Le Parlement béninois a adopté le 1er novembre 2019, la révision constitutionnelle censée contribuer à apaiser les cœurs des Béninois. La nouvelle Loi fondamentale prévoit qu’un président ne pourra pas faire « plus de deux mandats dans sa vie ». Cette disposition vient préciser l’ancienne formulation qui évoquait un mandat renouvelable une fois. La loi adoptée, à l’unanimité par les 83 députés de l’Assemblée, limite aussi à trois, le nombre de mandats législatifs. Initialement, aucune limitation n’était prévue pour les parlementaires. Autre innovation prévue par la réforme, le poste de vice-président.
Ce dernier sera élu en duo avec le président de la République à la majorité absolue des suffrages lors d’un scrutin à deux tours. Cette révision constitutionnelle, faut-il le souligner, fait partie des 18 recommandations issues du dialogue politique tenu en mi-octobre 2019. Des élections générales anticipées en 2020 ou 2021, précédées du toilettage de la charte des partis politiques et du Code électoral, la libération de certains prisonniers impliqués dans la crise électorale d’avril 2019, l’abandon des poursuites contre certaines personnalités sont autant de mesures qui seront prises pour tenter de désamorcer la crise politique béninoise.
Ce premier pas des députés est-il un signal fort vers une réconciliation de la classe politique ? L’on se souvient que depuis la douche froide de l’opposition écartée des scrutins lors des législatives passées, plus rien n’allait entre les deux camps. Cette loi votée par l’Assemblée nationale monocolore, jugée à la solde du président béninois, Patrice Talon, pourrait donner plus de chance à une sortie de crise. Il faut donc plus d’engagement des deux côtés. Malheureusement, la proposition de sortie de crise du gouvernement ne semble pas convaincre la partie adverse. Elle qui envisage une nouvelle manifestation pour protester contre la révision constitutionnelle.
Le parti des Forces Cauris pour un Bénin émergent (FCBE) de l’ancien président Boni Yayi (2006-2016), actuellement en exil, a fustigé la révision, la jugeant « précipitée et unilatérale ». La main tendue du gouvernement ne doit pas se transformer en un piège politique. En Afrique, les révisions sont souvent faites à dessein dans le but de réserver un chèque en blanc au président en exercice. La simple évocation de la non-rétroactivité de la loi dans ce cas de figure a souvent suffi pour certains présidents assoiffés du pouvoir de se maintenir en poste. L’opposition politique burkinabè a une expérience amère de cette stratégie utilisée par l’ex-président Blaise Compaoré pour se représenter en 2005 alors qu’il venait de boucler deux mandats de 7 ans. C’est peut être cette supercherie que l’opposition béninoise a perçue en campant sur sa position. C’est-à-dire annuler les législatives du 28 avril 2019. Etant entendu que cette revendication a été en partie prise en compte par les conclusions du dialogue politique à travers l’organisation des élections générales anticipées, pourquoi ne pas envisager prioritairement cette piste? Cela aura le mérite de détendre l’atmosphère politique très longtemps crispée.
Abdoulaye BALBONE