Le récent conclave des ministres chargés de l’Economie de l’espace UEMOA qui s’est caractérisé par un ostracisme vis-à-vis des pays de l’AES prouve si besoin en était encore, que lesdits pays se trouvent plus que jamais confrontés à la question nodale, centrale et cruciale qui doit être résolue pour pérenniser le processus souverainiste entrepris depuis quelques années pour le bonheur de leurs peuples. C’est en effet la question monétaire, mère de toutes les batailles qui était en débat entre ceux qui veulent maintenir le statu quo ante et ceux qui rêvent d’une déconnexion totale avec le centre impérialiste qui empêche toute perspective de développement.
Dans leur configuration monétaire actuelle, nos pays perpétuent le développement inégal, différenciant les centres du capitalisme où l’appareil de production s’est développé et où le prolétariat peut accéder au statut de classe moyenne consommatrice et leurs périphéries où sont produites ou extraites les matières premières transformées chez eux. Le prolétariat ne pouvant accéder à l’autonomie financière, devient de ce fait en alliance avec la petite bourgeoisie réactionnaire et le lumpenprolétariat inculte des instruments de déstabilisation permanent et de remise en cause des politiques et programmes mis en œuvre, fussent-ils salvateurs pour eux. C’est ainsi que nombre de processus révolutionnaires populaires au départ ont été dynamités de l’intérieur du fait de cette dépendance aliénante.
Notre sous-développement n’est pas dû à une spécificité donnée (sociale, culturelle ou géographique) mais, il est le produit du rapport de forces avec les pays du centre et des structures comme la CEDEAO et l’UEMOA permettant l’accumulation des richesses à leur profit. Le caractère usé de ces schémas de réflexion et de développement n’étant plus à démontrer, il faut donc se recentrer sur l’essentiel en résolvant la question de la monnaie. Il faut faire preuve de flexibilité stratégique afin de maîtriser le changement à venir plutôt que de le subir. Une monnaie AES, adossée à un panier de monnaies internationales permettrait de contenir puis de résoudre les turbulences économiques prévisibles. Ce n’est donc pas la mer à boire comme le spéculent déjà avec une jubilation morbide les esclaves de salon, mais une réaffirmation plus forte de notre indépendance à travers son parachèvement définitif, étant entendu qu’un Etat qui ne jouit pas de souveraineté monétaire n’en est pas un. En tous les cas, nos dirigeants n’ont pas le choix, car en se soumettant au diktat du grand capital par le biais de ses relais locaux, ils se mettraient de facto et de jure sur la voie de la démission. Il est minuit, camarades présidents !
Boubakar SY