Tunisie : rien n’est encore perdu !

Les nuages politiques en Tunisie sont loin de se dissiper. En effet, cette semaine, le feuilleton pour la constitution d’un nouveau gouvernement a encore connu un rebondissement. Alors que les tractations se poursuivent pour la formation d’une équipe gouvernementale, le principal parti parlementaire, Ennahdha, a décidé de tourner le dos au processus en cours. Le parti islamiste ne veut pas que ses membres fassent partie de l’équipe du Premier ministre, Elyes Fakhfakh. Mieux, il a décidé de ne pas donner son approbation à la liste des membres de l’exécutif qui sera soumis au vote des députés, le vendredi 21 février 2020. Cette motion de censure est perçue comme une véritable douche froide pour le nouveau président tunisien, Kaïs Saïed, élu en octobre 2019. Sa réaction ne s’est pas fait attendre. Il a menacé de dissoudre le Parlement à partir du 15 mars, au cas où un consensus ne sera pas trouvé.

Le bras de fer entre le pouvoir en place et le parti islamiste s’annonce donc rude, puisque Ennahdha ne s’est pas remis de sa déconvenue à la suite du refus, le 10 janvier 2019, par les députés tunisiens d’accorder leur confiance au gouvernement proposé par le candidat du parti d’inspiration islamiste, Habib Jemli. Au terme d’une longue journée de débats et de négociations, seuls 72 députés sur 219 ont approuvé le gouvernement, très loin de la majorité requise de 109 voix. Il s’agit donc pour le parti majoritaire à l’Assemblée de renvoyer l’ascenseur à son adversaire. Mais le président tunisien, un universitaire averti en droit, estime qu’une motion de censure ne serait pas constitutionnelle contre un gouvernement simplement chargé des affaires courantes.

Cette situation laisse présager qu’en plus de la bataille politique, la piste judiciaire n’est pas à exclure. La Tunisie se trouve ainsi dans une situation politique d’autant plus délicate, que les députés, déchirés par des luttes de pouvoir, n’ont toujours pas formé de Cour constitutionnelle chargée de trancher les interprétations de la loi fondamentale. Une telle tournure ne fera que compliquer la tâche. Il est vrai que le président Saied a appelé chacun à prendre ses responsabilités à ce « stade historique crucial et difficile », mais ce cri du cœur sera-t-il entendu ? On le saura au soir du 21 février, si la liste des 29 ministres annoncée samedi dernier, avec 15 présentés comme indépendants et 6 membres d’Ennahdha, trouve l’assentiment des élus du peuple tunisien. Espérons que la Tunisie saura se tirer de cette impasse, car elle demeure l’un des pays touchés par les soubresauts dans le monde arabe en 2011, à poursuivre sur la voie de la démocratisation. Avec plus de volonté politique dénuée de tous les calculs politiciens, rien n’est encore perdu.

Abdoulaye BALBONE

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