Suite à l’état d’urgence décrété par le gouvernement burkinabè dans certaines régions du pays pour faire face à l’insécurité et au terrorisme, l’avocat, Me Ambroise Farama, estime que la mesure est un moyen efficace pour freiner les exactions des forces du mal.
Le gouvernement dans sa nouvelle politique de lutte anti-terroriste, a soumis à l’Assemblée nationale, le mardi 8 janvier 2019, un projet de loi portant prorogation de l’état d’urgence. Mais qu’en est-il de l’état d’urgence ? A cette question, maître Ambroise Farama a indiqué qu’en droit, l’état d’urgence est défini comme un régime juridique restrictif des libertés publiques.
Il peut, selon lui, être appliqué par une loi sur toute l’étendue du territoire national et est caractérisé par l’augmentation des pouvoirs de police des autorités civiles. « Il s’agit donc de restreindre un certain nombre de libertés des citoyens et en même temps accroitre les pouvoirs de police des autorités civiles », a expliqué M Farama. Le juriste précise qu’il s’agit certes d’une mesure restrictive des libertés mais qui est conforme à la loi. Selon Me Farama, au Burkina Faso, c’est la loi N°014 du 31 mai 1959 qui a prévu le régime juridique de l’état d’urgence.
En vertu de cette loi, l’état d’urgence peut être décrété par le chef de l’Etat lorsqu’il y a péril imminent résultant d’une atteinte grave à l’ordre public, ou en cas d’évènements présentant des caractères de calamité publique. Ainsi, s’il y a des évènements de nature à saper la sureté de l’Etat, le chef de l’Etat est dans son rôle. « Dans le cas précis, c’est la montée en puissance du terrorisme et les multiples menaces graves portant atteinte à l’intégrité du territoire qui ont amené le chef de l’Etat à prendre cette décision », a justifié le jeune avocat.
Pour lui, les circonstances actuelles justifient amplement l’option du gouvernement. « La mesure est juridiquement bien fondée et elle est politiquement opportune. Seulement, elle est un peu venue en retard », a-t-il souligné. Mieux, Ambroise Farama a précisé que la loi prévoit en pareilles circonstances, que le décret du président du Faso n’aille pas au-delà de 12 jours.
Si tel sera le cas, l’Assemblée nationale doit donner son autorisation pour la prorogation de la mesure. Pour Me Farama, étant donné que la mesure vise à muscler les prérogatives des autorités civiles, elle renforce les pouvoirs des ministres de l’administration territoriale, de la sécurité ainsi que ceux des gouverneurs. Ainsi, un certain nombre d’actes leurs sont autorisés comme par exemple, l’interdiction de la circulation des personnes et des véhicules dans des lieux précis et à des heures précises.
En fonction de l’urgence, le juriste a déclaré que ces autorités peuvent juste informer leur hiérarchie et prendre des dispositions nécessaires. Elles peuvent aussi autoriser des perquisitions dans des domiciles à n’importe quelle heure et même sans mandat, ce qui n’est pas le cas habituellement. « On recherche ici la rapidité dans l’action. Avec cette mesure les autorités peuvent ordonner la remise d’armes de personnes qui ont le permis de port d’arme au regard de la menace.
Elles peuvent également interdire des publications qui font l’apologie du terrorisme », a-t-il dit. Au niveau actuel de la menace, l’homme de droit pense qu’on a plus besoin d’une décision de justice pour certaines interdictions mais qu’elles peuvent s’opérer sous le contrôle des autorités locales.
En rappel, l’état d’urgence est à différencier de l’état de siège qui se veut un régime de restriction des libertés pouvant être appliquées par décret sur l’ensemble du territoire en cas de menace étrangère ou d’insurrection. « Dans ce cas, on accroit les pouvoirs ordinaires des autorités de police (usage d’arme à feu, de guerre (…) ce qui n’est pas le cas dans l’état d’urgence », a-t-il nuancé. Aussi l’état d’urgence, selon Me Farama n’est pas un régime d’exception car dans le régime d’exception, aucune règle de droit n’est appliquée et la Constitution est foulée aux pieds.
Wanlé Gérard COULIBALY