Les forces du maréchal Khalifa Haftar ont le vent en poupe. Elles viennent d’administrer, si on en croit à leur porte-parole, Ahmed Al-Mesmari, une douche froide à l’armée nationale libyenne. Les hommes ont en effet annoncé la prise de Syrte, le 6 janvier 2020. Cette ville côtière stratégique, fief de Mouammar Kadhafi, se trouve au beau milieu de l’autoroute Ouest-Est qui traverse le pays horizontalement et au débouché de l’axe Nord-Sud qui relie le Sahara à la mer. Les troupes de Haftar ont notamment pris le contrôle de l’aéroport de Ghardabiya, après que «la force armée chargée de protéger l’aéroport s’est rendue». Cette victoire d’étape sonne comme un deuxième coup dur porté aux forces loyales du gouvernement d’union nationale après l’assiègement de la capitale Tripoli en avril 2019. L’officier septuagénaire, qui a toujours refusé de reconnaître la légitimité des institutions issues de l’accord de Skhirat, mène une bataille acharnée pour la conquête du pouvoir. Sitôt la ville de Syrte prise, le ministre de l’Intérieur du gouvernement provisoire de Hafta, basé à l’Est du pays, a nommé un directeur de la Sécurité, dans la ville. Il s’agit du général Lamine Mami. Cette rapidité à avoir la mainmise sur ce site stratégique peut s’expliquer par le fait que l’adversaire d’en-face pourrait avoir un allier de taille. En effet, la Turquie a décidé d’apporter son soutien aux forces loyales du gouvernement d’union nationale. L’Assemblée nationale turque a déjà donné son quitus au président Recep Tayyip Erdogan pour débarquer ses soldats en Libye. Il est vrai que Haftar a aussi des soutiens de taille notamment les Emirats arabes unis, la Russie, l’Egypte et la France mais la présence de troupes turques aux côtés des forces loyalistes viendrait équilibrer les forces. La question qui se pose est à savoir si les forces du maréchal pourront résister à une contre-offensive ? La bataille de Tripoli, déclenchée il y a neuf mois, semble en passe de se transformer en une nouvelle guerre en Libye. Et pour combien de temps. Cette situation n’augure guère de lendemains meilleurs dans la bande sahélienne qui paye déjà un lourd tribut de cette guerre d’invasion décrétée par des forces étrangères en 2011. Avec la déstabilisation de la Libye, les pays comme le Mali, le Niger et le Burkina Faso sont en proie aux attaques terroristes de tout acabit. La zone est devenue un véritable passoire de multiples trafics, d’armes, de drogues et de ressources minières organisés par des groupes djihadistes, terroristes, des bandits armés et autres coupeurs de routes avec la complicité de certaines puissances extérieures. La persistance de cette crise libyenne, on le sait, viendra aggraver la situation de ces nations fragiles. Il est donc temps que des clarifications soient faites sur le double jeu de certaines forces en présence.
Abdoulaye BALBONE