La loi de finance rectificative pour l’exécution du budget de l’Etat exercice 2025 a prévu une taxe sur les parcelles non mises en valeur dont le montant varie de 750 à 1000 F CFA par mètre carré, selon la zone. Le vendredi 5 septembre 2025, le ministre de l’Economie et des Finances, Aboubakar Nacanabo, a, au cours du journal de la télévision nationale, donné des éclairages sur cette nouvelle disposition.
Une taxe de 750 à 1000 F CFA par mètre carré est désormais instituée sur les parcelles non mises en valeur au Burkina. Quelles sont les raisons qui ont motivé l’instauration de cette taxe ?
C’est dans le cadre de la loi de finance rectificative pour l’exécution du budget de l’Etat exercice 2025 et cette loi de finance rectificative a prévu plusieurs mesures fiscales dont des mesures fiscales de faveur parmi lesquelles, nous pouvons citer l’exonération des aliments poissons de la TVA pour accompagner bien sûr la pisciculture dans le cadre de l’offensive agro-pastorale et halieutique. Egalement, il y a une diminution de la retenue à la source pour les transporteurs en ce qui concerne les transporteurs ou les activités qui vont au-delà du territoire national. Parce qu’en principe, le taux de la retenue est de 20% mais nous avons procédé à une réduction du taux à 10% pour faire en sorte que le coût de transport n’impacte pas négativement de façon générale le coût de production des différents biens.
Et cela peut également avoir un impact positif sur la cherté de la vie. En plus de cela, d’autres mesures ont été prévues et qui sont considérées comme des mesures de faveur, notamment l’exonération de tout ce qui est jus des fruits et légumes à partir des légumes et fruits produits au Burkina de la taxe sur les boissons. Donc, celles-ci sont des mesures de faveur. Il y a également la taxe additionnelle sur les parcelles non mises en valeur. L’Etat s’est engagé aujourd’hui dans une politique d’assainissement du foncier. Comme vous le savez, le foncier constitue l’un des gros problèmes que nous avons à gérer. Depuis 2023 plusieurs actions ont été mises en oeuvre parmi lesquelles nous pouvons citer la mise en place d’une plateforme numérique pour la délivrance de titres et également la rélecture de la réorganisation agraire foncière qui est une loi qui régit tout ce qui est foncier.
Cette rélecture a déjà été validée en Conseil des ministres et doit passer à l’Assemblée
legislative de transition (ALT). Le constat qui a été fait aussi, c’est que quand on prend nos villes, nous avons beaucoup de parcelles non mises en valeur.
Alors que les personnes continuent toujours de demander des lotissements pour avoir des parcelles d’habitation. Ce qui est en train de se passer, c’est qu’on est en train d’étendre la ville pour arriver à un niveau où il va être très difficile que nous puissions réserver des parcelles aux générations futures.
Pourtant le camarade président du Faso a toujours insisté sur la nécessité de faire en sorte que dans tout ce que nous faisons aujourd’hui que nous n’oublions pas les générations futures. Donc, il a été dans un premier temps procédé à un contrôle des parcelles sur le site de Ouaga 2000. Le contrôle de ces parcelles a permis de constater qu’il y a un grand nombre de parcelles qui n’ont pas été mises en valeur. Parmi ces parcelles, il y a même des parcelles pour lesquelles, il y avait un cahier de charges défini par la SONATUR qui devrait effectivement permettre de construire selon des normes spécifiées.
Malheureusement, beaucoup d’acquéreurs ont pris ces parcelles et ne les ont pas mises en valeur. Au-delà du site de Ouaga 2000, sur tout le territoire, vous avez des lotissements qui ont été réalisés depuis plusieurs dizaines d’années et il y a toujours des parcelles non mises en valeur.
Pour faire face à cela, nous avons essayé de voir quel est le dispositif actuel. Le dispositif actuel prévoit que si vous avez été attributaire d’une parcelle, après cinq années, si vous n’avez pas mis la parcelle en valeur, on doit procéder au retrait. L’exemple de Ouaga 2000 nous a montré que si on doit aller tout de suite au retrait, il y aura un retrait massif des parcelles.
On peut dire que cette taxe vient comme une seconde chance qu’on donne aux propriétaires des parcelles qui n’ont pas pu les mettre en valeur. Au lieu qu’on aille directement au retrait, on ne vous rétire pas la parcelle mais, à partir du moment où vous êtes allé au-delà du délai de mise en valeur qui est de 5 ans, vous devez payer une taxe annuelle. Voici un peu les éléments de contexte pour dire que cette taxe vient comme une seconde chance qui a été donnée pour ne pas retirer tout de suite les parcelles.
Il est également dit que cette taxe sera revue à la hausse de 20% chaque année. Pourquoi cette augmentation alors que certains Burkinabè trouvent déjà cette taxe assez salée ?
L’objectif de l’Etat n’est pas de collecter les taxes. L’objectif, c’est de faire en sorte que les gens n’aillent pas spéculer sur les parcelles. L’idée c’est que toutes les parcelles non mises en valeur puissent être mises en valeur. Donc, si on augmente la taxe de 20%, c’est pour que les gens ne se disent pas comme il y a une taxe chaque année, je paie la taxe et je garde la parcelle non mise en valeur. Ce n’est pas ce qu’on recherche. Ce qu’on recherche c’est que la parcelle soit mise en valeur.
L’augmentation de 20%, c’est vraiment pour dissuader de sorte à ce que les gens comprennent que si on prend une parcelle, l’objectif c’est de la mettre en valeur suivant bien sûr les normes qui ont été définies au moment où la parcelle a été attribuée.
Cette taxe constitue quand même une recette pour le budget de l’Etat.
Que va gagner l’Etat en appliquant cette taxe ?
Nous n’avons pas fait une évaluation en recherchant ce que l’Etat va gagner parce que si on recherche dans ce sens, c’est comme si on va sur le postulat que toutes les parcelles non mises en valeur actuellement ne seront pas mises en valeur. Nous estimons qu’en instituant cette taxe les gens vont être incités à les mettre en valeur. Et, certains qui ont également acquis plusieurs parcelles pour spéculer seront obligés de les vendre.
Et naturellement, quand il y a beaucoup de parcelles qui sont mises en vente sur le marché, cela va entraîner la baisse des prix et permettre justement à des
personnes qui veulent acheter des parcelles pour mettre en valeur
de pouvoir le faire. Vraiment, l’objectif c’est d’inciter à la mise en valeur des parcelles et également de faire en sorte qu’il y ait une baisse des coûts des parcelles en vente.
Certains pensent que cette taxe vient pénaliser les Burkinabè qui n’ont pas les moyens de mettre en valeur leurs parcelles. Qu’est-ce que vous en dites ?
Il s’agit ici de se dire que s’il n’y avait pas la taxe, on devait retirer toutes les parcelles qui n’ont pas été mises en valeur selon la loi actuelle. Mais, nous avons estimé qu’aller à un retrait massif peut être préjudiciable. C’est vrai, payer une taxe cela fait des sommes qu’on va débourser. Nous le comprenons bien. Mais, pour nous, cette mesure devait être considérée comme une mesure de faveur dans la mesure où si on n’appliquait pas la taxe, il faut retirer. Il est vrai que la disposition concernant le retrait n’a pas toujours été appliquée, mais étant donné que nous sommes aujourd’hui dans une politique d’assainissement du foncier, nous sommes obligés d’appliquer tous les textes pour que le foncier ne constitue pas un boulet au pied de l’Etat.
Quand est-ce que cette taxe va rentrer en vigueur ?
Déjà, il faut que je précise que la taxe, comme toute taxe prévoit des exonérations. Nous n’avons pas dit que c’est toutes les parcelles qui vont être retirées tout de suite. Il y a des exonérations qui ont été prévues. Premièrement, quand on prend des situations où il y a des conflits avérés sur les parcelles, des conflits portés à la connaissance de l’administration ou devant les juridictions, ces parcelles ne vont pas être concernées par la taxe étant donné qu’il y a une situation qui est connue.
Deuxièmement, il y a des cas où vous avez votre parcelle, vous avez un projet de construction, vous avez un dossier que vous avez déposé pour avoir une autorisation de construire et vous n’avez pas encore obtenu l’autorisation. Dans ce cas, on prévoit un sursis d’un an de plus. Ce qui permet à la personne de pouvoir poursuivre le dossier de l’autorisation de construire avant donc de commencer la construction. Il en est de même pour les projets pour lesquels vous avez un dossier de financement avec une notification du financement faite par une banque.
