L’opposant nigérien, Hama Amadou, a-t-il eu le courage de prendre son destin en main ? Rentré jeudi dans son pays, après trois ans d’exil en France, l’ancien Premier ministre a répondu à la convocation de la brigade de la gendarmerie nationale de Niamey le lundi 18 novembre 2019. Accompagné de son avocat, Me Mossi Boubacar, M. Amadou a été incarcéré à la prison de Filingué, située à 180 km au Nord de Niamey. La même geôle qui l’avait accueilli durant deux mois avant son évacuation sanitaire pour l’Hexagone en 2016. Condamné la même année pour avoir participé à un trafic de bébés qui auraient été conçus au Nigeria puis amenés au Niger via le Bénin, l’ancien président de l’Assemblée nationale s’est vu obligé de rentrer au pays pour les obsèques de sa mère, décédée le 24 octobre 2019. Dès le jour de son arrivée, ses partisans avaient déjà vendu la mèche, affirmant qu’il allait se mettre à la disposition de la justice de son pays.
Sauf changement de dernière minute, il est censé rester huit mois en cellule afin de purger sa peine d’un an de condamnation ferme. Un verdict toujours contesté par ses lieutenants qui manifestent leur mécontentement depuis l’annonce de son retour en prison. Pour eux, ses déboires judiciaires ne sont ni plus, ni moins qu’une cabale politique savamment orchestrée par le pouvoir en place pour écarter un adversaire redoutable.
Ils en veulent pour preuve, les résultats de 2016, où entre les deux tours de la présidentielle, M. Amadou était arrivé deuxième sans pouvoir battre campagne en raison de son incarcération. Des voix se lèvent de plus en plus pour demander au chef de l’Etat, Issoufou Mahamadou, de lui accorder une grâce présidentielle. Cette piste n’est pas à exclure, car les deux hommes se sont entretenus le weekend dernier par téléphone. Même si le président nigérien ayant voulu présenter à son ex-compagnon politique ses condoléances, cet appel pourrait être un point de départ pour enterrer la hache de guerre. L’autre note de décrispation politique est la visite de la première Dame, Lalla Malika Issoufou, et du ministre de l’Intérieur, Mohamed Bazoum et dauphin désigné du président nigérien pour la présidentielle 2021, au domicile de Hama Amadou pour lui présenter leurs condoléances.
Si le chef de l’Etat venait à lui accorder cette faveur, cela aura le mérite de décrisper l’atmosphère politique et de rétablir le tissu de la cohésion sociale. Mais, il reste à savoir s’il sera encore possible pour M. Amadou de présenter sa candidature à la présidentielle, comme le souhaite ses partisans qui l’ont déjà désigné candidat de son parti, le Moden Fa Lumana. Selon les dispositions de l’article 8 du Code électoral nigérien révisé récemment, pour être éligible, il faut avoir un casier judiciaire vide. Cela concerne « les individus condamnés définitivement pour un délit à une peine d’emprisonnement ferme, égale ou supérieure à un an ». C’est donc dire que les dés sont jetés pour l’ex-président de l’Assemblée nationale du Niger.
Abdoualye BALBONE