Le 20 août 2020, des partis politiques ont accouché d’un
« organe » dit accord politique de l’opposition, en vue de s’unir pour battre le candidat de la majorité à la présidentielle de novembre prochain en cas de second tour (ce serait une première depuis la mise en ballotage de Sangoulé Lamizana en 1978).
En somme, c’est tous contre un ou un « tout sauf Roch », le président sortant et candidat à sa propre succession, aux allures d’un mariage de la carpe et du lapin. Les Burkinabè, qui adorent les sigles, se souviendront que notre histoire récente a connu un OBU (Opposition burkinabè unie) qui a éclaté à la figure de ses géniteurs en 2005…, puis un autre APO (Accord politique de Ouagadougou en 2007), qui devait sortir de l’ornière les frères ivoiriens mais qui a eu le mérite de ne faire croire que ceux qui pensent que des Hommes politiques peuvent, d’une signature, taire leurs divergences. Les Burkinabè, eux, souhaitent longue vie à un accord où les antagonismes sont de notoriété. Des désaccords, pas seulement idéologiques, n’ont pas grand sens sous nos cieux, mais ceux interpersonnels se révèleront au grand jour. Les « je t’aime, moi non plus » foisonnent comme le nombre de partis membres. Normal donc que chaque entité rêve de cette place, la deuxième, qui verra ralliés à sa cause, les 21 autres partis. Les signataires de l’accord politique dans un code de 36 articles articulés autour de 14 chapitres ont fait le tour
« théorique » de toutes les possibilités. L’article 11 est assez explicite : « Dans le cas où deux candidats signataires du présent accord arrivent au second tour de l’élection présidentielle, chaque partie à l’accord est libre de soutenir le candidat de son choix. » Ça commence déjà dans le texte ! Une liberté qui, de toutes les façons, se ressentira tout au long des processus, quand rien, réellement rien, ne constitue le socle que de voir partir le président en exercice. Drôle quand même de programme ! Si au soir du 22 novembre, le coup KO, prôné par la majorité autour de la candidature de Roch Marc Christian Kaboré se réalise, quelle sera la réaction citoyenne vis-à-vis de l’accord politique? En attendant cette date, il nous vient à l’esprit ce portrait
« robot » du président idéal à la présidence du Faso, dressé par un des trois baobabs. « Un homme pétri d’expériences, qui a un carnet d’adresses bien fourni et surtout qui a un vécu à la fois dans la Fonction publique nationale et internationale, et dans la Fonction privée nationale et internationale. Un homme qui n’apprendra pas à organiser le Conseil des ministres puisqu’il aura été dans le gouvernement ». Un regard dans la forêt des baobabs et le Sahel des arbustes, met bien entendu en pôle position, donc exclut les deux autres en ne regardant même pas du côté des arbustes. Laissant plus l’impression à un regroupement au rôle bien précis, favorable à un candidat qui, « seul », remplit toutes les conditions et qui tentera de surfer sur les autres. Si la règle du jeu en amont prend cette dimension, l’accord politique de l’opposition n’est pas loin d’un autre accord : l’OBU. Si la hiérarchie adhère, la masse des militants aura certainement une difficulté à accepter travailler pour quelqu’un d’autre avec qui, hier, les divergences étaient franches. Mais, nous sommes en politique, tout est possible, même le regroupement autour de trois baobabs, de dix-neuf arbustes, avec cette réalité quasi mathématique que la force d’une chaîne est égale à la force de son maillon le plus faible. C’est bien là que se trouve la faiblesse de ce regroupement. Les uns feront le job pour les autres avec cette bagarre, in fine, autour du partage des postes au cas où le rêve se concrétise. Pour le reste, le programme n’est pas forcément différent d’un programme normal dans un pays où se sont ajoutées à l’ambiance politique nationale, l’insécurité et la santé, deux problématiques ultra nationales pour lesquelles une profession de foi ne suffit pas forcément pour solutionner un acte.
Cette coalition procède néanmoins d’une analyse réaliste de l’échec des oppositions politiques, en général, sous nos cieux. Elle ne règle pas pour autant le handicap majeur qui est la carence organisationnelle (faible structuration). La question des moyens mise à part, ils ne sont effectivement pas nombreux à chercher ou à disposer d’une organisation complète. Ils sont rares à avoir des militants de base au-delà des figures des cadres. Ils ne sont pas nombreux à miser préalablement sur une assise nationale (élections municipales et législatives) avant de se jeter dans la bataille pour la présidentielle pour laquelle, il faudrait bien plus qu’un regroupement.
Par Mahamadi TIEGNA
mahamaditiegna@yahoo.fr