Auteur-compositeur-interprète, l’artiste musicien Bil Aka Kora prépare la sortie de son sixième album, après « Vessaba » en 2014. Dans cette interview accordée à Sidwaya, il donne, entre autres, les raisons de cette longue absence sur le marché du disque, et dresse également l’état des lieux de la musique burkinabè.
Sidwaya (S): Votre dernier album «Vessaba » date de 2014. Qu’est-ce qui explique cette absence de cinq ans du « Roi du Djongo » sur le marché du disque ?
Bil Aka Kora (B.A.K.) : Je prends en général beaucoup de temps avant de sortir un album. Je n’aime pas me répéter. Au bout de cinq ou six albums, il faut prendre du temps pour bien réfléchir, voir l’orientation que l’on veut donner à un nouvel album. Pour ma prochaine œuvre, j’ai fait recours à d’autres types d’arrangements, et d’inspirations. Nous sommes à la phase de finition.
S : Quelle est la date de sortie de ce sixième opus ?
B. A. K. : C’est pour très bientôt. Je garde le suspense (rires). Ce sixième album est le tout-premier que je coproduis avec Shamar Empire. La direction musicale a été confiée à Fabrice Devienne, un pianiste français de jazz. En fait, je ne trahis pas mes premières amours. Les mélomanes auront l’occasion de le constater sur cette nouvelle œuvre. Il y aura néanmoins quelques changements.
S : L’afro pop sur fond Djongo, votre style musical, sera-t-il donc absent de ce sixième
album ?
B. A. K. : Cela fait plus de vingt ans que je crée des chansons. Je ne sortirai pas de là, mais ce sera quelque chose qui correspond et à mon âge physique et à mon expérience musicale.
S : « Djongo Diffusion », « Vin Djongo », Bil Aka Kora est-il à la fois artiste-musicien et homme d’affaires ?
B. A. K. : (Rires). Je ne suis pas un homme d’affaires. Je perçois simplement des royalties avec le vin Djongo. C’est le résultat d’une collaboration entre Biyen Beli (patron du « Paradis des meilleurs vins », ndlr) et moi. Je ne m’occupe ni de la gestion ni de la distribution ou la vente du vin Djongo. Quant à Djongo Diffusion, elle est une structure qui excelle dans la production, la diffusion et dans l’évènementiel. C’est dans ce cadre que nous pilotons régulièrement la direction artistique de certains évènements. Nous nous sommes mis à jour, nous payons régulièrement nos impôts, et nous soumissionnons des marchés même au niveau international. Pour moi, faire des concerts c’est faire déjà des affaires. Négocier un bon cachet, c’est une affaire. Notre spécialité porte essentiellement sur l’encadrement des artistes, les répétitions, la direction artistique, etc.
S : Acteur de l’industrie culturelle et créative burkinabè, vous semblez pourtant être à l’écart du showbiz. Pourquoi ?
B. A. K. : Je suis d’un naturel calme. Je ne suis pas une personne bavarde. Hormis mes proches, je suis réservé avec mes autres interlocuteurs. En réalité, je privilégie toujours l’action à la parole. Le showbiz, comme vous le savez, est un milieu assez bouillonnant. Je préfère me tenir à l’écart des guéguerres. Pour moi, le combat est ailleurs.
S : Vous êtes également coach vocal. Quel est, selon vous, le point faible des artistes-chanteurs burkinabè en général ?
B. A. K. : Je ne peux pas faire ressortir, en un claquement de doigt, les faiblesses de la musique burkinabè. Cela suppose que j’écoute, au préalable, tous les artistes burkinabè. C’est une tâche gigantesque. Une chose est sûre, au Burkina Faso, nous n’avons pas une culture de chant comme c’est le cas dans certains pays côtiers où il y a la chorale à l’église ou à la cérémonie traditionnelle. Le chant, en tant que tel, n’est pas dans la culture burkinabè.
S : Le chant est pourtant présent dans de nombreuses cérémonies traditionnelles de nos différentes ethnies…
B. A. K. : Oui. Mais, les chants en chœur, ou les harmonies n’existent pratiquement pas. En tout cas de mon point de vue. Il n’y a pas un réel travail vocal. Quels qu’en soient le talent, la voix, la respiration, ou l’émission de la voix se travaillent. Et c’est ce qui fait cruellement défaut à plusieurs chanteurs.
S : Comment parvenir à inscrire un jour la musique burkinabè au panthéon de l’industrie musicale africaine, voire mondiale ?
B. A. K. : La musique burkinabè sort déjà. Quand je prends l’exemple de quelques artistes, notamment traditionnels, les balafonistes, les djémbéfola, ils tournent énormément. A l’étranger, notre musique est visible à travers un certain nombre d’artistes musiciens, tels Wendlaviim Zabsonré, Koto Brawa, Seydou Rasanga, Désiré Somé, etc. Il y a également Gabin, un Burkinabè en Italie qui tourne partout dans le monde. En Autriche, notre compatriote Mamadou Diabaté est l’un des rares artistes noirs à avoir sa photo, exposée dans le musée à côté de celle de Beethoven. Malheureusement, des chaines de télé telle Trace TV sont devenues le baromètre de la musique. Quelles musiques, joue-t-on sur ces chaînes ? Tout ce qui est musique dansante, urbaine et qui s’adresse à une frange dont l’âge varie entre 15 et 25 ans. Sinon, notre pays regorge de véritables musiciens pratiquants, et talentueux qui arrivent à s’affirmer sur le plan international.
Interview réalisée par
W. Aubin NANA