversité, et à contribuer à l’amélioration de la nutrition et de la santé humaine. Elle intègre les connaissances autochtones aux principes écologiques et à l’innovation, tout en mettant l’accent sur les droits et l’autonomie des agriculteurs, des femmes et des jeunes.

« L’Afrique a le pouvoir de tracer une nouvelle voie pour la justice alimentaire et climatique.
En adoptant l’agroécologie, la souveraineté alimentaire et la souveraineté énergétique, l’Afrique peut protéger ses populations, ses animaux et ses écosystèmes, tout en donnant l’exemple au niveau mondial en matière de résilience et de responsabilité », a-t-elle confié.

Financements conséquents, base d’une justice climatique

La représentant de BIBA, Anne Maina : « l’Afrique est en première ligne face au changement climatique : sécheresses prolongées, inonda-tions destructrices, hausse des températures et modification des saisons compromettent la sécurité alimentaire et nutritionnelle … ».

Pour la société civile, l’Afrique doit s’éloigner des systèmes alimentaires industriels exploiteurs et des énergies polluantes pour s’orienter vers des systèmes communautaires, humains, durables et équitables. « Comme nous l’a rappelé le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, l’Afrique doit montrer la voie en matière de solutions et pour nous, cela signifie faire progresser la souveraineté alimentaire en rejetant l’élevage industriel exploiteur, en rejetant l’utilisation intensive d’engrais synthétiques, en rejetant l’accaparement des ressources africaines au nom de projets écologiques et en rejetant les marchés du carbone qui se font au détriment des communautés tout en ouvrant des opportunités polluantes, en particulier pour les pays du Nord », a souligné Mme Maina.

Une transition juste pour le continent passe aussi par la souveraineté énergétique, c’est-à-dire une Afrique qui contrôle et oriente ses propres voies en matière d’énergies renouvelables au service de sa population et non d’intérêts extérieurs.

« Des systèmes énergétiques propres et décentralisés devraient alimenter l’agroécologie, les marchés territoriaux et les moyens de subsistance résilients, mettant fin à la dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles importés et de l’accaparement vert abusif », ont martelé les conférenciers du jour. La justice climatique repose aussi sur des financements à la hauteur des défis du continent qui manque de ressources adéquates pour faire face aux coûts de l’adaptation au changement climatique.

Pour preuve, moins de 2 % du financement mondial pour le climat parvient aux petits producteurs et encore moins soutient l’agroécologie. « Cela doit changer. Nous appelons à un financement climatique direct qui profite aux organisations d’agriculteurs, aux groupes de femmes et aux entreprises dirigées par des jeunes. L’agriculture et les systèmes alimentaires ont besoin de modèles de financement qui privilégient la transformation agroécologique et non les monocultures industrielles »,
ont-ils martelé.

Le temps de l’action

Et tout cela n’est que justice rendue aux pays africains qui, malgré leur faible contribution aux gaz à effet de serre mondiaux, sont les plus touchés par les effets du changement climatique. « L’Afrique est en première ligne face au changement climatique : sécheresses prolongées, inondations destructrices, hausse des températures et modification des saisons compromettent la sécurité alimentaire et nutritionnelle. La productivité agricole a déjà chuté de plus de 30 % depuis 1961.

Ce qui représente la baisse la plus forte au niveau mondial (GIEC, 2022, FAO, 2021) », a fait savoir Anne Maina. Mais, pour ces organisations de la société civile, l’Afrique n’est pas seulement une victime. Elle est aussi un centre de solutions climatiques pour le monde. Et si, ce sommet a permis de faire entendre la voix de l’Afrique, pour elles, le véritable test de
cette rencontre réside dans la capacité de ces engagements à se traduire en solutions citoyennes qui renforcent les communautés, préservent les moyens de subsistance, protègent les écosystèmes et la biodiversité, promeuvent les marchés et les technologies locaux et favorisent une transition énergétique juste.

Et le temps des discours est révolu, il faut vite passer à l’action pour parer aux urgences. « L’Afrique a besoin d’un tournant et ne peut plus se permettre d’investir
dans des modèles d’agriculture industrielle défaillants qui aggravent la crise. Le moment est venu d’institutionnaliser et de financer l’agroécologie comme voie vers la résilience climatique, la souveraineté alimentaire et la justice en Afrique », ont signifié les animateurs de la conférence de presse.

En tout état de cause, ont-ils fait savoir, la société civile, les agriculteurs, les chefs religieux, les femmes et les jeunes sont prêts à demander des comptes aux gouvernements et aux partenaires mondiaux. Répondant aux journalistes, le directeur de World Animal Protection, Tennyson Williams, a indiqué que, malgré un narratif réducteur, face aux changements climatiques, l’Afrique n’a pas d’autre voie de sortie que l’agroécologie comme modèle agricole.

« Holistique, ancrée dans la culture et les savoirs endogènes, créatrice de revenus et d’emplois pour les jeunes et les femmes, protectrice des sols, des plantes, des animaux, elle est à la fois un moyen d’atténuation et d’adaptation à la crise climatique. Et tôt ou tard, elle s’imposera comme solution africaine, a-t-il conclu.

Mahamadi SEBOGO
Windmad76@gmail.com
(Depuis Addis-Abeba, Ethiopie)

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