Zimbabwe : un pas important

C’est un pas important dans le processus de réconciliation lancé, l’année dernière, par le Président Emmerson Mnangagwa. Les autorités zimbabwéennes ont annoncé la tenue, à partir du 26 juin prochain, des audiences sur les massacres de milliers d’opposants, perpétrés entre 1983 et 1987, dans l’Ouest du pays. Ces douloureux évènements hantent encore le quotidien de nombreux Zimbabwéens, qui ont toujours réclamé justice pour les victimes. Après l’accession à l’indépendance en 1980 du Zimbabwe, ex-colonie britannique connue sous le nom de Rhodésie du Sud, le défunt chef de l’Etat, Robert Mugabé, qui fut d’abord Premier ministre, a été confronté à une forte opposition dans l’Ouest du pays.

La minorité Ndébélé était entrée en rébellion, à cause des tensions ethniques et des rivalités politiques, il fallait à tout prix éteindre ce foyer de contestations. Une unité d’élites de l’armée, la 5e brigade, avait été alors dépêchée dans le Matabeleland, pour mâter ces voix discordantes. Cette répression avait fait environ 20 000 morts, marquant la période la plus noire de l’histoire post-coloniale du Zimbabwe. Cette sombre histoire est toujours vivace dans les esprits et alimente régulièrement des tensions dans le pays, justice n’ayant pas été rendue aux disparus. Mugabé n’a jamais assumé de responsabilité dans cette affaire, si bien qu’il n’y a eu ni procès, ni réparation pour les victimes. Il a fallu attendre sa mort en 2017 et l’avènement au pouvoir de son allié loyal, Mnangagwa, pour que naisse l’espoir d’un règlement judiciaire des massacres de Matabeleland. L’annonce de la tenue des audiences sonne alors comme un soulagement pour les proches des victimes, en attendant de voir leur aboutissement.

Il faudra situer les responsabilités des meurtres et viols commis dans cette ténébreuse affaire. Tabou sous Mugabé, le sujet ne l’est plus aujourd’hui, ce qui laisse espérer un dénouement à la hauteur des attentes des proches des victimes qui sombraient dans la peur, l’amertume et la colère. Les survivants des massacres seront entendus lors des audiences. A charge pour eux d’apporter des témoignages à même de contribuer à la manifestation de la vérité attendue depuis des décennies. Au-delà des responsabilités pénales, une indemnisation financière est envisagée. Si, sa volonté d’en finir avec ce dossier qui met à mal la cohésion sociale en terre zimbabwéenne ne souffre pas de débat, Mnangagwa est-il blanc comme neige dans les massacres dans l’Ouest du pays ? Ministre de la Sécurité à l’époque des faits, l’actuel chef de l’Etat zimbabwéen a toujours nié toute responsabilité dans cette affaire, mais certains de ses compatriotes ne sont pas convaincus. Dans l’entendement de certains d’entre eux, Mnangagwa a été l’un des architectes de la répression et doit répondre de ses actes. Etant actuellement le maitre du pays, il n’est pas évident qu’il soit inquiété dans la procédure. Mais, il faut faire confiance à la justice zimbabwéenne pour rassembler toutes les preuves et les témoignages nécessaires, pour situer clairement les responsabilités d’où qu’elles viennent. Censé contribuer à apaiser les cœurs, le jugement de ces massacres ne pourrait impacter positivement le vivre-ensemble au Zimbabwe, qu’en étant mené dans les règles de l’art, sans aucune pression, ni favoritisme. Tout doit être mis en œuvre, pour ne pas en rajouter une couche à la frustration des proches et parents des victimes qui ont réclamé justice à en perdre les cordes vocales.

Kader Patrick KARANTAO

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