COVID-19 : « Il n’y aura pas un impact sur la production minière, si l’épidémie est circonscrite», Toussaint Bamouni, de la Chambre des mines

Pour le directeur exécutif de la Chambre des mines du Burkina Faso, Toussaint Bamouni, la contribution des sociétés minières aux recettes de l’Etat ne sera pas affectée si les objectifs de production sont maintenus.

Pour savoir l’impact du COVID-19 sur le secteur minier, Sidwaya a rencontré le directeur exécutif de la Chambre des mines du Burkina Faso, Toussaint Bamouni. Entretien !

Sidwaya (S) : Quel est l’impact du COVID-19 sur le secteur minier?

Toussaint Bamouni (T.B) : Au moment où je parle, six mines ont été touchées avec au total 26 cas confirmés dont 20 guéris et 6 sous traitement. Les mines touchées sont Essakane (8 cas dont 2 guéris), Roxgold à Bagassi (6 cas totalement guéris), Houndé (2 cas sur la mine et 1 cas à Ouaga, tous guéris), Natou Mining (2 cas à Ouaga, tous guéris), Semafo Mana (2 cas), Teranga (2 cas guéris), Bissa Gold (3 cas, tous guéris). Les mines touchées sont mises en quarantaine.

Il y a un impact sur l’exploration minière. Cette activité d’exploration était déjà en mal avec le terrorisme. Aujourd’hui, le COVID-19 a complètement stoppé l’exploration. Au niveau de l’exploitation, les mines ont drastiquement réduit leurs effectifs sur les sites pour ne garder que le personnel essentiel.

Certaines sociétés minières ont réduit leur personnel sur les sites de 700 à 30 personnes. Le personnel non essentiel a été rapatrié dans les villes de résidence. Les employés restés sur les mines travaillent plus que d’habitude, depuis un mois sans être remplacés. Ce qui engendre du stress, de la fatigue, joue sur leur moral et augmente les risques d’accidents.

C’est pourquoi on travaille avec l’administration publique pour obtenir des autorisations afin d’assurer la rotation des travailleurs afin de leur permettre de se reposer et d’améliorer leur productivité.

S : Et où en êtes-vous avec ces négociations avec l’administration pour une reprise des rotations du personnel dans les mines ?

T.B : Au début, les négociations étaient difficiles. Mais aujourd’hui, les lignes commencent à bouger. Tout n’est pas totalement acquis mais est en cours.

S : En termes d’emplois, faut-il s’attendre à une réduction des effectifs des employés ?

T.B : Nous n’enregistrons pas de chômage technique ni de licenciements. Le personnel qui n’est pas sur le site perçoit normalement son salaire. Ce sont des heures non travaillées mais payées par les mines. L’impact du COVID-19 au niveau du personnel, c’est l’arrêt des recrutements. Toutes les mines en construction ne recrutent plus.

S : Les objectifs de production des sociétés minières vont-ils être affectés ?

T.B : Pour le moment, les objectifs de production sont maintenus dans la mesure où les sociétés minières s’organisent pour que les activités d’exploitation et de traitement des minerais se poursuivent avec le personnel essentiel. Si l’épidémie est circonscrite dans un court délai, il n’y aura pas un impact sur les objectifs de production minière.

S : Quel est l’objectif de production pour 2020 ?
T.B : Généralement, c’est au premier trimestre que l’on fait le point pour savoir les quantités d’or attendues. Mais le COVID-19 a fait que l’on est en retard. Mais l’on sera un peu plus dans les proportions de l’année dernière qui étaient de 50 tonnes d’or. Cette année, avec une nouvelle mine qui entre en production, on serait dans l’ordre de 60 tonnes d’or.

S : Il y a des mines qui avaient un agenda pour la première coulée d’or. La crise va-t-elle jouer sur ce calendrier ?

T.B : Tout à fait ! Il y a la mine de Sanbrado qui a fait une coulée-test de son premier lingot d’or. Il restait la coulée officielle qui n’a pas pu se faire à cause de la crise du COVID-19. Par contre Orezone qui est la deuxième mine en construction a stoppé ses travaux et rapatrié son personnel.

S : Quel est l’impact du COVID-19 sur le portefeuille des sociétés minières ?

T.B : Les heures non travaillées et payées, le confinement des travailleurs dans les hôtels engendrent des coûts additionnels pour les mines. Mais tout le monde sait que le COVID-19 a un coût et les mines sont préparées à assurer ces coûts. Aujourd’hui, il est trop tôt pour savoir l’impact sur les stocks des mines en termes de consommables, de pièces de rechange.

S : Faudrait-il s’attendre à des répercussions sur la contribution du secteur minier aux recettes publiques de l’Etat ?

T.B : Les prévisions devraient se maintenir si la crise est contenue rapidement, car les mines continuent de produire. Dans cette optique, la contribution des sociétés minières aux recettes de l’Etat ne sera pas affectée. Mais d’ici deux ou trois mois, il peut y avoir baisse des recettes de l’Etat si les productions baissent.

S : Quelles sont les alternatives développées par les compagnies minières pour faire face à la crise et à ses conséquences ?

T.B : Les mines se sont dotées de plans de ripostes en conformité avec les mesures édictées par le gouvernement. Le personnel essentiel avant d’aller sur les sites est mis en confinement pendant 14 jours dans des hôtels loués par des mines. Un médecin lui rend visite trois fois avant la fin de quatorzaine. Et c’est à l’issue de ces 14 jours de confinement que l’autorisation d’aller sur le site est donnée au personnel. Cela permet de s’assurer que les travailleurs qui vont sur le site ne sont pas contaminés.

S : Quelles sont les attentes du secteur minier vis-à-vis de l’Etat burkinabè, afin de faire face à cette crise ?

T.B : Ce que nous demandons, c’est de faciliter le confinement des mines. Car il y a des villes qui sont mises en quarantaine et dans lesquelles résident des travailleurs des mines. Il s’agit de voir au niveau de l’Etat, comment faciliter la rotation du personnel afin de permettre à l’activité minière de se poursuivre.

Il est également important d’instruire les centres de santé pour qu’ils apportent leur assistance aux mines. Les mines ont d’importants crédits de remboursement de Taxe sur la valeur ajoutée(TVA) auprès de l’Etat. Face à la situation, les mines proposent que la TVA soit déclarée au niveau du cordon douanier mais qu’elle ne soit pas payée pour ainsi éviter d’augmenter la dette des mines vis-à-vis de l’Etat.

S : A combien s’évalue cette dette?

T. B : Au mois de mars 2020, elle était d’environ 110 milliards FCFA.

Interview réalisée par
Mahamadi SEBOGO

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