Le 12 novembre 2022 à Charm El Cheikh, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont lancé un rapport conjoint sur les chaînes du froid alimentaires durables. Dans cet entretien accordé au journal de tous les Burkinabè, Sidwaya, l’expert international burkinabè, consultant dans le domaine du froid pour l’ONUDI, le PNUD et le PNUE, Madi Sakandé, revient sur les conclusions de ce rapport et la place de la chaine du froid dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et le changement climatique en Afrique.
Sidwaya (S) : Selon un rapport conjoint du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les chaînes du froid alimentaires sont essentielles pour relever le défi de nourrir 2 milliards de personnes supplémentaires d’ici 2050. Comment réagissez-vous à ces conclusions du rapport ?
Madi Sakandé (M. S.) : Cela démontre que je n’ai pas prêché dans le désert ces dernières années au sein des institutions internationales. Je vous rappelle que c’est grâce à mon action de sensibilisation à l’importance du froid sur le développement durable, la faim et les changements climatiques que, pendant le MOP31 tenu à Rome en Italie en novembre 2019, la question du froid a été inscrite dans le rapport de cette réunion regroupant les 197 pays signataires du protocole de Montréal (https://ozone.unep.org/ system/files/documents/MOP-31 -9F.pdf ) à la page 28. J’aimerais qu’au-delà des rapports qu’il y ait des actions concrètes pour développer le secteur du froid en Afrique.
Comme je l’ai toujours dit, le froid est le seul moyen qui permettra à l’Afrique t’atteindre l’autosuffisance alimentaire, de créer des emplois directs et indirects pour la jeunesse, de mitiger le changement climatique, d’atteindre les objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union africaine et les ODD des Nations unies. Les dirigeants africains doivent arrêter de mendier des fonds aux Occidentaux sur la question du climat.
Si les Occidentaux ont pollué et continuent de polluer, c’est grâce au manque de vision ou/et de volonté de résoudre les problèmes à la base. Si nous continuons à produire sans conserver nos productions et aller leur demander à manger, c’est certain que leurs usines pollueuses vont produire pour nous. Selon l’ONUDI, en Afrique, 70% de la récolte est gaspillée, faute d’une chaîne du froid adéquate.
S : Concrètement, quelle est la place de la chaine du froid dans le développement des pays africains et surtout du Burkina Faso ?
M. S. : Le froid doit être la priorité des priorités en Afrique. Particulièrement au Burkina Faso. Analysez bien la situation socio-politique et socio-économique du Burkina et vous comprendrez que le froid pourrait jouer un rôle très important dans la stabilité et la paix. Le développement du froid pourrait générer beaucoup d’emplois pour la jeunesse du Sahel, car avec des abattoirs frigoriques qui valorisent le travail de l’éleveur, peu de jeunes iront se donner à ce jeu de la mort.
Les emplois créés dans le domaine de l’agro-alimentaire vont occuper tellement de jeunes qu’ils n’auront plus le temps de l’oisiveté qui conduit à tous les problèmes que nous vivons aujourd’hui en Afrique et au Burkina Faso en particulier. Voyez-vous, la faim souvent amène des gens à se prendre pour des révolutionnaires.
Il faudra résoudre tous ces problèmes à la fois. Et je vous assure qu’un programme urgent pour le développement et la vulgarisation du froid s’impose. Il faudra dans chaque pays africain une institution (ministère du froid et développement, ou institut national du froid rattaché à la Primature ou à la présidence du pays).
S : Quelle est la contribution de la chaine du froid à la lutte contre le changement climatique ?
M. S. : Le froid permet de réduire les gaspillages des ressources rares comme l’eau. Il suffit de penser comment l’agriculture ou la culture maraichère est faite au Burkina Faso. Et à la fin, on peut conserver 70% des productions. Ensuite, on importe des pays pollueurs qui font travailler leurs usines pour nous donner à manger. Certes, le ‘’manger’’ arrive dans la pollution.
Mais pas le travail qu’il faut aller chercher au péril de nos vies en Occident. Donc, avec le froid, on produit, on consomme et on travaille sans demander aux autres quoi que ce soit. Et bien sûr sans polluer car on peut utiliser les énergies renouvelables (solaire, éolienne,…) pour alimenter les machines frigorifiques.
S : Quels sont les efforts fournis par le Burkina en matière de chaine du froid ?
M. S. : Franchement, à ce que je sache, ces efforts doivent encore venir. En 2020, nous avons eu le soutien du gouvernement pour la mise en place de U-3ARC avec le siège à Ouagadougou. Par la suite, j’ai été informé qu’un département de froid devrait être créé au sein du ministère de l’Energie à l’époque. Depuis lors, silence radio. Mais j’imagine que les évènements qui se sont succédé ces deux dernières années y sont pour quelque chose. Néanmoins, la question du froid doit rester prioritaire pour tout gouvernant soucieux de la stabilité et du bien-être du peuple.
S : Que doit faire le Burkina Faso pour une promotion de ce secteur qui semble essentiel à son développement ?
M. S. : Le Burkina Faso doit urgemment mettre en place un programme (pas un projet) de développement du froid à court, moyen et long terme qui prendra en compte la formation professionnelle, la professionnalisation du métier de technicien du froid, les installations des entrepôts frigorifiques dans les milieux ruraux et lieux de productions agro-sylvo-pastorales, les formations des utilisateurs des appareils du froid, etc… Bref, un grand chantier auquel je me mets humblement à la disposition de mon cher continent et pays pour porter ma petite pierre à la construction de l’édifice de la mère patrie et du continent, berceau de l’humanité où on meurt encore de la première maladie de l’être humain : la faim !!!
Interview réalisée par Mahamadi SEBOGO
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