Des centaines de femmes adoptent, de plus en plus, des méthodes contraceptives à Koudougou, du fait de l’effectivité de la gratuité des méthodes contraceptives dans le Centre-Ouest. Bénéficiaires, prestataires de santé et acteurs communautaires louent l’initiative qui, à terme, permettra d’améliorer la prévalence contraceptive, et par ricochet, les indicateurs de la santé maternelle et infantile.
Aminata Zongo, 24 ans, est mère de 5 enfants. Après la naissance du quatrième, elle a fait une fausse couche, avant de donner vie au petit Moussa. « Je jure, c’est mon dernier. Je suis fatiguée… », confie-t-elle. Filiforme, elle est exténuée physiquement. Prétextant le manque de moyens et du qu’en-dira-t-on, son époux refuse toute contraception. Sur conseil d’une amie, Aminata se présente, tout de même, le vendredi 15 novembre 2019, au Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) du secteur 7 de Koudougou. La jeune femme est décidée à se mettre sous contraception. Après plus d’une quarantaine de minutes de counseling (entretien au cours duquel un spécialiste conseille, ou tente d’aider une personne à comprendre et à résoudre des problèmes auxquels, elle doit faire face, ndlr), elle ressort de la salle de consultation, le sourire aux lèvres.

« J’ai choisi un implant, le Norplant. La sage-femme m’a présenté toutes les méthodes à leur disposition, je pense que celle-ci me convient», explique-t-elle, décontractée. Avec un taux de réussite de 99% et une durée d’action de 3 ans, le Norplant représente à ses yeux, le contraceptif idéal. Mme Zongo espère ainsi reprendre des forces et se consacrer plus à ses enfants. Une ordonnance estampillée « Burkina Faso : gratuité des soins : patient » lui est remise pour s’approvisionner à la pharmacie à…zéro franc. En effet, le CSPS du secteur 7 offre gratuitement les soins et services de Planification familiale (PF). Il applique la phase-pilote de la stratégie de gratuité de la PF, mise en œuvre dans les régions des Cascades et du Centre-Ouest. Dans le Centre-Ouest, la mesure est effective depuis le 24 juin 2019, dans tous les districts sanitaires, informe le chef du service de la lutte contre la maladie et protection des groupes spécifiques de la direction régionale de la Santé du Centre-Ouest, Dr Romualdo Koudogbo. La gratuité couvre les frais de consultation, d’examen, de transport des malades et d’hospitalisation. Elle concerne les médicaments essentiels génériques. A la maternité du Centre médical (CM), logé au sein du District sanitaire de Koudougou, le banc disposé à l’entrée du bureau de la PF est bondé de monde. Une dizaine de femmes et de jeunes filles, carnets en main, ou bébé au dos, attendent.
Lever la barrière financière…
A l’intérieur, l’équipe de la sage-femme, Léa Yaméogo, s’entretient avec Mariam Kaboré, élève en classe de 1re D, dans un lycée de la place. La jeune fille a l’habitude d’utiliser la contraception d’urgence, encore appelée la « pilule du lendemain ». Après 3 prises consécutives depuis avril 2019, elle présente, aujourd’hui, un cycle menstruel perturbé. Elle avoue ne plus rien maîtriser, au grand désarroi de son copain étudiant, et sans emploi. Au lieu de débourser au moins 5 000 F CFA pour se procurer la pilule du lendemain, elle préfère donc recourir à une méthode contraceptive, « longue durée et discrète », pour la toute première fois. Elle attend, depuis plusieurs minutes, la consultation avec les agents de santé, avant de se décider « une fois pour toute ». Toutefois, Mariam est toute contente à l’idée de ne débourser aucun kopeck pour bénéficier d’une nouvelle méthode de contraception. « C’est une amie qui m’a parlé de la gratuité.
Le manque d’argent n’est plus une raison pour ne pas être sous contraception », soutient-elle. Pour Dr Koudogbo, l’objectif de la mise en œuvre de la gratuité des soins et services de la PF est de soulager les populations, en levant toutes les barrières (financières et géographiques) pour l’accès aux méthodes contraceptives. « C’est vrai que les méthodes contraceptives étaient déjà subventionnées de sorte que les prix ne dépassaient pas 500 FCFA, mais il y avait des femmes ou des ménages qui n’arrivaient toujours pas à avoir accès aux méthodes, faute d’argent. La gratuité vient lever cette barrière financière », explique-t-il. Et il s’ensuivra, de ce fait, à ses dires, une fréquentation accrue des centres de santé. Depuis la mise en œuvre de la gratuité, les femmes se présentent régulièrement au CSPS du secteur 7 de la cité du Cavalier rouge pour bénéficier de conseils et de soins de PF et choisir ou encore changer de méthode contraceptive. Les femmes fréquentent plus le centre depuis qu’elles ont appris que c’est gratuit, confirme Amandine Ilboudo, sage-femme à la maternité. De juillet à septembre 2019, 458 femmes ont ainsi bénéficié de soins et de services de PF au CSPS du secteur 7. Amandine Ilboudo est formelle : « l’année dernière, on n’avait pas le tiers de ce chiffre à la même période ». Plus de la moitié d’entre elles sont de nouvelles utilisatrices. C’est-à-dire qu’elles utilisent pour la première fois une méthode contraceptive, foi de la sage-femme. Au Centre médical de Koudougou, 179 patientes ont bénéficié des services de PF en novembre 2019.
L’inaccessibilité des femmes et des jeunes filles aux services de planification familiale détériore les indicateurs régionaux en matière de santé. Pour la seule année 2018, les centres de santé publique du Centre-Ouest ont enregistré 49 décès maternels, 277 décès néo-natals, 1138 mort-nés, 2830 avortements, des milliers de grossesses non désirées. En effet, les spécialistes de la santé de la mère et de l’enfant affirment que des taux de prévalence contraceptive allant de 50 à 60% pourront contribuer à la réduction de la mortalité maternelle de 30% et la réduction de la mortalité néo-natale de 20%. Aussi, les besoins non satisfaits des femmes en matière des services de la PF se situent à près de 30% dans la région, contre une moyenne nationale 19,4%. Plus de cinq mois après l’effectivité de la gratuité dans cette partie du pays, les données restent à actualiser. Le mouvement d’humeur des agents de santé semble être passé par là. Mais les prestataires et responsables administratifs en charge de la santé demeurent convaincus que la gratuité permettra de baisser les taux de mortalité infantile et maternelle et d’améliorer la prévalence contraceptive, estimée à 21% dans la région, contre 22,5% sur le plan national.
La veille continue
L’avènement de la gratuité de la PF est une volonté du gouvernement soutenue par un travail de plaidoyer de nombreuses organisations de la société civile. Parmi celles-ci, l’on peut citer Médecins du Monde France (MdM-F) et ses partenaires du groupe de plaidoyer « Stop GND », l’Association burkinabè pour le bien-être familial (ABBEF). Pour ces organisations, il y a incontestablement lieu de féliciter le président Kaboré et toute son équipe pour la clairvoyance d’une telle décision. Pour ces structures, cette stratégie permettra d’améliorer les conditions de vie des familles grâce à l’espacement des naissances et à un meilleur accès des femmes et jeunes filles à la contraception. C’est pourquoi, elles ont accompagné le ministère de la Santé pour l’élaboration de la feuille de route de la gratuité de la PF, qui se mettra progressivement en œuvre sur toute l’étendue du territoire d’ici à 2023. Nestor Lallogo est coordonnateur de l’ABBEF à Koudougou. A son avis, l’effectivité de la phase-pilote constitue en soi une victoire.
Pour M. Lallogo, nombre de personnes désirent adopter une méthode de PF, mais elles n’ont pas les moyens pour en bénéficier. L’une des raisons est le coût des produits. Avec la gratuité, ce motif ne sera plus évoqué, estime-t-il. « Que ces services soient gracieusement offerts, je pense que cela améliore systématiquement nos indicateurs », se réjouit-il. C’est un secret de Polichinelle que le coût des produits et des prestations s’est révélé être l’une des barrières non négligeables à un accès plus important à la planification des naissances au Burkina Faso. Pour preuve, les prestations gratuites offertes occasionnellement, à la faveur de la semaine nationale de la Planification familiale, entre autres, ont toujours attiré un nombre important de filles, de femmes et de couples. Au-delà de l’accessibilité économique, l’équation de l’accessibilité géographique mérite également d’être résolue.
« Demander à une dame de parcourir 20 kilomètres pour venir payer une méthode contraceptive n’est pas mauvais en soi. Mais aller lui offrir gratuitement ce service à domicile est nettement meilleur », affirme Nestor Lallogo. C’est pourquoi, les OSC invitent l’Etat à poursuivre ses efforts, afin de sécuriser et de garantir la disponibilité des produits, craignant que les poches de rupture ne freinent le processus. L’autre phénomène que redoutent, cette fois-ci les agents de santé, ce sont les retraits précoces des méthodes contraceptives. En tout état de cause, les autorités disent être en situation d’alerte. Pour une phase-pilote, elles ont eu du mal à maîtriser tous les contours. « Quand on fera le bilan, on pourra déceler les failles et les corriger », relativise le chef du service de lutte contre la maladie, Dr Romualdo Koudogbo. En attendant, les femmes et jeunes filles du Centre-Ouest sont heureuses à l’idée de jouir de leurs droits à des services de planification familiale, quand elles le désirent et gracieusement.
Djakaridia SIRIBIE
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