Commentaire/France-Rwanda : la paix des braves

Pour un exercice périlleux, c’en était un. Le chef de l’Etat français, Emmanuel Macron, s’est rendu, hier jeudi 27 mai 2021 à Kigali au Rwanda. « En me tenant, avec humilité et respect, à vos côtés, je viens reconnaître nos responsabilités », a-t-il dit, tout en affirmant que la France n’avait pas été complice du génocide au Rwanda. Après le discours solennel de son homologue français au mémorial de Gisozi, le président rwandais, Paul Kagamé, était visiblement apaisé. « Ces mots ont eu plus de valeur que des excuses, c’était la vérité », a-t-il déclaré. A défaut des excuses comme le réclamaient tant de Rwandais, Macron a au moins reconnu l’évidence : la responsabilité française dans le génocide du pays des mille collines en 1994 qui a fait 250 000 morts chez les Tutsi.

Après toutes ces années de divergences entre les deux pays, on retient ainsi la volonté des deux chefs d’Etat de se tourner maintenant vers l’avenir, avec comme points d’orgue, la relance de leur coopération bilatérale, le retour de l’Agence française de développement au Rwanda, la réouverture d’un centre culturel francophone, la coopération judiciaire entre les deux Etats pour poursuivre les génocidaires encore en fuite et la nomination prochaine d’un ambassadeur de France au Rwanda, un poste vacant depuis six ans. La visite du président français au Rwanda se présente donc comme l’ultime étape de la « normalisation » des relations empoisonnées entre Paris et Kigali, engagée ces dernières années. Plusieurs chefs d’Etat français ont tenté, par le passé, de les apaiser, sans grand succès.

Certes, en 2010, Nicolas Sarkozy a reconnu des « erreurs politiques » et une « forme d’aveuglement de la France » au Rwanda, mais Paul Kagamé n’entendait pas les choses de cette oreille, dénonçant dans la foulée, le « rôle direct de la France dans la préparation du génocide » et même « sa participation à son exécution ». Le réchauffement aura véritablement débuté en octobre 2018, avec le soutien de taille, dont Kigali a bénéficié de Paris, dans la candidature de Louise Mushikiwabo, alors ministre rwandaise des Affaires étrangères, à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Dans un travail de fourmi, l’Hexagone a construit la termitière pour déboucher sur le rapport de la commission Duclert qui conclura en 2020, à des responsabilités lourdes et accablantes de Paris. A coup sûr, le séjour de Macron à Kigali signe donc une paix des braves, permettant désormais aux deux pays de bâtir leur coopération sur des bases nouvelles, dans un contexte où l’Afrique est devenue, ces dernières années, le centre d’intérêt des grandes puissances mondiales.

Jean-Marie TOE

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