Ayons le courage d’aimer ce pays !

Il y a des moments où l’on se demande en toute intimité, le rôle que l’on pourrait jouer pour les autres, dans sa famille, dans sa communauté ou dans la rue, pour son pays. Parce qu’on ne peut vivre que pour soi. Parfois, avant d’exiger des autres ce que l’on attend d’eux de droit, on se sent interpellé par le devoir qui titille la conscience, par le bon sens qui réajuste la conduite. Souvent, au-delà de ce qui nous revient de droit, au-delà même de ce que la loi nous confère, de nos privilèges, de nos fonctions et autres zones de confort, nous avons envie de sortir des sentiers battus, de dépasser nos limites de complaisance pour poser des actes de convenance qui honorent et grandissent. Un bon plombier ou un bon maçon, c’est celui qui, au-delà de la tâche à exécuter, fait bien son travail avec le souci de satisfaire le bénéficiaire.

C’est pourquoi, il utilisera le bon matériau qui arrête la fuite d’eau ou les bons fers à béton en respectant le dosage de ciment qu’il faut pour éviter le pire. Il en est de même pour l’agent public soucieux de la satisfaction des usagers, ponctuel au service, disponible et prêt à servir et à être utile même pendant sa pause, même quand il s’apprête à descendre. Un médecin ou une infirmière qui sait qu’il est l’heure de rentrer, qui vient d’ôter sa blouse et ses gants mais qui les enfile de nouveau pour écouter ou soulager la douleur des deux derniers malades qui attendaient depuis devant la porte. Bref, les exemples sont légions pour dire que le travail bien fait n’est pas l’apanage du plus grand ou du plus petit. Le travail bien fait n’est pas lié au plus élevé des diplômés, au plus intelligent ou au plus fort.

Le travail bien fait repose sur la volonté, la volonté d’être utile et serviable. Au-delà de la déontologie, le travail révèle notre sens de l’éthique, nos valeurs et nos principes.Mais au moment où certains cherchent à s’élever par le travail, il y en a qui s’ébattent dans la fange de la bassesse. Au service de l’argent et des faveurs indus, l’impénitent agent fera du premier usager, le dernier de la file et du dernier le premier, si celui-ci « sait bien parler français » ou sait mettre la main à la poche. Pendant ce temps, l’entrepreneur véreux chichotera à l’oreille du « commis intègre » avant de tendre la main sous la table d’un marché qui fait des heureux gagnants à hauteur de 10%. Le même entrepreneur fera de la retenue sur le ciment et le fer pour faire de son chantier un château de cartes qui s’écroule au moindre souffle sur des vies de bas devis, sans préavis. Le grand commerçant et fidèle croyant de surcroît créera intentionnellement la pénurie pour ouvrir les portes de la surenchère au mois de jeûne ou de carême ou en situation de crise pour faire de bonnes affaires dans l’enfer du profit à tout prix et par-dessus les cris de dépit des survivants grugés. Y a-t-il une bénédiction dans la compromission ?

Il paraît que l’argent n’a pas d’odeur, mais qu’est-ce qui le rend si sale aux yeux de la pudeur et de l’honneur ? Il y en a qui ont tant aimé ce pays qu’ils s’en sont appropriés au point de se le partager jusqu’à la lisière des cimetières parfois délogés. Rien ne sert de crier au sacrilège quand c’est un privilège. L’accaparement des terres est une discipline presqu’olympique. Malheureusement, c’est cette même terre qui enterre les hommes forts de la terre sans qu’ils n’emportent un seul mètre carré de butin de leur pré carré de vanité. Nous sommes en guerre, mais il y en a qui ont fait de cette guerre le deal du siècle de leur vie d’éphéméride en volant trop près du brasier de leur propre rôti. C’est ainsi qu’un Burkinabè vendra du carburant à l’ennemie de la patrie pour brûler son pays au nom de l’égoïsme national. Taisons la tragédie du bredouille combattant qui voit sa sueur arrosé sans pudeur les saillies d’une hiérarchie avachie par la crise des valeurs. L’impérialisme, ce n’est pas forcément le mastodonte qui gesticule au loin. C’est aussi le bourgeois des temps durs qui perçoit un salaire de jackpot et bénéficie des avantages légaux, mais légitimement incorrects, pendant que ses concitoyens s’asphyxient en serrant une ceinture sans trou. L’impérialisme, c’est toute cette horde de casseroles qui résonnent dans les rapports à problèmes et finit par se taire dans le silence coupable d’une République laxiste par amnésie. Des fois, ils lèvent le lièvre, juste pour le voir courir !

Dans un pays où le respect d’un simple feu tricolore relève de gageure, pourquoi s’en prendre au frivole maraudeur public qui ne fait que se servir pour mieux servir ? Pourquoi en vouloir à l’arriviste imbu de pouvoir qui cherche coûte que coûte la gloire même au prix du déboire ? Sur quelle citoyenneté repose la Nation, si le Burkinabè lambda n’est pas capable de s’accroupir pour arracher la mauvaise herbe qui pousse devant sa porte ? De quel patriotisme nous nous vantons si nous ne sommes pas capables d’aller au charbon tant qu’il n’est pas fin ? Et que pouvons-nous attendre de mieux des autres que nous critiquons de ne rien faire de bon, alors que nous-mêmes, nous ne faisons que critiquer sans rien proposer ? Il n’y a pas de patriotisme dans l’immobilisme des positions tranchées ; il n’y a point de patriotisme dans le manichéisme spectaculaire et tragique. Pour le Faso, l’heure doit être à l’action pour la patrie, malgré les divergences, au-delà
des accointances politiques et corporatistes, ayons le courage d’aimer ce pays.

Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr

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