Le Premier ministre, Dr Albert Ouédraogo, a présenté, hier lundi 4 avril 2022 à l’Assemblée nationale, la feuille de route de la Transition, dans un contexte de dégradation continue de la situation sécuritaire. Les attaques terroristes s’éternisent, avec leur lot de dégâts humains et matériels.
Les chiffres officiels affichent environ 2 000 morts, de nombreux blessés et 1 800 000 déplacés internes, depuis le début de la crise sécuritaire en 2015. Dans le seul mois de janvier 2022, le Burkina Faso a enregistré 160 000 nouveaux déplacés, selon des données fournies par quatre ONG, notamment le Conseil norvégien pour les réfugiés, Action contre la faim, Médecins du monde France et OXFAM.
C’est la deuxième plus forte hausse de nouveaux déplacés internes, pour un seul mois, depuis le début de la crise sécuritaire en 2015. 3 683 établissements scolaires sont fermés, soit 14,71% des structures éducatives du pays, d’après un récent bilan du ministère en charge de l’éducation nationale. Plus d’une centaine de centres de santé sont fermés. Plusieurs édifices publics ont été saccagés ou incendiés à travers le pays, privant de nombreux administrés de certains services administratifs.
Le Burkina Faso vit une crise sécuritaire et humanitaire sans précédent et cherche par tous les voies et moyens à voir le bout du tunnel. Malheureusement, le pays n’est pas encore parvenu à prendre le dessus sur l’ennemi. Le Premier ministre est revenu sur ce sombre tableau, tout en tirant les conséquences de la lutte contre le terrorisme en terre burkinabè. « La persistance des actes barbares témoigne de la portée limitée de nos actions de lutte contre ce fléau. En particulier, elle résulte d’un certain nombre d’insuffisances, dont le faible maillage sécuritaire du territoire, le problème d’équipements et de moyens logistiques », a dit le chef du gouvernement.
Dr Ouédraogo a la pleine mesure de la situation et c’est de bonne guerre, puisque la mission première du gouvernement de Transition est la lutte contre le terrorisme et la restauration de l’intégrité du territoire. Les Burkinabè, qui ont du mal à reconnaitre leur paisible pays d’antan, attendent impatiemment des actions vigoureuses contre les terroristes. Au point que certains d’entre eux ont commencé à douter, à tort ou à raison, de la capacité des nouveaux tenants du pouvoir à juguler la crise sécuritaire. Mais le Premier ministre a rassuré que des actions sont en cours pour changer la donne.
Il a évoqué une réorganisation du dispositif de sécurité nationale, dans la perspective de reconquérir les localités tombées aux mains des djihadistes. Toute chose qui devrait faciliter le retour des déplacés internes, autre équation à résoudre. Dans la même dynamique, le gouvernement de Transition entend renforcer l’efficacité de l’action militaire sur le terrain et travailler à améliorer la collaboration entre les Forces de défense et de sécurité (FDS), les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) et les populations.
Il projette également diversifier les partenariats en matière de coopération militaire. Cette décision doit certainement plaire à nombre de citoyens, qui appellent les nouveaux dirigeants à se tourner vers d’autres pays en plus de la France. Comme précédemment annoncé par le chef de l’Etat, le Premier ministre a réaffirmé la création de comités locaux de dialogue pour la restauration de la paix. Ces entités, a-t-il rappelé, visent à créer les conditions de l’engagement de tous en faveur d’un retour des compatriotes en rupture de dialogue avec la Nation.
Le Premier ministre a appelé, à ce propos, « les enfants de ce pays qui ont pris les armes contre la mère patrie, à les déposer et à revenir pour que nous puissions poursuivre ensemble, la construction de notre maison commune ». L’exécutif souhaite clairement ramener les « enfants égarés » de la république à la raison. Faut-il y voir, au-delà, une intention de discuter avec les terroristes ? Si on ne peut pas l’affirmer formellement, il faut voir un changement d’approche qui va livrer ses secrets dans les mois à venir.
Après tout, une certaine moralité condamne les négociations avec les terroristes, fussent-ils modérés ou radicaux, mais il faut une dose de réalisme. Si des discussions avec les groupes armés qui attaquent, de jour comme de nuit, le Burkina peuvent être concluantes, des concessions valent la peine.
La paix, dit-on, n’a pas de prix. Les opérations militaires seules et les experts du domaine en conviennent, ne peuvent pas permettre de venir à bout du terrorisme. Il ne faut pas se voiler la face. Dans un contexte où le terrorisme s’est infiltré au cœur de la société burkinabè, l’option de négocier ne peut être totalement écartée. Tous les moyens doivent être explorés, pourvu que la quiétude revienne dans le pays.
Kader Patrick KARANTAO