Enfin la voilà, la Saint-Valentin est là et le tocsin de l’amour a sonné dans les confins des cœurs des tourtereaux de la cité des hommes intègres. Depuis le début de ce mois, Ouagadougou ressemble à un jardin de fleurs et c’est dommage pour les infortunés du grand rendez-vous. De la poésie à l’eau de rose aux proses pleines de mots survoltés de passion, la dose sera au maximum et les cœurs seront pleins à craquer. Parce que pour un Saint-Valentin, on fait le plein pour rivaliser de « malin ». Pauvre Valentin et saint de surcroît, regarde ce qu’ils ont fait de ton saint nom ! Mais pardonne-leur, ils ne savent pas vraiment aimer.
Que de « je t’aime », « mon trésor», « je t’adore » ! Que de pléthore de mots musclés de superlatifs pour servir de motifs parfois fautifs, d’engranger des paquets de cadeaux massifs, le plus souvent en contrepartie d’une partie de bourratifs sans apéritifs, suivi d’un dessert ou l’on se sert de préservatifs en guise d’additif. Voilà le cocktail explosif de toutes ces réactions épidermiques. Quel amour avons-nous célébré ce 14 février ? L’amour de façade et de mascarade qui magnifie la coquille plus que le germe ? L’amour commercial et matériel sponsorisé et financé en espèces sonnantes et trébuchantes ?
Que de baratin pour le festin de l’amour et c’est sûr que certains ne seront même pas élus au scrutin du 14 février. Des cœurs, il y en aura des morceaux dans l’air et gare à celui ou celle qui aimera à la passion aveuglée son prochain de Valentin ; il ne tardera pas à l’étouffer dans les pétrins de la déception au petit matin du lendemain, avant même que la rose se fane, patatras ! Triste ironie du sort, amour cruel, ton charme fera des victimes ce soir. Combien seront-ils à sortir par la petite porte, le cœur à moitié vide de sentiment et lourd de chagrin. Tout cela, parce que l’amour est devenu aujourd’hui un jeu de donnant-donnant, de gagnant-gagnant qui se nourrit d’espèces sonnantes et trébuchantes, sans affection véritable ni considération aucune.
Aujourd’hui, l’amour est entré dans un circuit de spéculation avec prix d’achat, prix de revient et bénéfice. On ne fait rien pour rien, dit-on souvent, comme si l’amour avait une autre fin que l’amour. Quelques illuminés mal inspirés brandiront l’argument boîteux : « on ne vit pas d’amour et d’eau fraîche ». Comme si la richesse était une panacée. Aujourd’hui, elles sont combien, ces femmes qui broient du noir dans le beurre, le cœur meurtri, l’âme avachie par la souffrance, dans un foyer plein de confort mais vide de réconfort ? Aujourd’hui, combien sont-ils ces couples riches qui vivent ensemble dans des villas cossues aux salons feutrés sans se rencontrer et qui au lit, sont obligés de se donner dos pour retrouver le sommeil ? Pourquoi finissent-ils par tomber dans la nasse des chambres de passe ? Pourquoi ça passe ou ça casse ?
Parce que leur amour a manqué de vérité, de tolérance et de partage. Parce qu’aimer aujourd’hui, c’est s’accommoder d’une personne pour ce qu’il a plus que pour ce qu’il est. C’est pourquoi, à Saint-Valentin, un gros sachet noir fumant, bien emballé sera plus expressif qu’une mignonne carte postale griffonnée de verbiages habiles, parfois utiles mais combien taxée de futiles et même de débiles. Certaines femmes d’aujourd’hui sont devenues imperméables aux compliments et poreuses aux émoluments, tandis que des hommes sans sentiment préfèrent les « enjaillement » concrets et palpables. C’est pourquoi certains passeront leur vie à faire des vols planés entres des « femelles » ou des « mâles », dans la courses au profit et aux fantasmes parfois filmés et publiés.
Rien ne sert de copier servilement et maladroitement d’ailleurs tout ce qui nous vient d’ailleurs. L’amour doit se célébrer tous les jours, dans les moments de joies et de peines, car c’est dans les épreuves que germent les preuves d’amour véritables. L’amour vrai ne se vante pas, ne se dit pas, il se vit pour la vie. L’amour vrai n’attend pas un Saint-Valentin pour se gaver de pétrin et roter de chagrin. L’amour vrai fait le plein pour toute l’année, et il roule sans frein, avec entrain. C’est ça l’amour ! Saint-Valentin nous aurait d’abord rappelés à plus de sincérité et de fidélité, à plus de pardon, de partage et de sacrifice pour l’âme-sœur.
C’est dans ce noble sens que la fête des amoureux, importée de si loin, pourra se diluer et se métisser convenablement dans nos bonnes mœurs et flirter en toute quiétude avec notre culture. Et ce, pour éviter que Saint-Valentin ne rime avec desseins malsains et libertins. Mais avant d’aller cueillir ma fleur à temps, sachez que parlant d’amour, Stendhal disait ceci : « l’amour est la seule passion qui se paie d’une monnaie qu’elle fabrique elle-même ». Chers valentins, attention à l’épine de la rose !
Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr