Procès du putsch : Les pièces « secrètes » de Jean Baptiste Ouédraogo

Au deuxième jour de son témoignage devant le tribunal militaire de Ouagadougou, l’ancien président, Jean Baptiste Ouédraogo (JBO), a été interrogé par les conseils des parties.

Dans son témoignage le lundi 11 mars devant le tribunal militaire, l’ancien président du Faso, Jean Baptiste Ouédraogo, avait évoqué trois documents qu’il détenait par devers lui. Il s’agit de l’accord secret complémentaire à la charte de la Transition, le rapport d’une commission militaire de restructuration de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) et le procès-verbal d’une réunion des représentants des Forces armées nationales sur le cabinet militaire de la Transition. A l’audience du mardi 12 mars 2019, Me Jean Degli, l’un des avocats du principal accusé, le général Gilbert Diendéré, a demandé que ces pièces soient versées au dossier.

Face à cette requête, le parquet a souhaité que le tribunal examine préalablement le caractère militaire ou secret des documents avant d’autoriser leur communication aux parties. Pendant que les conseils de la partie civile veulent les découvrir en présence du témoin, la défense y tient comme des pièces capitales.
A la reprise du procès dans l’après-midi, le tribunal a accepté que les documents du témoin soient versés au dossier et demandé à chaque partie de se prononcer là-dessus. Me Degli de la défense a estimé que vu le nombre des pièces fournies, il lui était difficile de les commenter sur-le-champ et qu’il le ferait en temps opportun.

Son confrère, Me Dieudonné Bonkoungou, lui, a déjà décelé du « faux » dans la pièce relative à l’accord complémentaire. Toute chose qui a intrigué les avocats des parties civiles. Me Farama dit ne pas comprendre pourquoi la défense du général Diendéré veut remettre ses commentaires sur les documents à plus tard alors que c’est elle qui en a demandé la production. Il aurait souhaité que des observations soient faites et que des questions soient posées au témoin, d’autant plus que celui-ci était en fin d’audition.

L’avocat a aussi recommandé à ce que le tribunal ne soit pas transformé en conférence souveraine où on parle de réconciliation nationale. « Depuis quand, en droit, un procès prépare à une réconciliation nationale ? », s’est interrogé Me Farama. Des propos qui ont fait dire à l’accusé Moussa Nébié alias Rambo que les carottes sont déjà cuites pour lui. Le ministère public n’a pas eu d’observations particulières sur les pièces, seulement il a indiqué qu’il se prononcera sur leur contenu au moment venu.

« Les lignes étaient figées »

Dans la matinée, au cours des débats, avant cette affaire de documents, Me Farama de la partie civile a noté que confronté au témoignage de l’ancien président, l’accusé Gilbert Diendéré, cerveau présumé du putsch de 2015, n’est plus catégorique comme il l’était à la phase d’audition des prévenus. Il fait désormais montre de versatilité. L’avocat a considéré les refus de l’officier de réagir à certains aspects des déclarations du témoin comme une adhésion ou un acquiescement. Il a ajouté qu’au lieu de faire la médiation comme demandée par la troupe du RSP pour sortir d’une énième crise, le principal accusé a demandé l’accompagnement de la hiérarchie. « De ce fait, il est le concepteur du coup de force », a conclu Me Farama.

Pour sa part, son confrère Me Guy Hervé Kam a voulu en savoir davantage sur les rédacteurs de la déclaration du Conseil national pour la démocratie (CND). En réponse, pendant que le capitaine Oussène Zoumbri a dit n’y avoir pas participé, le capitaine Abdoulaye Dao a référé Me Kam à sa déposition à la barre.
L’avocat en a déduit que le silence des accusés fait passer l’objet des questions pour avérées. Mais Me Olivier Yelkouni de la défense ne l’a pas entendu de cette oreille, sollicitant à son confrère d’indiquer la disposition légale qui le prévoit.

Le sujet d’échange entre Me Kam et l’ancien président a été la rencontre entre les quatre personnalités désignées par la Commission de réflexion et d’aide à la décision (CRAD) et la troupe RSP. « Les lignes étaient figées, rien ne bougeait. On a demandé s’il s’agissait d’un putsch. Un de la troupe a dit oui. J’ai repris que si c’est une prise d’otage, il y aura des sanctions mais moins graves que s’il s’agit d’un putsch avec son corollaire de contestations internes et externes. Le militaire a argué : On vous a suivi deux fois et on a perdu. Cette fois-ci, nous tenons. N’insistez pas », a expliqué Jean Baptiste Ouédraogo.

Au sujet d’une réunion qui devait avoir lieu à l’ambassade des USA dans l’après-midi du 29 septembre 2015, le médecin commandant a expliqué n’en avoir pas été informé. « S’il y en avait eu je ne vois pas ce que je ferais là-bas. L’ambassade n’est pas le lieu pour traiter de la situation d’alors », a confié l’ancien président qui, aux derniers moments avant la reddition de l’ex-RSP, a œuvré à la sécurité du général avec la sollicitude de l’ambassadeur américain Tulinabo Mushingui et de la Nonciature qui a accueilli « le réfugié ». Le témoin a fait savoir à Me Awa Sawadogo que Gilbert Diendéré ne lui a jamais proposé de prendre le pouvoir alors vacant et qu’il ne l’a jamais imaginé, encore moins proposé au présumé cerveau du putsch de prendre le pouvoir.

Quant à Me Pierre Yanogo, conseil de la partie civile, il a opiné que la CRAD élargie à Mgr Paul Ouédraogo et l’ancien président du Faso n’a voulu que le bien de Diendéré s’ils se sont efforcés de le convaincre d’abandonner son aventure. Mais en retour, a signifié l’avocat, l’accusé a demandé l’inculpation de certains membres de cette commission. Du côté de la défense, Me Latif Dabo, a fait observer que le témoin fait de l’analyse, ce qui n’est pas de son rôle à savoir dire ce qu’il a vu, vécu ou entendu. Par ailleurs, Me Yelkouni a signifié que son client, Diendéré, ne répondait plus aux questions parce que certaines parties sont venues au procès avec des thèses et quand celles-ci ne sont pas vérifiées, elles sont agaçantes.

Avant de quitter la barre, l’ancien président a laissé entendre que l’exercice l’a édifié et souhaité que le procès se termine bien. Quant au général Diendéré, il l’a remercié pour ses documents et ses propos qui cadrent avec sa déposition.

Jean Philibert SOME
& Mady KABRE

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