Tshisekedi face à son destin

Lorsqu’un voleur s’introduit par effraction chez vous pour vous dépouiller et que vous vous évertuez à discuter avec lui, il finit par vous demander le gîte et le couvert ainsi que votre « matrone » en sus. Par ailleurs et comme le dit le dicton, « ce que tu n’as pas défendu par les armes, ne te sera guère donné par les larmes ».

Rapporter à la situation de la République démocratique du Congo (RDC), cela revient à dire qu’aucune négociation encore moins des accords de paix ne résoudront durablement la guerre dans le Kivu et les régions environnantes (Maniema et Ituri) en raison des énormes intérêts économiques et géostratégiques en jeu. En effet, ces provinces sont devenues dans l’esprit des Rwandais un « continuum naturel » pour déverser leur trop-plein de populations, au regard de l’exiguïté du pays de Paul Kagamé dont la taille équivaut à celle de la région des Hauts-Bassins, à peu de choses près. Passons outre les énormes intérêts économiques en jeu qui sont connus de tous pour nous référer à l’histoire, voire à la protohistoire pour dire que la question de la terre a toujours divisé populations nilotiques et bantoues dès l’aube de l’humanité dans ces contrées bénies par la nature mais « maudites » par la faute des hommes qui y habitent. Dès l’origine donc, les Nilotiques essentiellement pasteurs ont préféré rester sur les hauts plateaux du Nil riches en pâturages, refoulant les Bantous dans les plaines pour s’adonner à l’agriculture et à un élevage résiduel ou plus précisément de « consommation ».

Avec le temps, la croissance démographique et les actes prédateurs des humains, la
question de l’espace vital s’est vite invitée dans les débats avec des guerres « tribales » qui entraînaient exactions et ratonades de part et d’autre avec des cicatrices indélébiles dans la mémoire de chaque peuple. Le fait colonial et le tracé fantaisiste des frontières a exacerbé cet état de fait, avec des micro-Etats comme le Rwanda et le Burundi « accrochés » aux flancs de la géante RDC ce qui posait à terme l’inévitable question de la terre et de ses
implications dans les relations entre les Etats respectifs.

Au vu de l’histoire politique du Congo « émasculé » par l’assassinat de Patrice Lumumba et victime de deux tentatives de sécession au Katanga d’abord avec Moïse Tshombé qui a été président de la « République katangaise » de 1960 à 1963, puis avec le « général » Nathanaël Mbumba, supplétif des Portugais dont l’aventure a été stoppée en 1978 par l’intervention combinée des troupes marocaines et de la Légion étrangère française, on savait que le pays était désarticulé sur le plan militaire. Surtout que Mobutu avait réduit les forces de défense à leur simple expression pour pérenniser son règne.

On a vu comment Kabila père a traversé tout le pays sans grande résistance pour ramasser le pouvoir à Kinshasa, et, son « clone », le général Corneille Nanga n’a de cesse de dire qu’il fera pareillement très prochainement, adossé qu’il est, à la puissance de feu de ses alliés rwandais et de ses parrains occidentaux qui appellent à une paix fourrée pour mieux perpétuer leur emprise sur ce pays continent.
Tshisekedi qui n’est pas né de la dernière pluie et qui a été « biberonné » par les thèses lumumbistes de son défunt père Etienne, le sait mieux que quiconque. S’il s’échine à courir de sommets infructueux en réunions stériles, c’est qu’il n’a pas encore les moyens de sa politique et surtout du fait qu’il craint de se faire « kabiliser » comme Mzee Laurent Désiré Kabila pour nationalisme trop poussé.

Pour autant et comme l’avait clamé l’Almamy Samory Touré, encerclé par les scélérates troupes coloniales, « bori bana ». Entendez la fuite est terminée. Il lui faudra dans un temps très court faire face à son destin en se donnant les moyens militaires nécessaires pour faire face à cette guerre impérialiste ou se soumettre au diktat millénaire que subi son pays et trahir ainsi la mémoire de Lumumba, du Mzee Kabila et de son défunt père. Loin du confort douillet de Kinshasa et de ses délices, il doit lui-même monté au front en nouant
des alliances stratégiques à même de lui permettre de redonner au Congo sa gloire passée. Son voyage express aux bords du Djoliba au Mali où des dignes patriotes ont engagé le même combat est peut-être un signe qu’il a pris toute la mesure de la guerre de haute intensité à laquelle son pays sera bientôt confronté. Ce n’est pas faire preuve de pessimisme ostentatoire que de l’affirmer, car, la libération du Congo Kinshasa ne se fera qu’au prix d’énormes sacrifices. Une épreuve qui se terminera autour d’une table de négociation où le respect et la considération seront cette fois de mise.

Il y a un temps pour tout disait l’Ecclésiaste, et, le temps de la guerre de libération nationale a sonné au Congo Kinshasa si du moins, Félix veut mériter de son père Etienne. Pour l’heure, l’équation congolaise reste posée et à résoudre. Surgissement d’une problématique …

Boubakar SY

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