3 janvier 1966 : Retour sur un événement hautement historique

Poussés à bout, les Burkinabè se sont exprimés avec véhémence dans la rue.

Le 3 janvier 1966, la Haute Volta, actuel Burkina Faso, a connu son premier soulèvement populaire qui a emporté le Père de l’indépendance du pays des Hommes intègres. Retour sur une situation qui n’est rien d’autre que l’explosion d’un concentré de frustrations.

Le premier président de la Haute Volta, Maurice Yaméogo, a pris des mesures impopulaires.

A l’issue d’une élection avec un score fleuve de 99,97% de Maurice Yaméogo, en 1965, le premier président du Burkina, ancienne Haute Volta, connaît une vague de grèves.  Des manifestations consécutives à des mesures drastiques du gouvernement pour faire face aux difficultés économiques de l’époque, conséquence de la « mauvaise gestion » du pouvoir.

Maurice Yaméogo avait, en effet, mis en place des mesures restrictives et d’austérité que les Burkinabè avaient du mal à accepter. Il s’agit, entre autres, du blocage des avancements des fonctionnaires pendant deux ans,  de la réduction des allocations familiales, de l’abattement des salaires de 20%. Il avait également interdit les réunions syndicales et le droit de grève.

Les subventions aux écoles privées avaient été supprimées. Mais en dépit de cette situation nationale très difficile, le président s’offrait des vacances au Brésil où il était allé célébrer son deuxième mariage avec « Miss Côte d’Ivoire », Nathalie Monaco. En plus de cela, il lui était reproché de bafouer l’autorité des chefs religieux, imposant même des élections pour tous ceux qui étaient inscrits sur la liste électorale (présidentielle) pour choisir le nouveau chef traditionnel. En outre, ces derniers, sous son régime, n’avaient pas le droit de porter des signes indiquant leur statut.

Les syndicats, la chefferie traditionnelle, les fonctionnaires ne pouvant pas accepter de telles mesures, ont donc battu le pavé pour manifester leur mécontentement et demander la démission du gouvernement. Malgré quelques résistances, Maurice Yaméogo va finir par céder à la mobilisation de plus de 40.000 personnes, parmi lesquelles le Pr Joseph Ki Zerbo.

Maurice Yaméogo, acculé à son palais, demande au colonel Aboubacar Sangoulé Lamizana, le médiateur entre les manifestants et son gouvernement, d’assurer l’intérim, en démissionnant dans la foulée. Il avait commis l’erreur de minimiser le préavis de grève des syndicats, quelques jours plus tôt.

Après 14 ans de pouvoir, Lamizana organise des élections qu’il remporte de justesse face à Joseph Conombo. C’est la première fois également qu’il y avait ballottage dans une élection en Afrique noire.

Poussés à bout, les Burkinabè se sont exprimés avec véhémence dans la rue.

La première fois donc qu’un peuple a su prendre son destin en main pour dire « non » à un pouvoir avec un changement de régime sans effusion de sang. Et à ce propos, une certaine version affirme que Maurice Yaméogo aurait ordonné à l’armée de tirer sur la foule. Mais selon les confidences de Aboubacar Sangoulé Lamizana dans l’émission « Archives d’Afrique » consacrée au premier président du Burkina Faso, le président Yaméogo n’a jamais donné cet ordre. Il a aussi reconnu lui-même qu’il ne pouvait rien contre la foule et a préféré démissionner.

De leur côté, les syndicats se félicitaient car estimant avoir montré que par leur solidarité et sans armes, ils pouvaient mettre fin à un régime. Une voie unanimement jugée préférable aux rebellions et aux coups d’Etat que connaissent nombre de pays africains.

La rédaction

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