A chacun sa part de vérité !

La dédicace du livre de l’ancien président de la Haute-Volta (aujourd’hui Burkina Faso), Jean-Baptiste Ouédraogo (JBO), intitulé « Ma part de vérité », le samedi dernier, défraie la chronique et enflamme les réseaux sociaux. Cette volée de bois vert, loin d’être justifiée, est, somme toute, compréhensible au regard de la passion et de l’admiration que continue de susciter, le capitaine Thomas Sankara, plus de 30 ans après son assassinat. La simple évocation des « pages sombres » du leader de la révolution du 4-Août 1983 a suffi à l’auteur du livre, pour s’attirer les foudres des nombreux fans de « Thom Sank ». En effet, depuis la tragédie du 15 octobre 1987, les nombreux ouvrages et témoignages publiés sur l’homme ont, pour la grande majorité, mis en exergue ses qualités.

« Sankara, le révolutionnaire », « L’homme intègre», « Le président des pauvres », « Le défenseur des laisser-pour-compte », etc. La liste des qualificatifs élogieux sur Thomas Sankara est longue … Que dire des réalisations ou des politiques audacieuses sous son impulsion ? Là encore, les exemples ne manquent pas et peuvent être multipliés à souhait. Le livre «Ma part de vérité » a toutefois, faut-il l’admettre, le mérite d’avoir osé sortir des sentiers battus. Des ratés, et des erreurs, la révolution en a commis. En révolutionnaire éclairé, Thomas Sankara a été le premier à admettre ces erreurs et à envisager une « pause », c’est-à-dire une « rectification ». Il a malheureusement été pris au mot par ses contempteurs. La révolution d’Août 83 a connu, comme tout processus révolutionnaire, des hauts et des bas. Nul ne peut le contester. Cependant, en Afrique, il est de coutume que l’on ne s’attarde pas sur les méfaits des personnes qui ne sont plus de ce monde. Mais cette règle n’est pas absolue en réalité. Chaque Burkinabè est libre de dire sa « part de vérité ».

C’est en cela que la démarche de JBO trouve toute sa justification. Il dit vouloir restituer une vérité, la sienne, sur une page de l’histoire du Burkina Faso. Ayons le courage de lui concéder. Son initiative, dans le fond comme dans la forme, ne pose donc pas problème pourvue qu’elle s’inscrive dans l’objectivité dénuée de toute passion et de vengeance. Plusieurs mois avant les événements du 15 octobre 87, des analystes avaient pressenti que la coalition des trois formations politiques à savoir l’Organisation militaire révolutionnaire (OMR), l’Union des luttes communistes reconstruites (ULC-R) et le Parti africain de l’indépendance (PAI) constituait un cocktail Molotov. En quatre ans d’expérience, le pire a fini par arriver. La révolution a « mangé » ses propres enfants. Que s’est-il réellement passé ? Mystère et boule de gomme. Le peuple burkinabè, en particulier sa frange jeune, a le droit de connaitre la vérité sur son passé. Beaucoup de choses sont dites sur Thomas Sankara par plusieurs personnes mais peu évoquent les sujets qui fâchent. Une chose est sûre et c’est la plus dramatique : de nombreux individus s’identifient fallacieusement à Thom Sank, mais sont incapables d’incarner le tiers des valeurs qu’il a défendues jusqu’au sacrifice suprême.

Au final, il est aujourd’hui difficile à la jeunesse burkinabè, voire africaine, de savoir qui est exactement le père de la révolution du 4-Août 83. Des libéraux, des socio-démocrates et des adeptes de bien d’autres idéologies se réclament, à tort et à travers, de la doctrine sankariste. Des personnes soupçonnées de corruption et qui trainent des casseroles font de la cause du sankarisme un fonds de commerce, semant ainsi une confusion totale au sein de l’opinion nationale. Ils sont nombreux ceux-là qui se revendiquent de l’idéal sankariste et dînent, le soir, avec les bourreaux d’hier de Sankara. De telles contradictions méritent d’être relevées. Un livre de plus sur l’histoire du Conseil national de la révolution (CNR) n’est jamais de trop pourvu qu’il soit objectif. Libres donc à ceux qui ont été opprimés sous le CNR ou qui ont bénéficié de ses largesses de s’ouvrir afin d’édifier la jeune génération ! Certains, à l’image de Valère Somé, l’idéologue supposé du CNR ne sont plus de ce monde, mais d’autres animateurs et non des moindres issus des trois formations politiques à savoir l’OMR, l’ULC et le PAI sont toujours en vie et peuvent encore donner leur « part de vérité ». Vivement qu’ils aient le courage d’écrire ces pages de notre histoire, pour nous apprendre davantage.

Abdoulaye BALBONE

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