Par Mark Suzman, PDG de la Fondation Bill & Melinda Gates
Cette semaine, nous avons appris que le vaccin contre la COVID-19 développé par l’Université d’Oxford et AstraZeneca ne semble pas avoir d’effets significatifs contre l’infection légère ou modérée par le variant du virus, B.1.351, identifié pour la première fois en Afrique du Sud.
Cette nouvelle est profondément décevante. La frustration et l’anxiété s’installent partout dans le monde pendant que la pandémie continue de perturber nos vies. En Afrique du Sud, où vivent beaucoup de membres de ma famille, et dans d’autres pays où les variants se répandent, les populations attendent que la science, porteuse d’espoir, sauve des vies.
Le monde entier est aux prises avec une situation compliquée et délicate. Nous ne savons toujours pas, par exemple, si ce vaccin pourrait protéger contre une infection grave ou mortelle causée par le variant et ainsi éviter les hospitalisations et les besoins d’oxygène, en rupture de stock dans certains pays. Pour faire face à ces difficultés et à d’autres problèmes, nous aurons besoin d’informations complémentaires. L’Organisation mondiale de la santé et les autorités sanitaires nationales détermineront l’efficacité potentielle de ce vaccin pour la santé publique en Afrique du Sud et dans d’autres pays et décideront du lieu et de la manière dont le vaccin sera administré.
Même si nous nous sentons tous déstabilisés dans ce tourbillon de problèmes, nous ne devons pas perdre de vue l’objectif principal. Dans la recherche, chaque résultat compte. Sans le travail des chercheurs en Afrique du Sud qui ont pu identifier rapidement le variant et l’intégrer à cet essai clinique, le monde ne connaîtrait pas encore l’efficacité du vaccin sur ce variant. Ces scientifiques de renommée mondiale ont fait d’importantes découvertes qui permettront aux gouvernements d’intervenir de façon plus ciblée et de prendre des décisions importantes sur le déploiement du vaccin pour mieux protéger leurs populations. Ainsi, une version de ce vaccin est en cours de déploiement en Inde, où le variant B.1.351 n’a pas encore été détecté. Alors que nous faisons face à toutes ces difficultés, le vaccin reste un outil précieux pour lutter contre la COVID-19 dans d’autres parties du monde.
Dernièrement, nous nous sommes tous réjouis des bonnes nouvelles concernant la recherche sur le vaccin. En l’espace de 10 mois seulement, nous sommes passés de l’émergence d’une nouvelle maladie infectieuse mortelle à la mise au point de plusieurs vaccins sûrs et efficaces ; jamais dans son histoire, l’homme n’a identifié un virus et développé son vaccin en si peu de temps. Il y a seulement quatre mois, nous n’étions pas sûrs de l’efficacité d’un quelconque vaccin. Plusieurs autres vaccins sont en phase finale d’essais cliniques, notamment ceux mis aux point par Johnson & Johnson et Novavax. Nous sommes sur la bonne voie pour offrir une protection contre la COVID-19 aux populations du monde entier. Il faudra du temps pour que les doses de ces vaccins soient disponibles, une fois les approbations réglementaires obtenues et l’intensification de la fabrication atteinte, mais elles le seront.
En tant que fondation philanthropique, nous continuerons à faire notre part pour maintenir le rythme. Grâce à nos partenariats de longue date, nous travaillons avec des gouvernements, des organisations multilatérales et des entreprises privées pour déterminer la façon de réagir aux dernières données. Conformément à nos engagements de financement de plus de 1,75 milliard de dollars, nous continuerons de contribuer à l’accélération de la mise au point et de la distribution de vaccins efficaces contre les variants et optimisés pour les pays à faible et moyen revenu. Nous allons également réaliser de nouveaux investissements dans les traitements et les diagnostics, car il faut accélérer la recherche et la mise au point de ces outils importants à mesure que de nouveaux variants apparaissent.
Bien que la situation reste difficile, elle n’est pas catastrophique. En 2020, nous avons beaucoup appris sur les mesures qui fonctionnent pour contrôler ce virus, et les leçons que nous avons tirées sont de plus en plus appliquées pour permettre une réponse encore plus agile et efficace en 2021.
Une pandémie ne connaît pas de frontières. Laisser la moitié du monde sans accès aux vaccins se traduira par plus de souffrance et plus de morts, aussi bien sur le territoire national qu’à l’étranger. Comme l’ont récemment écrit Bill et Melinda dans leur lettre annuelle, nous luttons contre l’inégalité de l’immunité, une injustice néfaste sur le plan moral, économique et sanitaire. Si nous voulons contrer ce virus, le monde doit prendre en compte les communautés vulnérables et les professionnels de la santé en les vaccinant le plus rapidement possible, peu importe où ils vivent.
Pour lutter contre un problème qui touche le monde entier, il faut une action mondiale. Plusieurs nations et organisations ont déployé leurs efforts pour créer, financer et promouvoir des dispositifs de coopération internationaux afin de favoriser un accès équitable aux vaccins contre la COVID-19. COVAX reste de loin la plus grande et la plus importante initiative multilatérale qui peut relever ce défi, mais seulement si elle reçoit d’urgence des fonds qui lui permettront de soutenir le déploiement de suffisamment de vaccins pour contrer le virus. Malheureusement, la fabrication et l’approvisionnement au niveau mondial n’ont pas reçu assez de fonds tandis qu’une guerre d’appels d’offres pour les doses met les pays les plus pauvres sur la touche. Les pays qui souhaitent, à juste titre, renforcer leurs propres réseaux de santé et leurs systèmes de distribution de vaccins devraient également augmenter le financement pour COVAX et s’abstenir de conclure des accords bilatéraux qui excluent d’autres pays et retardent la possibilité d’une reprise de l’économie mondiale.
Si cette crise de la COVID-19 nous a appris quelque chose au cours de l’année qui vient de s’écouler, c’est que nous sommes tous dans le même bateau. Il se peut que des variants continuent de voir le jour et mettent tout le monde en danger. Nous ne pouvons pas vaincre cette pandémie si toutes les personnes, peu importe où elles se trouvent, ne peuvent pas se faire vacciner.