Là également, nous donnons un sursis d’un an de plus. Nous avons également prévu une exonération pour les personnes indigentes qui disposent d’un certificat d’indigence délivré par l’autorité compétente. Et on a aussi des cas où on peut avoir des
héritiers qui sont mineurs et qui, naturellement, ne peuvent pas avoir les ressources pour mettre en valeur la parcelle. Ces héritiers mineurs sont également exonérés de cette taxe dans la mesure où il faut les accompagner jusqu’à la majorité.
Le terme « parcelle non mise en valeur » pose problème pour certains. Cela renvoie à quoi
concrètement ?
Il y a bien sûr des textes qui définissent ce qu’on appelle « parcelle non mise en valeur ». Mais, je voudrais peut-être préciser qu’il y a deux catégories.
Il y a des cas où, au moment de l’aménagement, il y a un cahier de charges qui prévoit les conditions de mise en valeur. C’est par exemple le cas des parcelles de la SONATUR. Quand vous achetez dans une zone donnée, il y a un cahier de charges qui est prévu. Donc, la mise en valeur dans ce cas doit être faite selon le cahier de charges. Mais, en dehors de cela, en tout cas de façon générale, là où il n’y a pas de cahier de charges, il y a un texte qui prévoit que la mise en valeur, c’est construire une maison, plus des toilettes, plus une clôture pour rendre la maison habitable. Une fois que la maison est rendue habitable, on considère qu’elle est mise en valeur.
Souvent, le fonctionnaire va prendre un prêt de 5 ans ou plus pour pouvoir acheter une parcelle. Est-ce que cette taxe-là ne vient même pas pénaliser cette catégorie de fonctionnaires, de travailleurs de la fonction publique ?
Non. Au contraire, cette taxe ne vient pas pénaliser. Comme je l’ai dit, l’objectif, c’est d’assainir le foncier et de se dire qu’on doit faire en sorte que les gens ne spéculent pas sur les parcelles et empêcher d’autres personnes d’en avoir. Vous avez aujourd’hui des gens qui ont des dizaines de parcelles, qui n’ont pas mis en valeur et qui ont acheté ces parcelles juste pour attendre des opportunités pour les vendre à des prix élevés.
Alors que vous avez aussi des gens qui recherchent des ressources pour acheter des
parcelles, qui ne peuvent pas. Vous pouvez constater aujourd’hui que dans la sous-région, le Burkina est l’un des pays où les parcelles coûtent excessivement cher. Cela est dû essentiellement à la spéculation. Si, on arrive à maîtriser la spéculation, effectivement, nous pouvons aboutir à des parcelles à des coûts acceptables. Et je pense que cela va être bénéfique pour l’ensemble de la population.
Nous espérons avoir posé toutes les questions que le Burkinabè se pose. Est-ce que vous avez un message à leur endroit ?
Le message, c’est pour dire que l’objectif de l’Etat, c’est véritablement de faire en sorte que le foncier ne puisse pas être un objet de spéculation, que également le droit à l’habitat, qui est bien sûr un droit reconnu aussi, puisse être pris en compte. Vous savez que parallèlement à toutes ces initiatives, il y a également une politique de logement social qui est prévue, à part le ministère en charge de l’habitat.
Et aujourd’hui, l’idée, c’est d’aller à une densification pour ne pas occuper trop d’espaces, de sorte à ce que les gens puissent avoir accès à l’habitation et qu’on puisse aussi réserver une partie de notre espace non seulement pour l’agriculture mais également pour les générations futures, pour qu’aujourd’hui, on ne s’accapare pas tout, et demain, on aura des enfants qui ne sauront pas où rentrer. Nous pensons que toute la population doit se mobiliser pour accompagner cette loi. Naturellement, dans la mise en œuvre, s’il y a des difficultés, l’Etat verra quelles sont les dispositions à prendre pour faire en sorte que la taxe ne soit pas un élément qui viendra remettre en cause le droit à l’habitation de la population.
Interview retranscrite
par la Rédaction